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INFIDÈLES


prête l’instruction du saint, fait l’acte de foi et reçoit de lui le baptême ; les cérémonies achevées, il meurt suivant la prédiction. On l’ensevelit au même endroit, et on élève sur sa tombe un monceau de pierres qui se voit encore aujourd’hui sur le bord de la mer ; et la rivière qui se jette là, dans laquelle il avait reçu le baptême, porte encore son nom ». Adaman, abbé d’un monastère d’Ecosse au siècle suivant († 704), Vita S. Colambæ, t. I, n. 19, P. L., t. lxxxviii, col. 737. « Une autre fois, dit le même lii.storien, l’homme de Dieu, subitement inspiré du Saint-Esprit, dit à ses frères qui marchaient avec lui près de la rivière Nisa et de son lac : Hâtons-nous au-devant des saints Anges qui, envoyés du haut du ciel vers l'âme d’un païen pour l’y transporter, attendent là-bas notre arrivée pour que nous baptisions à temps, avant qu’il meure, cet homme qui a gardé la loi naturelle pendant toute sa vie jusqu'à une extrême vieillesse. Et le saint vieillard, à ces mots, se mit à devancer ses compagnons de toutes ses forces, tant qu’enfin il trouva celui qu’il cherchait. Enichatus, c'était son nom, entendit la prédication du saint, et, croyant, fut baptisé. » Ibid., t. III, n. 18, col. 765. Cf. Capéran, Problème, etc., p. 199, note.

2. Apostolat des laïques qui font partie de la véritable Église — Où le clergé ne pénétrait pas, souvent des laïques, suffisamment zélés et instruits, lui ont préparé la voie, en même temps qu’ils donnaient déjà aux païens, par une sorte de catéchisme qu’ils leur faisaient, un moyen immédiat de foi et de justification. On cite des marchands catholiques, hardis explorateurs de régions à peine connues, où ils ont semé le bon grain. Ailleurs ce sont des prisonniers, emmenés au loin par les païens, et qui commencent parmi eux une chrétienté ; tels, au ive siècle, Frumence avec son frère, deux chrétiens d’origine phénicienne, qui emmenés captifs à la cour du roi d’Ethiopie, gagnent la faveur du prince et font des adeptes au christianisme, qui leur doit son introduction dans cette région reculée. Voir Ethiopie (Église d'), t. v, col. 923.

Parfois, chose plus remarquable, c’est un païen providentiellement converti qui se fait apôtre de son pays, et de régions encore plus lointaines. En voici quelques exemples, tirés de la vie du P. Jean de Smet, S. J., « l’apôtre des Montagnes Roclieuses » au xixe siècle, et qui a établi une sorte de Paraguay dans les tribus indiennes campées au cœur de ces montagnes peu accessiljles († 1873). Avant son arrivée (1840), une surprenante évangélisation y avait eu lieu entre les années 1812 et 1820, œuvre d’une bande ù'Iroquois du Canada, descendants de cette tribu féroce qui au xviie siècle avait si cruellement martyrisé les missionnaires. Pourquoi, quittant leur résidence catholique établie près de Montréal, se dirigèrent-ils vers les lointains pays de l’Ouest ? « Peutêtre faisaient-ils partie d’une compagnie de trappeurs canadiens, à la recherche des fourrures. Ce qui est certain, c’est qu'à leur insu ils servaient les desseins delaProvidence. Le chef du groupe s’appelait Ignace.., jadis baptisé et marié par les jésuites. » Laveille, Le P. de Smet, Liège, 1913, p. 130 sq. Après un immense et diffleile voyage ils arrivèrent aux Montagnes Rocheuses chez les Têtes-Plates, tribu distinguée entre toute par son observation de la loi naturelle. Ignace intelligent et zélé « leur parlait souvent de la religion cat holique et de ses croyances, de ses prières, de ses cérémonies.. Les sauvages apprirent ainsi les principaux mystères de la foi, les grands préceptes du christianisme, l’oraison dominicale… Ils priaient matin et soir sanctifiaient le dimanche, baptisaient les moribonds… Tous désiraient ardemment les robes noires… Ignace rassemble le conseil de la tribu, et propose d’alltr à Saint-Louis chercher des missionnaires (là depuis

