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INFIDÈLES


intéressant tableau du développement intellectuel et moral de l’enfant en général, d’après saint Thomas, et aussi d’après quelques psychologues modernes, Revue thomiste, t. xiii, p. 509 sq., puis il applique le même genre d’étude à l’enfant qui reçoit une bonne éducation chrétienne. Ibid., p. 646 sq. Nous ne nous arrêterons pas à ce cas, le plus facile de tous, ni même au cas des hérétiques, et autres semblables, qui peuvent transmettre à leurs enfants les vérités d’absolue nécessité de moyen avec assez d’exactitude liour que ceux-ci puissent, de bonne foi, faire sur cette révélation à eux transmise un acte de foi stricte et surnaturelle, et arriver à la justification soit par le baptême soit par l’acte de charité. Ibid., p. 657 sq. Nous nous bornons à la question où la théorie du docteur angélique présente le plus de difficulté, celle de l’enfant qui ne reçoit aucune éducation tant soit peu chrétienne, et n’est pas baptisé. Le P. Hugueny n’hésite pas : « Il faut dire avec saint Thomas que tout infidèle peut poser au premier instant de sa vie morale, avec un acte de foi, un acte de vraie charité qui le justifie immédiatement. « Ibid., p. 656. Phrase étonnante ! Ce n’est plus seulement Billuart qui est rejeté (comme déjà p. 513), c’est en réalité Cajétan lui-même, qui donne la « conversion vers le bien honnête » comme suffisant à observer le précepte dont parle saint Thomas pour le premier instant de la vie morale, mais non pas à « justifier » l’infidèle ; Cajétan, qui demand ; bien du temps pour que l’infidèle puisse de là parvenir à la foi, à la charité, à la justification. Voir col. 1867. Avec Cajétan c’est d’autres qu’on paraît abandonner : Cano, Médina, Banez, et autres grands chefs thomistes qui dépendent de Cajétan et qui réfutent Capréolûs, auquel le P. Hugueny, sans b dire, semble revenir. — A part cette phrase dite en passant, que l’on aurait tort peut-être de trop presser, nous souscrivons volontiers aux explications données par cet auteur sur le cas difficile de l’infidèle. Que la païen puisse arriver par la conscience et la raison naturelle à connaître non seulement l’honnêteté de certains actes, mais encore l’obligation de les accomplir imposée par la volonté souveraine de la divinité « dont il peut tout ignorer sauf l’autorité juste et bonne » — que l’on puisse ou doive dire qu’avant cette connaissance du péché théologique « il n’y a pas vraiment usage de la raison » c’est-à-dire l’usage que nous entendons, parfait et suffisant à la « vie morale » î’fcid., p. 525, 526, nous l’avons tout à l’heure expliqué nous-même à propos de Bafiez. Que les païens puissent assez facilement acquérir une connaissance de Dieu plus complète, comprenant par exemple l’unj/e divine

