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INFIDÈLES


est écrit dans leurs consciences, ii. l-l. Il dit, des païens, et non pas les païens : è'0v7].., et non Ta IGvy).. Et par cette façon de parler., ne laisserait-] ! pas supposer, chez les gentils, l’existence d’une classe plus ou moins nombreuse, demeurée, quant à la loi de Dieu, vierge de toute connaissance suffisante, et comme à l'état de table rase où rien encore n’aurait été écrit ? » Ibid., p. 275, 276.

Réponse. — Saint Paul met ici : « quand des païens accomplissent ce que la Loi commande > etc., tout simplement parce que la très grande majorité refuse librement de l’accomplir et pèche à un moment ou à un autre ; et c’est précisément cette très grande majorité qui lui fera dire plus loin : Omnes peccaverunt.., en négligeant, outre quelques inconscients, la quantité relativement faible de ceux qui se montrent constamment bons, et qui par là nous montrent la loi écrite dans leurs cœurs : ce qui, d’ailleurs, n’empêche pas que les autres, les pécheurs, quand ils agissent comme si la loi naturelle n’existait pas, ne la sentent au dedans de leurs consciences, — ou qu’ils ne puissent avoir, par la suite, un moyen de salut dans l'Évangile. Cette façon de parler : « des païens » cadre donc avec l’opinion commune des théologiens. Quant à y voir un rappel de la division des gentils en philosophes et en gens qui ne le sont point, pas un mot du contexte ne nous y autorise, et ce serait détruire le Omnes peccaverunl, que d’y songer. — L’autre endroit de l'épîtrc invoqué en passant, v, 14, est généralement entendu des seuls enfants, morts avant tout péché personnel, qui suffisent amplement pour que vaille le raisonnement de l’apôtre. Le cardinal lui-même « ne prétend pas y trouver (pour son opinion) un argument positif, o Ibid., p. 276, 277.

Dans le dernier article de lui, qui ait paru à ce moment-ci, le cardinal prend une attitude nouvelle. I Que l’on fouille les Écritures, dit-il, que l’on compulse les monuments de la tradition divine, que l’on parcoure la longue liste des décisions de l'Église, on n’y trouvera » sur « le cas des infidèles négatifs.., privés de tout contact avec les prédicateurs de l'Évangile.., ni renseignements précis, ni informations particulières ; ce qui, du reste, ne sera pas pour nous surprendre. A qui, en effet, ces informations auraientelles profité? Non certes aux intéressés eux-mêmes » qui les auraient ignorées. « A nous alors, exclusivement ? Mais, si elles ne nous concernaient pas…, où était Vulililé de nous les fournir ? La révélation avait à nous instruire de la vie éternelle à laquelle Dieu nous convie, des moyens disposés par lui pour nous y donner accès.., de la damnation éternelk- à éviter. Elle n’avait pas à nous renseigner sur des choses qui… ne nous regardent et ne nous touchent, curiosité mise a part, ni de près ni de loin, ni directement, ni indirectement. » Et après une citation de Bossuct tranquillisant dans une lettre la sœur Cornuau « qui, troublée du problème de la providence salvifique de Dieu sur la généralité des hommes, s’embrouillait sans, en pouvoir sortir », le cardinal ajoute : « En vérité exactement de même » pour nous tous ; contentonsnous de savoir que Dieu est bon et juste. « Il a bien quelques droits à ce que nous lui fassions crédit jusqu’au jour des révélations suprêmes.. La question de savoir… s’il ne se trouverait pas chez eux (les infidèles négatifs) des multitudes considérables dont le sort serait de n'être ni dans la béatitude des élus de Dieu ni dans les peines non plus de l'éternelle géhenne… est, par rapport à l’objet propre de la révélation divine, une question d'à côté ; une question qui n’entre pas, pour employer la formule consacrée par le concil de Trente, dans le cadre des choses de la foi et des mœurs ayant trait à l'édification de la doctrine chrétienne. » Études, 20 nov. 1921, p. 386-389.

