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- INFIDÈLES


2 Hérétiques — Bornons-nous à examiner deux grandes hérésies, dont l’influence s’est fait sentir au loin, et longtemps : l’arianisme et le protestantisme.

a) L’arianisme, après avoir sévi à Alexandrie et dans le monde gréco-romain, infesta aussi les races girmaniques, et principalement les Goths établis non loin de Constant inople avant de se répandre sur le reste de l’empire. Le fondateur de cet arianisme girmanique a été Ulphilas, descendant d’une de ces familles chrétiennes de Cappaduce que les Goths encore païens avaient emmenées en captivité, et qui furent alors parmi eux, en Scythie, le premier noyau du christianisme, nouvel exemple de l’apostolat par les captifs, dont nous avons parlé. Voir Ahianisme, t. I, col. 1849 sq. Ulphilas prolongea ainsi, sous une forme populaire et assez peu raisonnée, l’hérésie arienne après que les races grecques et latines s’en furent débarrassées. A ce malheur il y eut une certaine compensation : le christianisme goth pouvait encore garder les vérités nécessaires au salut, si la foi à la Trinité et à l’Incarnation n’est pas de nécessité de moyen absolue, comme il paraît plus probable ; voir col. 1856, 1882 II exerça d’ailleurs une direction utile sur les mœurs et les idées non seulement des Goths, mais encore des autres races germaniques qui subirent leur influence, et qui comme eux envahirent l’empire romain dans l’Occident presque entier et au nord de l’Afrique, et y fondèrent de nouvelles nations. Les Francs eurent mieux, c’est-à-dire le catholicisme ; et de là leur spéciale mission. Ibid., col. 18.58.

b) Le protestantisme a longtemps gardé un certain nombre de dogmes et garnie aujourd’hui, dans sa minorité plus conservatrice, les dogme s d la Trinité et de l’Incarnation. La pratique du baptême, dont le Christ, pour le salut d’un plus grand nombre, a voulu confier même aux hérétiques l’administration valide, a été en p^nero/ suffisamment conservée chez les protestants, surtout chez les anglicans. Voir Baptkme .'ions l'Église anglicane et les sectes protestantes, t. ii, col. 328-341. Nous savons que l’axiome i Hors de l'Église point de salut » n'ôte pas aux hérétiques et schismatiques de bonne foi la possibilité de se sauver. Voir Église, t. iv, col. 2169, Foi, t. vi, col. 165, 166. — Quant aux rapports des nations protestantes avec les païens, l’histoire nous montre les Anglais, les Hollandais et les Scandinaves établissant de bonne heure, avec des races très lointaines, des relations commerciales qui ont pu être l’occasion du salut de quelques-uns. Mais le protestantisme a laissé passer près de deux siècles avant de songer sérieusi ment à des missions chez les infidèles. C’est la grande réaction contre l’apathie religieuse et l’incrédulité du xviiie siècle en Angleterre, qui a amené les Anglais à fonder aussi de nombreuses sociétés de missionnaires, lesquelles à travers le xixe siècle ont eu un progrès constant jusqu'à ce jour. Elles choisissent et forment, assez convenaldement, leurs recrues dans des séminaires spéciaux. D’autres peuples protestants ont imité ce genre de fondation. Si leur œuvre parmi les païens a été trop superficielle, et a visé trop souvent à contrecarrer les missions catholiques autrement sérieuses, ces sociétés de missionnaires ont pu donner au moins l’instruction hommaire qui est absolument nécessaire pour la foi et le salut, et administrer le baptême, à un grand nombre d’infidèles. En ce sens, c’est un réel secours ménagé par la Providence aux païens, surtout en des contrées immenses dont la population païenne est devenue incomparablement plus dense qu’elle ne l'était autrefois.

