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1899
1900
INFIDÈLES


Dieu le leur a maniiesté… par le moyen de ses œuvres. Ils sont donc inexcusables puisque, ayant connu Dieu, ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu. i, 19-21. Ibid., p. 399. — Mais, de quels païens parle l’apôlre ? C’est la grande question. Des ennemis de la thèse du cardinal, qui voulaient supprimer radicalement « l’existence de ces masses que le défaut de lumières sufllsantes aurait excusées du péché » ont soutenu, paraîtil, que « saint Paul…, parlant des anciens païens, les condamne tous en bloc…, et englobe dans une réprobation gémrale l’entière gentilité idolâtre. » Études, 5 mai 1921, p. 272. A rencontre le cardinal soutient que, dans ce monde païen, l’apôtre parle seulement des savants et des philosophes, ce qui permet d’excuser de toute faute actuelle les « masses » en question. Voilà deux positions en présence. N’y a-t-il pas place pour une troisième ? Laissons ces outranciers qui € condamnent en bloc » tous les anciens païens ; une position moyenne rendrait mieux compte du texte de saint Paul : la voici. Si dans ce morceau les philosophes sont principalement visés, en tout cas ils ne le sont pas uniquement, comme le voudrait le cardinal Voyons ses preuves. — a) Le verset 22, lui semble « plus que suffisant pour déterminer le sens ». Ce verset n’est applicable qu’aux philosophes : Dicentes se esse sapientes, stulli facti sunt. Études, 5 décembre 1920, p. 527. — Mais ce n’est pas le fait des seuls philosophes de « se dire sages » ; cela arrive à bien des imbéciles. Et la sottise dont parle ici l’auteur sacré, qui est d’avoir accepté l’idolâtrie, i, 23, n'était pas non plus le fait des seuls philosophes, ni n’avait commencé par eux. Enfin l’immoralité contre nature, dont saint Paul fait ensuite un affreux tableau, i, 24 sq. n'était malheureusement pas restreinte aux seuls philosophes, si l’on en croit l’histoire et les traits mêmes indiqués par l’apôtre (Jeminæ., i' 26) ; ni non plus l'énumération qui vient après, de toute espèce de vices et de manquements aux divers devoirs. — b) t Le verset 18, nous dit-on, n est bien plus significatif » encore : « La colère de Dieu éclate du haut du ciel contre l’impiété et l’injustice des hommes qui, par leur injustice, retiennent la vérité de Dieu captive ». Ibid., p. 528. « Quels étaient parmi les gentils, s'écrie le cardinal, ceux qui, injustes détenteurs, retenaient la vérité de Dieu captive ? qui la connaissaient et la gardaient pour eux, sans la communiquer aux autres ? qui la tenaient au secret, sous les verrous, dans de petits cercles d’initiés, sans la prêcher ouvertement et publiquement, comme ils auraient dû le faire ?… De toute évidence, et du premier mot jusqu’au dernier, il ne s’agit, dans le texte de saint Paul, que de la classe dirigeante, des sages, des philosophes, des savants. » Ibid., p 528.

Réponse. — On peut, avec la plupart des interprètes, et des Pères grecs, qui connaissaient leur langue, entendre le mot KaTEj^dvTtov dans un tout autre sens : c’est le fait de retenir la vérité, morale ou religieuse, dans une connaissance stérile, de l’empêcher de passer dans nos actions, dans la pratique de la vie. Défaut clairement reproché ensuite par l’apôtre aux païens, i, 21 ; cf. ii, 13. Défaut très humain et très général, qui n’est pas le monopole de la « classe dirigeante. » Du reste les philosophes, dans le monde païen, n'étaient pas même, à proprement parler, « la classe dirigeante » et n’avaient guère d’influence sur les multitudes. Ajoutons qu’on lit ensuite dans saint Paul un développement que le cardinal n’examine pas, et qui est très important, étant la conclusion de tout ce qui précède. L’apôtre y montre clairement le dies ira, le « juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres, aux uns… la vie éternelle, aux autres… la colère et l’indignation », ii, 5-8. « Tribulation et angoisse, dit-il, sur tout liommo qui fait

