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INFIDÈLES


aucunement être eïïacce des cœurs des hommes, pour ce qui est du principe universel lui-même.., bien que dans l’application du principe général à une action particulière…, la passion puisse obscurcir le principe. Quant aux préceptes secondaires, la loi naturelle peut s’effacer des cœurs des hommes, à cause de mauvaises persuasions… ou d’habiUidts corrompues. » Ibid. a. 6. Et il cite l’exemple du vol, et « même des vices contre nature », en renvoyant à l’apôtre, Rom., i, 26 sq. — Sur ces affirmations du saint docteur, devenues depuis longtemps communes en théologie, nous raisonnons comme il suit : La connaissance d’un « précepte » de la loi naturelle ne se conçoit pas sans la connaissance de l’obligation, et du suprême Législateur qui oblige, comme nous le rappelle souvent le cardinal, à propos d’une condamnation ayant trait au « péché philosophique. » Or tous les hommes en général, à part de rares exceptions faites pour les déments perpétuels, et autres semblables, connaissent (question de fait) quelques premiers préceptes de la loi naturelle, si maigre qu’en soit la catégorie : c’est la doctrine commune et certaine. Donc certainement les païens en général connaissent Dieu et sa loi assez pour avoir une vie morale, pour être capables de quelques péchés, ou de quelques actions naturellement bonnes. Donc on ne peut supposer ces multitudes immenses qui, sans aucune faute de leur part, sont absolument incapables de vie morale —De plus, l’argument étant fondé sur l’autorité de la doctrine des théologiens, commune depuis plusieurs siècles, il est inexact de dire que sur le point de fait qui nous occupe « la tradition théologique est imaginaire et de tout point inexistante » 20 nov. 1921, p. 402. De ce que les théologiens ont préféré telle ou telle solution du problème si complexe que nous traitons, il ne s’en sont pas moins accordés entre eux et avec saint Thomas pour rendre impossible d’avance la nouvelle solution que l’on nous propose. — On trouvera des exemples, très plausibles, de préceptes généraux connus de tous, puis de précepte secondaires facilement connus, qui en sont comme les conclusions prochaines, enfin de conclusions éloignées qu’il est facile aux infidèles d’ignorer invinciblement, dans Suarez, De fide, disp. XVII, sect. ii, n. 7 ; Vives, t. XII, p. 431. Mais naturellement, les précisions que dionnê cet auttur sont moins certaines, comme autorité, que la thèse plus indéterminée que nous venons de soutenir avec saint Thomas et l’ensemble des théologiens..

4. Conclusion.

a) Dans un louable sentnnent de confiance en la miséricorde divine, et de compassion envers des multitudes d’infidèles qui lui semblaient absolument délaissées, le cardinal a cherché une solution qui leur épargnât les peines de l’enfer, et qui les mît pour l'éternité dans un sort relativement heureux.

b) Toutefois ces multitudes ne lui auraient point

paru aussi délaissées, si d’abord il avait posé des conditions moins exagérées à la moralité et à l’obligation, surtout du côté de la connaissance de Dieu requise pour se voir obligé par un précepte de la loi naturelle ; si ensuite il avait admis avec plus d'étendue, même chez les simples, les forces de la raison naturelle, et pour fortifier encore cette raison et cette volonté libre, admis des grâces providentielles ou préternaturelles, et par tout cela, étalili solidement le principe du Fac’ienli quod in se est.., si, de plus, il avait fait un meilleur accueil aux révélations immédiates, par lesquelles Dieu peut communiquer, à ceux que la révélation antique et historique n’atteint pas, la foi et la justification, au moins quand ils ont fait leur possible ; si, enfin, il avait tenu compte d’autres suppléances de la prédication, dont nous allons parler. — c) Après une étude attentive du nouveau système, nous n’arrivons pas à le concilier avec les textes de

saint Paul sur les païens, avec la tradition des Pères et l’autorité de saint Thomas, dont on ne parvient pas à diminuer la valeur en la question présente, enfin avec des notions de théologie morale unanimement reçues.