peu). » après un premier envoi infructuei’x, Ignace part avec ses deux fils en 1835 ; malgré d’incroyables fatigues, il ne peut obtenir de prêtres, si peu nombreux ils étaient. Il y retourne en 1837, est massacré en chemin avec ses compagnons par la peuplade des Sioux, Une nouvelle tentative de la tribu en 1 839 obtient enfin le P. de Smet, qui raconte sa touchante rencontre avec ses nouveaux enfants, si bien disposés. Ei 1841, il part à la recherche des Kalispels. « Ils le reçoivent avec des transports de joie. Quelle n’est pas sa surprise., d’apprendre que la peuplade est déjà presque convertie 1.. L’a niée prccédente, les Kalispels avaient envoyé chez les Têtes-Plates un jeune homme fort intelligent et doué d’une excellente mémoire. Il avait appris les prières, les cantiqies et les principales vérités de la religion. Au retour il s'était fait l’apôtre de la tribu. » En 1842, le P. de Smet rencontre une tribu « qui n’avait jamais vu de prêtre ; mais, écrit-il, un Iroquois qui, depuis trente ans, vit au milieu d’eux leur a appris les principaux articles de la religion. Ibid., p. 193. De là il atteint « la tribu des Cœursd’Alène, jadis une des plus barbares et des plus dégradées des montagnes… Les premiers éléments du christianisme leur furent apportés vers 1830, sans doute par un Iroquois catholique. Peu après, un terrible fléau s’abattait sur la tribu. Au plus fort de l'épidémie, un moribond entend une voix qui lui dit : t Quitte tes idoles, adore Jésus-Christ et tu guériras ». Le malade obéit, et il est délivré de son mal. Il fait alors le tour du camp, et invite les autres malades à suivre son exemple. Tous le font, et sont guéris » p. 194. Le P. de Smet les visite en 1842, les instruit, et dit que nulle part il n’a vu des preuves aussi évidentes d’une véritable conversion. » — Voilà, pris sur le vif, et certifié par des témoignages sérieux dont le volume donne les références, le jeu des principaux moyens providentiels : païens observant la loi naturelle avec l’aide de Dieu, apostolat laïque leur transmettant les premières vérités et pratiques de la religion catholique sans le prêtre, ou en attendant le prêtre, que l’on va chercher au loin à travers mille dangers ; pour une conversion plus difficile de tribu plus dégradée, voix céleste et grands miracles de nombreuses guérisons. Ce qui s’est passé dans une seule partie du monde et à une seule époque du dernier siècle, ne pouvons-nous pas le conjecturer avec probabilité pour bien d’autres contrées et d’autres temps, surtout plus anciens, où les témoignages ne sont pas à notre portée ? — Mentionnons, en terminant, les livres catholiques sur la religion, de quelque manière qu’ils arrivent aux païens.

2° Interventions providentielles par le moyen d’iiommes qui n’appartiennent pas au corps de VÉglise, c’est-àdire à la société visible reconnaissable par ses notes comme véritable Église de Dieu. Voir église, t. iv, col. 2114-2135. Les hommes que nous avons en vue, moins éloignés de la vérité révélée que les païens en général, forment diverses catégories : les schismatiques, les hérétiques, les juifs, les musulmans.

1. Schismatiques : au sens strict ceux qui, sans aucune hérésie doctrinale, font bande à part et ne reconnaissent plus le gouvernement de la véritable Église ; par extension, ceux qui ajoutent à cette révolte la négation d’un ou deux dogmes. Ainsi dans le schisme de Photius ; comme la foi aux dogmes rejetés par lui n’est sûrement pas de nécessité de moyen, ces « orthodoxes » sont certainement capables d’instruire de la vraie révélation, en ce qui est absolument nécessaire au salut, les païens avec lesquels ils sont en contact. Telle l'Église russe dans les vastes régions où elle a pu étendre son action ; sans parler des autres Églises orthodoxes indépendantes les unes des autres.