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INFIDÈLES


comme « législateur de l’ordre’^moral » sans le connaître comme « fin » de cet ordre. On peut avoir, d’ailleurs, la connaissance de Dieu requise pour le péché, et d’autre part dans l’exercice de la prière ne solliciter de lui que des biens temporels. Ce défaut ne se trouve pas chez les seuls païens. Et parmi les attributs assignés comme nécessaires, que signifie précisrment « le Dieu vrai et vivant ? » Enfin l’ensemble des théologiens, très certainement, n’en demande pas tant pour considérer un homme comme adulte au sens moral et capable de pécher : comment prouvc-t-on qu’ils ont tort ?

b. Pureté de cette connaissance. — Sur cet autre terrain l’exagération ne manque pas non plus : on semble exig r, pour qu’il y ait capacité d offenser Dieu, une telle connaissance de la Divinité, qu’elle évite sinon toute erreur sur la nature divine, du moins toute erreur polythéiste ; comme si le fait de croire à plusieurs dieux, ou même le seul fait de leur rendre un certain culte extérieur d’après la coutume de sa patrie, était absolument incompatible avec cette connaissance imparfaite d’un Dieu supérieur, auteur d’une loi morale dont on connaîtrait quelque chose et qui rendrait capable de pécher. Non ; les dieux inférieurs, on les regardait, même dans les mythologies, comme ayant communiqué aux hommes des inventions utiles, parfois des conseils ou des ordres, aimant à être honorés d’eux, et participant dans une certaine mesure au gouvernement du monde. Des niaiseries et des infamies, sans doute, avaient été brodées là-dessus, sévèrement jugées par les sages ; ainsi Aristote, en se plaignant des fables absurdes « mêlées par les anciens » à la vraie conception de la divinité, dit « qu’il ne faut retenir qu’une seule chose comme vraiment et divinement dite, savoir, que sous le Dieu unique, il y a des intelligences séparées qui meuvent la nature entière. » Éludes, n. du 5 décembre 1920, p. 529. Sans parler si bien qu’Aristote, les hommes du vulgaire pouvaient saisir la différence entre ces dieux inférieurs et le Dieu suprême qu’atteignait obscurément leur âme « naturellement chrétienne », comme dit le cardinal avec Tertullien. Du reste la raison leur était donnée pour arriver, s’ils voulaient s’en servir, à développer la notion si importante de ce Dieu suprême, pour rattacher à lui le remords qu’ils éprouvaient d’une faute, la joie d’une bonne action et d’autres faits du même ordre moral, et arriver ainsi à le connaître comme auteur de la loi naturelle. Nous ne disons pas qu’ils y parvinssent aussi vite que les chrétiens ; pourtant des grâces d’ordre inférieur leur facilitaient ce travail, qui du reste pouvait se faire sans étude et sans livre, et comme sponlanément. Voir foi, t. vi, col. 319. Le cardinal, répondant à des oljjections, dit qu’on lui a reproché des principes menant au traditionalisme. Il n’a pas de peine à montrer la distance entre ses principes et le traditionalisme condamné au concile du Vatican, c’est-à-dire « le fidéisme aveugle » qui détruit la foi elle-même « dans ce qu’elle a de raisonnable et de prudent », qui affirme « la nécessité absolue d’une révélation » pour connaître quelque chose de Dieu, ainsi que « les vérités qui sont à la base de la vie morale » et fait par là « du bienfait gratuit de la révélation une chose due à la nature » Lui, au contraire, en ce qui regarde les « philosophes », admet que leur raison peut « s’élever par ses propres lumières à la connaissance certaine de Dieu… ; et en ce qui regarde le vulgaire…, à la place de la nécessite d’une révélation », il met « la nécessité de Venseignement…, l’enseignement des petits par les grands, des enfants par leurs parents, des ignorants par leurs maîtres.., ’enseignement d’ordre purement nn/urcJ. » 5 mai 1921, p. 264-207. Mais à côté du fidéismc, il y a une forme

