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dans un court espace de temps, à déterminer humainement et prudemment. » Ibid., n. G, p. 541.

Seconde partie : impossibilité pour l’enfant ayant le péché originel de commencer ses défaillances par un péché véniel. Suarez établit brièvement trois propositions. — P^ proposition. « L’homme, selon sa liberté, peut commencer par un péché mortel ou véniel. » Il en donne deux preuves. — a. « Il n’y a pas d’ordre nécessaire entre ces deux genres de péché, et le premier objet qui se présente peut n'être qu’une matière légère : donc si l’on pèche sur un pareil objet, on pèche véniellement. — Objection. — Le premier acte (libre) s’exerce toujours en vertu d’un premier acte naturel (non libre) par lequel on veut être heureux. Si donc dans le premier acte libre on consent à un objet moralement mauvais, même en matière légère, on veut virtuellement trouver son bonheur dans le mal. Or c’est là mettre dans le mal sa /in dernière (ce qui est grave). — Réponse. —… D’abord im tel acte (sur le bonheur en général) ne précède pas toujours et nécessairement 'acteliljre… Et s’il le préc d.iil toujours, cela iiesuffirait pas à faire que le péché en matière légère fût mortel ; autrement tous les péchés véniels seraient mortels, parce que dans tous est virtuellement contenu l’appétit naturel du bonheur… De plus, personne ne met sa fin dernière dans l’objet d’un péché véniel à moins qu’il n’ait la volonté expresse de l’y mettre, ou que, comme moyen d’arriver à ce même objet, il ne transgresse un grave précepte : or ni l’un ni l’autre ne se rencontre dans le cas donné. » — p. i La première action libre de l’homme, pendant qu’il se trouve dans sa première délibération (qui dure un certain temps) pourrait être un mouvement qui ne serait pas délibéré (du moins pleinement), et à ce titre serait un péché véniel ; donc… Cette preuve est valable même en supposant le précepte que suppose saint Thomas dans la première partie de sa théorie. Et on peut la renforcer en considérant, d’abord, que ce précepte peut être (au moins parfois) l’objet d’une ignorance invincible ; ensuite, que l’exécution de ce précepte exigeant du temps, comme on l’accorde en général, il n’est pas nécessaire de se presser le plus possible de l’exécuter ; si donc dans l’intervalle on disait par exemple des paroles oiseuses, on ne pécherait pas mortellement pour cela ; et lorsque Cajétan soutient le contraire, il n’a plus la probabilité pour lui : car il n’est pas de précepte dans l’exécution duquel ne puisse se glisser une légère négligence. — Enfin, étant donné ce précepte de saint Thomas et son observation (telle que l’entend Cajétan avec la grande majorité des thomistes, contre Capréolus), il ne semble pas nécessaire que l’homme soit justifié aussitôt, car il peut continuer à agir honnêtement suivant la raison naturelle, au moins pendant un temps qui ne soit pas très long, et il n’est pas nécessaire que la justification suive immédiatement, comme nous le dirons en son lieu ; elle peut donc bien venir ensuite. » Voir le passage de Suarez déjà cité, col. 1860. — 2° proposition. « Il arrive souvent que l’on commence par pécher véniellement, et non pas mortellement. » On a, en effet, le pouvoir de pécher des deux façons ; et il est plus facile de pécher véniellement soit parce qu’il y faut une moindre délibération, et que l’enfant est facilement impressionné par n’importe quelle passion ou affection, soit aussi parce que les objets qui alors s’ofl’rent à lui, ont plus souvent une matière légère, ils donneront donc lieu très facilement au péché véniel. — 3^ proposition. « Le péché véniel peut se rencontrer avec le seul originel. C’est la conclusion de tout ce que nous venons de dire. » Ibid., n. 8-10, p. 541. Cf. De grutia, t. IV, c. xv, n. 5 sq. ; édit. Vives, t. viii, p. 330 sq.

b. Le cardinal de Lugo († 1660). — A cette objection : t De nombreux infidèles, sont si barbares et si