— soit écho d’une révélation primitive, soit puissance de la raison à l’entrevoir, même quand elle ne la démontre pas — les Pères l’ont affirmé. Voir Dieu, t. IV, col. 879, 880. Le P. Hugueny, après avoir cité parmi eux Tertullien disant aux païens que « l’âme humaine est naturellement chrétienne » c’est-à-dire monothéiste, fait d’ailleurs observer que ce concept plus ou moins parfait, auquel peut arriver l’infidèle, n’est pas exigé dès le début de sa vie morale : « Cette affirmation d’un pouvoir divin unique et souverain.., dit-il, bien que se retrouvant dans les traditions religieuses de tous les peuples et si naturelle à l’homme, ne s’impose pas à la rai.son qui s’éveille et encore moins à la volonté qu’elle doit régir. » Il continue en donnant une explication plus claire que beaucoup d’autres sur le point difficile de la question : « La première intimation de l’obligation morale apparaît chez l’infldéle en des conditions incomparablement plus défavorables que chez l’enfant chrétien ; elle donne à l’homme, avec le sentiment de sa liberté, le sentiment non moins vif des limites que le devoir mettra à ses joies présentes, et des peines at.achécs à la pratique de la vertu ; et ce’l’est point sans d ?s grâces spéciales, surnaturelles quant au mode, que la volonté s’inclinera devant l’autorité mystérieuse qui réclame son premier hommage. Ces grâces sont accordées à tous suffisantes, mais ne sont point pour tous efficaces. Si le non baptisé les accueille, si non seulement il… donne l’assentiment de son esprit, mais marque par un premier sacrifice sa volonté sincère de se confier à Dieu et d’observer sa loi autant qu’il la connaît… Dieu ne lui manquera pas. Facienti quod in se est Deus non denegat gratiam, et à défaut d’un enseignement extérieur qui, pour des circonstances indépendantes de sa volonté, ne peut encore l’atteindre, la révélation intérieure de l’esprit… transformera la notion naturelle qu’il avait jusque-là de Dieu en cette foi élémentaire.., sans laquelle il n’est pas de vie surnaturelle. L’amour qui s’épanouit en son cœur à la suite de ce premier don de lui-même devient aussitôt charité, la grâce efface le péché originel. » Revue thomiste, t. xiii, p. 666, ( G7. Il ne faut pas multiplier sans raison les révélations intérieures ; mais c’est bien ici, ou jamais, le cas d’y avoir recours. Quant à la rapidité avec laquelle l’infidèje passera de la « première intimation de l’obligation morale » à la justification, nous maintenons nos réserves. « C’est dès le premier instant de sa vie raisonnable, ajoute le P. Hugueny, que le non baptisé peut trouver le s^lut. » Cela peut arriver ; mais Dieu ne l’a pas promis ; le contraire peut donc aussi arriver, même sans la faute de l’homme, et alors, grâce au délai plus ou moins long, la « révélation intérieure » peut se remplacer par 1’ « enseignement extérieur » ; alternative de secours providentiels qui répond encore mieux au texte de saint Thomas qu’on nous cite. De veritale. q. XIV, a. 11, ad 1.

3. Interprétations et jugements de plusieurs théologiens d’autres écoles. — a) École bénédictine. — a. Le cardinal d’Aguirre, († 1699), donne seulement par manière d’objection à ses thèses la théorie de l’enfant (infidèle). Il concède l’opinion de saint Thomas, qu’il cite d’ailleurs très souvent. Mais notant la multiple diversité des interprétations dans l’école thomiste, il en choisit deux qui lui paraissent plus d’accord avec le texte du saint docteur ; ou bien du premier coup il se produit une " illumination surnaturelle » qui intime à l’enfant l’obligation d’aimer Dieu « comme sa fin surnaturelle et par-dessus tout », avec la grâce suffisante pour que sa volonté le fasse immédiatement ; ou bien l’enfant reçoit d’abord une grâce naturelle quant à son entité, mais surnaturelle quant à son mode et due aux mérites du Christ, laquelle lui montre Dieu seulement comme fin naturelle de la création, et demande pour lui un acte d’amour pardessus tout : si l’enfant fait cet acte, alors, d’après le principe du Facienti quod in se est, Wreçoit infailliblement la révélation surnaturelle qui le mène par la foi à la justification ; il la reçoit même’aussitôt. .Sancti Anselmi theologia commentariis etdisputationibus illustrata, Rome, 1688-1690, t.i, disp. VI, sect.iv, n. 40-44, p. 145, 146. Ailleurs le cardinal rappelle l’appréciation de Soto, De natura et gratta, t. I, a. 22 « que cette opinion de saint Thomas no manque pas de probabilité » et l’interprète comme ci-dessus. Ibid., t. iii, disp. CXX, sect. vi, n. 72 sq., p. 425 sq. Cf. disp. CXXVIII, p. 549, 550.— Nous avons déjà donné notre pensée sur ces deux explications, surtout à propos du P. Hugueny.

1). En Allemagne, une véritable école thomiste existait au xvii « et xviii'e siècles dans l’ordre de saint Benoît. — La principale théologie sortie de cette école est celle de Paul Mezger († 1702), professeur de théologie puis chancelier à l’université bénédictine de Salzbourg. « Dès l’âge de raison, dit-il, l’homme… commence à être obligé par les préceptes même sur-