Critique. — Deux questions sont ici en cause.

D’abord, question de fait. Qu’on scrute les Écritures, et en général les sources de la révélation, on ne trouve rien de précis sur l'état moral des multitudes païennes, ni par conséquent sur leur sort éternel. — Mais les textes de saint Paul, que nous venons d'étudier ? Permettent-ils d’admettre ces « multitudes considérables » de grands enfants non baptisés, qui dans toute leur vie ne font pas le moindre péché, et donc ne peuvent être mis ni au ciel ni en enfer ? Non, ils ne le permettent pas. Il y a donc, sur le fait, un « renseignement précis » dans les Écritures. — Ensuite question de droit. La révélation n’avait pas à nous en parler. — Mais c’est toujours une question délicate pour un théologien, de décider a priori qu’une vérité est inutile, qu’elle ne doit pas être dans la révélation ou que si par hasard elle y est, elle reste en dehors de l’objet propre, en dehors de ce qu’on est tenu de croire. Plusieurs ont abusé de ces déterminations a priori et arbitraires pour minimiser à tort la doctrine révélée ; le cardinal le sait mieux que personne. Du reste la sœur Cornuau avait tort de se tourmenter, c’est entendu ; et la révélation n’est faite ni pour satisfaire uniquement la curiosité, ni pour troubler les bonnes âmes. Mais au-dessus des simples fidèles, il y a l'Église : d’elle on ne peut pas dire, que l'état et le sort des infidèles « ne la concernent pas ». Elle a besoin de trouver quelque chose là-dessus dans la révélation, soit pour ajuster ses formules dogmatiques, soit pour réfuter les objections et juger les théories des adversaires de la foi, soit pour diriger son ministère et sa discipline. On ne peut la confiner dans le seul souci du salut de ses fidèles ; elle doit aussi diriger avec rectitude son ministère auprès des infidèles Si l’on admettait chez les infidèles négatifs ces « multitudes considérables » qui ne seraient pas menacées de l’enfer, si cette hypothèse devenait le sentiment commun des théologiens, ne s’ensuivrait-il pas peutêtre que, dans une plus grande disette de prêtres et de missionnaires résolus à s’expatrier, l'Église n’enverrait plus ses hommes apostoliques dans les régions lointaines où abondent les infidèles négatifs, mais ailleurs plutôt, au plus pressé, là où la damnation du grand nombre est à craindre ? — Il était donc très utile et en quelque sorte nécessaire que Dieu, surtout dans la révélation du Nouveau Testament, préparât sur ce point une lumière pour son Église ; et c'était plus nécessaire au sujet des adultes, qu’au sujet des enfants prématurément enlevés, dont il ne dit rien.

2, Tradition ancienne. — Le cardinal admet que l’on pourrait citer contre son système beaucoup de Pères de l'Égfise, beaucoup d’anciens théologiens comme saint Thomas, qui donnent une solution opposée à la sienne. Il préfère, dans l’espèce, récuser l’autorité de ces juges vénérés. De cette attitude, qui pourrait sembler insolite, il donne deux raisons : les ignorances géogi-aphiques des Pères et des théologiens, d’une part. ; et de l’autre, leur défaut de critique historique.

a) « Jusqu'à la fin du moyen âge » on ne possédait pas « les principales djiinées du problème. Naturellement, les théologiens ne pouvaient que partager les idées de leur temps sur l'étendue du monde habité.. De là, chez eux, une conception des conditions du monde, tant avant qu’après l'Évangile, qui leur permettait de résoudre la question du salut des infidèles d’une façon fort satisfaisante » en apparence, « …insuffisante du reste… dès que l’on se met en face de la réalité des choses, telle que nous la connaissons aujourd’hui ». A leurs yeux, le « monde de la gentilitc était considérablement réduit, vu qu’on en était toujours, en fait de connaissances géographiques et ethnographiques, à très peu de chose près du moins