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INFIDÈLES


de la peusée, déroule le leclcur. Nous résumerons ses longues critiques du système de Seyssel, en y joignant de courtes observations. De animabus paganomm. Milan, t. I, 1622, t. I, c. xi-xxv, p. 36-90. L’ouvrage traite d’ailleurs de beaucoup de questions secondaires et a ses petits côtés, qu’a relevés M. Capéran, ibid.,

P-286sq., , j, . t f

a — CoUius allègue d’abord la Ihéone de 1 enfant. Saint Thomas, et tant de grands théologiens après lui, nient qu’arrivé à l'âge de raison on puisse mourir avec le péché originel, et un véniel seulement ; et pourquoi 1 Parce qu’il n’y aurait pas de séjour où cet enfant puisse aller, ni aux limbes, ni ailleurs. Et vous mettez aux limbes des païens qui, malgré les actes vertueux que vous leur supposez, ont tout au moins beaucoup de péchés véniels ? De animabus, etc., c. xii, xiii sq. — b _ Il allègue la thèse commune des théologiens sur l’impossibilité morale ou très grande difficulté de garder pendant longtemps, sans la grâce, tous les préceptes de la loi naturelle, bien que l’on puisse sans trop de difficulté en observer quelques-uns ; de la une sorte de nécessité de tomber dans quelque pèche mortel, si l’on n’est pas aidé par la grâce. - Mais ce secours de la grâce (actuelle) ne serait-il pas donne à 1 infidèle ! — Pas avant sa justification, répond une opinion theoloalque, qui, sans être commune, est assez répandue (S Thomas, Suarez, etc.) : en ce sens la grâce sanctifiante est nécessaire pour vaincre cette sorte d’impos' sibilité Il a donc assez probablement commis quelque péché mortel dans sa longue vie, ce païen que vous supposez mourir sans la justification et ne pas aller au ciel /fc/d., c.xiu et XIV, — c — Seyssel, pour couper court à ces difficultés, recourait à une autre supposition, comme nous l’avons vu. Il supposait que ces païens de bonne foi pouvaient, à la lumière de la raison et par les forces naturelles du libre arbitre « faire pénitence » de leurs péchés, même mortels, et en obtenir le pardon ; et c’est ainsi qu’il met dans les limbes « cette multitude d’esprits innocents. » — Mais, remarque Collius, il leur faudrait, pour obtenir le pardon, l’acte de contrition (parfaite), qui renferme celui de charité parfaite. Ibid., c. xv. Or cet acte est impossible aux forces de la nature, au moins tel quil le faut pour arriver à ce résultat d’effacer les pèches mortels, et c’est ce qu’il va montrer au long. Il s arrête d’abord à cette grande controverse entre théologiens, si la nature peut produire un acte d’amour de Dieu pour lui-même et par-dessus tout. Voir Grâce t. vi, col 1586 sq. H donne les arguments et autorités pour et contre ; puis il préfère l’opinion plus large de Scot et autres, que cet acte est possible à la nature ; il l’est donc aux païens, bien que difficile et rare chez eux Ibid., c. XVIII. Et il réfute les objections contre cette opinion, c. xix. Seulement, ajoute-t-il, cet amour naturel pour Dieu ne doit pas être regarde comme un mérite, même de congruo, ni comme une infaillible disposition, autrement l’on aurait contre soi le magistère de l'Église, qui refuse ces prérogatives aux actes de la nature, quels qu’ils soient, et qui distingue deux amours de Dieu, l’un qui est « sicut oportet, comme il e faut pour olUenir la justification, la grâce habituelle et le salut », l’autre qui ne l’est pas (IP concJe d’Orange, can 2.5 ; conc. de Trente, sess. VI, can 3 ; bulle contre Baïus, prop. 34 ; Denzinger-Bannwart, n 198, 199, 813, 1034). Ibid., c. xviii.