du traditionalisme, Ha^^plus’mitigée, que le concile du Vatican n’a pas voulu condamner, sans l’approuver pour cela : c’est celle qui affirme la nécessité absolue de l’enseignement, familial ou autre, pour arriver à la connaissance naturelle de Dieu. Voir Dieu (connaissance naturelle de), t. iv, col. 835. De cette espèce de traditionalisme s’approche le cardinal quand il pose l’enseignement naturel comme une condition sine qua non de la connaissance de Dieu en ce qui regarde le vulgaire, p. 266. A ses yeux, exception faite des philosophes, l’instruction première décide absolument par avance si l’on aura ou non, dans tout le courant de la vie, le développement moral de la raison, par suite la capacité de pécher ou de faire de bonnes actions naturelles. Mais si providentiel et si voulu de Dieu que soit cet enseignement, il n’a pas une si forte nécessité. — De plus, même en admettant la nécessité de l’enseignement comme il la conçoit, peut-on dire avec lui, que cette instruction manquait totalement, chez les païens, aux masses populaires ? que toute éducation de l’esprit, donnée dans le paganisme, non seulement ne servait de rien pour faire connaître la Divinité et sa loi, mais plutôt était « une contre-éducation » qui tuait dans son germe, et pour toujours, tovit développement de la vie morale ? Non ; la manière plus raisonnable dont bien des gens considéraient les dieux inférieurs, la vraie no ion de la Divinité et de la loi naturelle, donnée non pas seulement par des philosophes, mais encore par le théâtre d’un Sophocle, ou les plaidoyers d’un Cicéron, voix entendues même du vulgaire, se propageait par l’enseignement, d’autant plus que la religion tenait chez les païens une beaucoup plus grande plac ? que dans bien des familles et des nations modernes. Il est donc fort exagéré de dire « qu’une fois établi et consolide le système social dont les nations païennes nous offrent le tableau, où disparaît entièrement l’enseignement de la vérité de Dieu, pour faire place à la contre-éducation que l’on sait ; où les lois, les mœurs, les institutions publiques, le culte officiel, l’exemple des dirigeants, la tradition des ancêtres… ne mettent plus devant les yeux que des divinités de contrebande, n’ayant rien à voir assurément avec des obligations quelconques imposées à la conscience.., dans ces conditions, au sein même des civilisations les plus brillantes.. Rome, Athènes, Babylone, etc., il n’y avait plus, pour la grande masse, possibilité aucune d’arriver à la notion du vrai Dieu et de sa loi. » 5 déc. 1920, p. 535.

b) De quelques préceptes de la loi naturelle connus de tous les hommes. — Saint Thomas, dissertant longuement sur cette question « si cette loi est une chez tous », arrive enfin à cette assertion : « La loi naturelle, dans ses premiers principes généraux, est identique, chez tous les hommes, soit quant à la rectitude de ces principes, soit quant à la connaissance qu’on en a. Il en est de même, mais seulement à l’ordinaire, ut in pluribus, de certains principes plus particuliers, qui sont comme les conclusions des plus généraux… Parfois cependant, ut in pauciorihus, pour ces principes plus particuliers, des obstacles spéciaux empêchent cette uniformité de connaissance… Ainsi le vol, bien qu’expressément contre la loi naturelle, n’était pas réputé injuste chez les Germains, au rapport de Jules César, Guerre des Gaules, 1. VI. » Sum. theol.. la Ilæ, q. xciv, a. 4. Plus loin il se demande « si la loi naturelle, écrite au cœur de l’homme, peut en être effacée ». Et il répond : « Nous avons dit qu’à la loi naturelle appartiennent en premier lieu certains préceptes très généraux, qui sont connus de tous ; et en second lieu certains préceptes secondaires plus particuliers, qui sont comme les proches conclusions d’un principe. Quant aux premiers, la loi naturelle ne peut