A la suite des sociétés démissionnaires sont venues les sociétés bibliques, institution bien différente et d’une utilité bien plus contestable. La plus importante de toutes, la British and Foreign Bible Society,

fut fondée en 1804, surtout par des ministres non-conformistes et des laïques. Le but que dès lors elle s’est proposé est d’encourager une plus vaste circulation de la Bible, publiée sans notes et sans commentaire, i Voir sur les sociétés bibliques l’article très documenté Bible Socielies, dans la Cuttinlic Encyrlopedia, NewYork, t. ii, p 544-546. Quoi qu’il faille penser des intentions poursuivies par ces sociétés, intentions qui justifient amplement les sévères condamnations portées contre elles par l'Église romaine, il reste néanmoins que ces bibles et surtout ces Nouveau^ Testaments (car ces sociétés en publient à part), rencontrés par les païens dans leur langue maternelle, ont pu donuv r à beaucoup d’entre eux, simples d’esprit et cherchant la vérité par la grâce de Dieu, la connaissance de la vraie révélation.

Nous ne voyons même pas de difficulté à ce qu’un païen de l’Inde, d’abord très hostile aux prêcheurs protestants et brûlant leur Bible en haine du Christ, puis tenté de suicide, ait obtenu une apparition de Jésus qui l’ait bouleversé à peu près comme Paul sur le chemin de Damas, en lui laissant une paix durable et un amour profond pour Celui qu’il avait détesté ; que, baptisé ensuite par les anglicans, ce Sundar, aujourd’hui célèbre bien que jeune encore, ait entrepris aussitôt avec grand succès une vie de missionnaire zélé et pauvre, portant avec lui son Nouveau Testament, auquel devait bientôt se joindre le livre de l' Imitation de Jésus-Christ, et prêchant aux païens son divin maître, sous un costume de solitaire, qui est partout respecté des Hindous ; qu’il ait affronté seul les dangers d’un voyage au Thibet, la persécution et les supplices les plus atroces, soufferts avec joie pour le Christ ; que, miraculeusement délivré de la mort, il ait été gratifié d’un don extraordinaire de contemplation mystique. Voir les attestations résumées par le P. de Grandmaison, Recherches de science religieuse, janvier 1922, p. 1-29. Notons que ce prédicant est providentiellement amené à distribuer aux païens IVs.sen/ ; e/pour la justification. Il fait baptiser ses convertis. Il parle beaucoup des fins dernières notamment du ciel » ; il n’omet point la Trinité, l’Incarnation, le Rédemption. Des erreurs protestantes conservées de bonne foi, qui lui viennent de ses maîtres presbytériens, méthodistes, anglicans, ne l’empêchent donc pas d'être un instrument utile entre les mains de la Providence, en attendant qu’il voie, comme nous l’espérons, la pleine vérité catholique. Le P. de Grandmaison termine par une étude intéressante sur la possibilité, chez les hérétiques et les schismatiques, de grâces intérieures extraordinaires, et même de "rniracles extérieurs obtenus par eux, pourvu que « le miracle ne soit pas appelé en témoignage d’une erreur ou d’une lacune, mais d’une vérité positive, comme la divinité du Christ ». Ibid., p. 21. On trouvera sur ces cas exceptionnels, dans cet article, des citations remarquables de saint Irénée, de saint Thomas, de Benoît XIV, de plusieurs théologiens catholiques, et des Bollandistes, à propos des saints russes », p. 20-28. 3. Juifs.

Si les livres de l’Ancien Testament, surtout les Prophètes et les Psaumes, peuvent être salutaires aux païens par la grande et juste idée qu’ils donnent du vrai Dieu, de sa providence, de la foi et de l’amour qu’il commande, de ses pardons miséricordieux, de ses châtiments, du néant des idoles, etc., il faut en conclur>' que les juifs dispersés dans le monde peuvent concourir au salut des infidèles en propageant leurs livres sacrés, ou en donnant en substance, par des explications orales, les principales révélations qu’ils conlicnhent, ainsi que les grands miracles qui leur servent de motifs de crédibilité. Ils peuvent de même faire leur propre salut, s’ils sont de bonne foi quand ils rejettent le Sauveur avec la Synagogue, et