Conclusion. — a. — Le principal reproche que nous ferons à Seyssel, c’est de n^avoir pas pousse assez loin la confiance en la miséricorde de Dieu, qui appelle tous les hommes au salut, -et par suite d’avoir envoyé aux limbes des païens que l’on pouvait envoyer au ciel. Qui sont-ils, d’après lui ? « Ceux qui ont observe la religion envers Dieu et la justice envers le prochain, mais ont eu moins de soin, de zèle pour les choses

divines. » A ceux-là, saint Thomas et les théologiens cités assurent tout de même le moyen d’arriver au ciel. Suarez le soutient, soit parce qu’aux yeux de Dieu le facerc quod in se est existe encore avec un « moindre soin » des choses divines, et même encore, probablement, avec quelque péché grave commis contre la loi n’iturelle au cours d’une tentation qui mettrait l’homme sans la grâce dans un état d’impuissance morale à résister ; soit, plus probablement, parce que le païen lui-même reçoit, pour résister au péché mortel, des secours non pas entitativement surnaturels, mais préteniaturcls ou providentiels, suffisants pour ce but. Voir Suarez, De gratia, t. IV, c. xvi, n. 7, et n. 12-15 ; édit Vives, t. viii, p. 345-347. Il faut tenir compte aussi de l’ignorance invincible qui les excuse de voir le péché mortel en bien des actes où la révélation nous dit qu’il y en a un, et donc les excuse de le commettre. _L —Seyssel a tort aussi d’admettre qu’une pénitence purement naturelle puisse efïacer les péchés ; Collius, c xxiii, p. 81. — c — Ajoutons, avec Melchior Cano, que mettre des adultes aux limbes est contre le sentiment commun des fidèles. Voir col. 1869.

2 Au début du xix<e siècle, plusieurs apologistes célèbres ont donné une certaine /t71c(7e naturelle aux païens qui « se sont conformés aux préceptes naturels » avec l’ignorance invincible de la révélation. — En 1802 c’est Mgr de la Luzerne, évêque de Langres ; il évite pourtant toute mention des limbes. Voir la citation dans Capéran, op. cit., p. 434. En 1805, MgiDuvoisin, évêque de Nantes, indique les limbes, mais discrètement : « Pourquoi ne pas étendre aux infidèles vertueux ce que des théolo^ens très orthodoxes enseignent du sort des enfants morts sans baptême ? » Ibid., p. 435. — En 1806, M. Emery, soutenant ces deux évêques contre les réclamations d’un janséniste qui voulait mettre tous les païens en enfer, note que les païens, à cause des grâces qu’ils reçoivent, peuvent éviter tout péché mortel ; quant aux fautes vénielles (question plus embarrassante) on peut conjecturer qu’ils les expieraient par des peines préalables, ou par « quelque diminution des biens que leur état (final) comporte. » Ibid., p. 436. En 1825, Frayssinous, dans ses Conférences sur la religion : « Je ne placerai pas, dit-il, cet infidèle (qui a ignoré invinciblement la révélation) dans le royaume de la béatitude céleste ; mais, suivant sa conduite, il sera plus ou moins rapproche, dans sa destinée, des enfants morts sans baptême. » JôkL, p. 437..,

Appréciation. Elle sera presque la même que pour Seyssel. Pourquoi ces illustres personnages ecclésiastiques n’ouvrent-ils pas à ces « infidèles vertueux » le chemin du ciel ? Parce qu’ils n’osent lamais leur supposer une révélation immédiate, m pourquoi cela ? Parce que Rousseau, dans son Emile, s était moque de ce moyen de salut, et que le public à convertir ne jurait alors que par Jean-Jacques. Peut-être aussi gardait-on quelque chose du rigorisme janséniste, et ne comprenait-on pas assez la grâce suffisante donnée à tous. Muzzarelli, d’une plus saine théologie écrit alors un opuscule sur le salut des païens : « il n est pas de ceux qui s’interdiront, devant les sommations de Rousseau, de recourir même à des moyens miraculeux, » — à ces.< députations d’anges, discréditées par le Vicaire savoyard. » Ibid., p. 440. '

3 Dans tout le courant du xix » siècle, on se ressent parfois encore de ces débuts malheureux, et parfois on s’exprime encore plus mal. — a) Migne, ou plutôt l’auteur qu’il emploie dans la conclusion ou « révision » des Démonstrations évangéliques, combine assez peu logiquement, comme l’observe M. Capéran, les deux systèmes de la connaissance d’une révélation, possible aux païens, et du bonheur naturel dans les hmbes. Ibid p 478. Voir aussi Migne, 3'= encyclopédie tluv-