    1. SIXIÈME ET DERNIER SYSTÈME##


SIXIÈME ET DERNIER SYSTÈME. — Suppléances providentielles, au moins probables, de la prédication catholique. — Par la « prédication catholique » nous entendons l’action des missionnaires, qui vont chercher les infidèles dans leurs pays éloignés. C’est, pour leur salut, le moyen normal établi par le Christ : Euntes docele omnes génies ; moyen principal en tant qu’il est normal, mais laissant place à bien d’autres secours. Un grand nombre d’infidèles est privé, encore aujourd’hui, de ce moyen régulier de salut ; et c’est la grosse difficulté du problème. La dernière solution qu’on peut y donner consiste à additionner, plus ou moins complètement, les diverses suppléances providentielles à cette prédication, celles qui offrent au moins une sérieuse probabilité : soit qu’elles portent un caractère extraordinaire et quasi miraculeux, soit qu’elles rentrent dans l’ordinaire. Pour plus de clarté, nous les divisons en trois groupes. Le premier contient les suppléances où se fait encore sentir l’influence directe de l'Église catholique. Le second, celles où Dieu emploie les sectes des schismatiques et des hérétiques, et même des juifs et des musulmans. Le troisième, celles qui viennent des vestiges de la révélation primitive conservés dans le paganisme.

1 » Suppléances providentielles avec influence directe de la véritable Église. — Nous disons directe : car dans l’autre cas, dont nous parlerons ensuite, où les hérétiques, etc., servent à la conversion des païens, l’Eglise catholique n’est pas sans une influence indirecte sur cette conversion, parce qu'à elle seule appartiennent légitimement les Livres saints, les vraies révélations et le baptême employés alors par nos frères séparés. 1. Interventions plus ou moins extraordinaires qui aident les missionnaires catholiques, loin de les remplacer. Parfois Dieu inspire à l’infidèle la bonne pensée d’aller chercher lui-même la vraie religion et ses mandataires, au lieu d’attendre qu’elle vienne le chercher. Ainsi Ju.stin, né païen, va chercher la venté morale et religieuse d’abord à travers les philosophies païennes, jusqu'à ce qu’il rencontre ce vieillard mystérieux qui dirige vers la vraie foi le futur apologiste et martyr. Parfois, au rebours, c’est le missionnaire qui est 'dirigé par une inspiration singulière jusqu'à l’infidèle qui a fait son possible, et qui a besoin de lui avant de mourir. D’autres fois les deux inspirations, celle du missionnaire et celle de l’infidèle, se rencontrent pour le résultat final ; témoin cet eunuque africain, trésorier de la reine d’Ethiopie, qui poussé par la grâce était venu chercher la vérité chez les juifs ; après une visite à Jérusalem, il s’en retournait sur son char, lisant le prophète Isaie ; un ange avait dirigé à sa rencontre le diacre Philippe, qui reçut l’inspiration de lui adresser la parole, de l’instruire, puis de le baptiser. Act., viii, 26 sq. Pour l’antiquité chrétienne, bornons-nous à deux traits de la vie de saint Columba († 597), prêtre irlandais, fondateur de monastères en Irlande, puis apôtre de l’Ecosse avec douze de ses disciples : « Demeurant quelques jours dans une île d’Ecosse, il frappa de son bâton un coin de terre voisin de la mer, et dit à ses compagnons : O merveille, mes enfants 1 Aujourd’hui, sur ce coin de terre, un païen très âgé qui a observé toute sa vie la loi naturelle sera baptisé, mourra et sera enseveli. Environ une heure après, un navire arrive à ce port ; à la proue se tenait un vieillard décrépit, ancien chef de soldats, nommé Géone ; deux jeunes gens le descendent du bateau, et le déposent devant notre bienheureux apôtre. Il entend par inter-