le mal, sur le juif premièrement, puis sur le grec. Gloire, honneur et paix pour quiconque fait le bien, pour le juif premièrement, puis pour le grec ; car Dieu ne fait pas acception de personnes. » ii, 9-ll. Or dans cette importante conclusion, il n’y a pas un mot qui restreigne la pensée de l’apôtre aux « savants », aux « philosophes », aux <i intellectuels. » — Nous avons donc quelque droit de dire avec le P. Prat : « La distinction imaginée par quelques exégètes entre les philosophes et le vulgaire est sans fondement, Paul parle des païens en général… Les philosophes sont plus coupables, parce qu’ils ont péché davantage contre la lumière, mais ils ne sont pas les seuls coupaljles. Restreindre à eux seuls l’argumentation de l’apôtre, c’est perdre de vue sa thèse et énerver son raisonnement. » La théologie de S. Paul, 1908, l' « partie t. III, c. II, n. 2, p. 266.

Seconde partie : connaissance de la loi naturelle. — " Ce ne sont pas ceux qui entendent (connaissent) une loi.., mais ceux qui la mettent en pratique, qui seront justifiés » (au tribunal de Dieu).ii, 13. Dans ces paroles, bien qu’il pose un principe universel, saint Paul vise plus spécialement ici les juifs, fiers de leur Loi, mais qui ne l’observent pas, comme s’il sutïisn’t à leur salut d’a’oir reçu la Loi, par la révélation de Moïse destinée à eux seuls, ii, 17 sq. Et c’est encore à leur adresse qu’il montre ensuite les gentils connaissant, eux aussi, une loi divine, la loi naturelle écrite dans les cœurs, et même se conformant, quand ils la suivent, aux exigences de la Loi mosaïque considérée dans sa principale partie, comme loi morale, comme décalogue, ii, 14, 15. Ce but particulier, d’humilier salutairement les juifs, est atteint, quand même les gentils transgressent le plus souvent ce qu’ils connaissent de la loi naturelle, ce qui d’ailleurs rentre dans le but général de l’apôtre, énoncé au commencement et à la fin de tout le développement : « Il n’y a que l'Évangile qui ait la puissance de sauver : en dehors de là, tous les hommes ont péché, et ont besoin du secours de Dieu. » i, 16 ; iii, 9sq., 23.Cf. Prat, ifc/d., n. 1, Tliése de l'épître, p. 262. Et le cardinal le reconnaît : Tel était bien le but de l’apôtre, nous n’y contredisons certes pas. » Éludes, 5 mai 1921, p. 273. Mais si c’est là le but de l’apôtre, on va contre saint Paul en admettant, à côté d’une infime minorité de philosophes coupables, qui n’est relativement rien, une multitude immense de païens qui, faute d'être des « adultes spirituels », n’auraient absolument aucun péché personnel, en sorte que le Omncs pcccaverunt, qui résume la thèse de l’apôtre, deviendrait simplement faux pour les païens. — Mais cette foule immense de païens non adultes, n’a qu’une « innocence purement négative », dit le cardinal. Ibid., p. 275. — Sans doute ; mais cette innocence négative étendue à de telles masses n’en renverse pas moins le Omnes peccaverunt. Tous, c’est-à-dire presque personne. En vain dira-t-on, ce qui est vrai, que l’universalité de cet Omnes n’est pas absolue ni mathématique, qu’elle souffre des exceptions. Des exceptions, oui : on en doit admettre pour les cas de démence perpétuelle, ou de perpétuelle imbécillité. Mais dans le système du cardinal, c’est l’innocence des' païens qui devient la règle ; le péché n’est qu’une faible exception, dans une minorité négligeable. Alors comment saint Paul a-t-il pu dire des gentils, aussi bien que des juifs : Omnes pcccaverunt ? — Pourtant saint Paul, réplique le cardinal, quand il parle des païens et d’eux seulement « se sert d’une expression restrictive n’embrassant pas la collectivité entière » et nou.' : avertit ainsi « qu’il s’en prend à la classe cultivée et laisse l’autre dans l’ombre… Quand f/e.s païens, dit-il, qui n’ont pas la Loi (écrite), accomplissent naturellement ce que la Loi commande, ils montrent que ce que la Loi ordonne