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incultes, qu’ils passent leur vie dans une perpétuelle et invincible ignorance de Dieu : donc ils ne pèchent jamais mortellement et ne méritent pas le feu de l’enfer, » de Lugo répondait en niant que l’ignorance invincible de Dieu, même chez ceux-là, pût durer longtemps. Mais on riposte qu’elle peut au moins durer un temps assez court ; et tel de ces infidèles peut mourir alors, sans péché mortel d’après vous, ayant donc le péché originel et des péchés qui ne méritent pas l’enfer, qu’il doit pourtant expier, et qu’il ne peut expier ni en enfer, ni au purgatoire, ni aux limbes ; où trouverez-vous un quatrième endroit pour cela ? C’est une difficulté semblable à celle que la théorie de l’enfant entreprend de résoudre. « Je réponds facilement, dit Lugo, que de même que dans l’opinion commune, il appartient à la providence de Dieu d’empêcher la mort, avec péché véniel seulement, d’un infidèle non baptisé, et de lui ménager le temps ou de pécher mortellement, ou bien, s’il observe ce qu’il voit commandé, de recevoir une plus grande lumière pour atteindre les objets de foi ; de même dans notre cas il appartient à la même providence divine d’empêcher qu’aucun Infidèle adulte ne meure avant que, ou bien il arrive à connaître Dieu avec certitude, ou bien il doute au moins et soupçonne son existence avec une coupable omission de chercher la vérité, ou enfin il commette, dans ce doute, d’autres péchés graves, lesquels seront certainement mortels, puisqu’en l.s commettant il s’expose au danger d’offenser son créat(ur, dont l’existence est pour lui l’objet d’un doute (dont il ne cherche nullement à sortir.) » De incarnatione, disp. V, sect. vi, n. 108 ; édit. ^'ivès, t. ii, p. 425. Dans cette réponse trop brève, non seulement Lugo n’attaque pas la théorie de l’enfant, mais encore il la traite d' « opinion commune » en la concevant comme la conçoivent la plupart de ses défenseurs que nous avons cités ; et il en applique les principes à la question particulière qu’il traite lui-même. Le cardinal de Lugo semble donc devoir être rangé plutôt parmples’défenseurs de cette théorie de saint Thomas.

c. Schiffip.i (pour citer aussi un jésuite de nos jours) bien qu’en général très attaché au saint docteur, s’exprime ainsi sur cette théorie de l’enfant, I » 11^, q. Lxxxix, a. 6 : <c II y a trois points extrêmement difficiles à comprendre dans cette doctrine. — Le premier est cette loi ou précepte, qui oblige dès l’usage de la raison à s’ordonner à la fin dernière… Car il n’y a aucun précepte qui demande de s’ordonner à cette fin, sinon celui de la charité, comme l’enseigne le docteur angélique. In II Sentent., dist. XL, q. i, a. 5, ad 6. Or il n’est pas croyable que Dieu ait obligé l’homme, dès qu’il arrive à l'âge de discrétion, d’accomplir aussitôt le plus difficile des préceptes, l’amour de Dieu par-dessus toutes choses, d’autant plus que la connaissance de Dieu, requise pour un tel amour, ne peut s’acquérir qu’avec une assez grande instruction, surtout pour ceux qui vivent parmi les infidèles. Dire avec Cajétan que l’on satisfait à cette obligation par une certaine conversion vers le bien honnête en général, dans laquelle on se propose de passer toute sa vie selon la droite raison, ce n’est pas résoudre la difficulté, mais la déplacer. On ne voit pas que l’on soit tenu à un tel propos général. Il n’est pas nécessaire per se à la rectitude de l’acte humain, puisque l’homme peut parfois agir honnêtement sans avoir pris cette résolution générale. Il n’est tenu per se qu'à aimer les objets honnêtes particuliers… — Le deu.viém^ point difficile, même en admettant l’obligation dont parle saint Thomas, et quelle que soit celle de ces deux interprétations que l’on préfère, c’est de comprendre pourquoi dans l’accomplissement de cette obligation il ne peut se glisser une négligence légèrement coupable, bien que par l'âge on soit déjà capable de

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