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INFIDÈLES


plein usage n’est pas physique mais moral, comprenant plusieurs instants pliysiques, malgré sa brièveté ; et que l’on distingue deux manières de « se tourner vers Dieu, » 'exj>lici(e et l’implicite, suivant que l’on se tourne vers Dieu distinctement, ou vers le bien honnête. — Tout cela supposé, 1 auteur établit sa thèse : € L’homme, au premier instant moral de l’usage parfait de sa raison, est tenu sous peine de péché mortel de se tourner vers Dieu, explicitement ou implicitement selon l'état de sa connaissance actuelle, et selon le discernement dont cet âge est capable. » Ibid., p. 3 0. Ses preuves résument brièvement^ellesquenous avons trouvées chez Cajétan, Médina, Bafiez et Gonet. — Dans la réfutation des objections, Bi.liuul invoque notamment ce principe, que l’enfant, au moment où Dieu pour la première fois lui propose pratiquement par l’intermédiaire de sa conscience la loi naturelle avec l’oldigation de la reconnaître et de la choisir, ne peut ign rerinvinciblement cetteobligation, vu surtout que les passions ne trouljlent pas encore son jugement ni sa volonté. S’il laisse passer pnr sa faute ce moment solennel où Dieu lui intime la loi naturelle, il faudra plus tard y revenir par des raisonnements souvent obscurcis par les passions et les doutes ; aussi, parmi les savants eux-mêmes, il en est qui nient ou ignTent le précepte que ne peut ignorer cet enfant, le précepte dont parle saint Thomas. La vertu infuse de charité aide aussi, en telle occurrence, les enfants baptisés ; il est donc très faux de dire qu’il en est à peine quelquesuns qui puissent faire ce que nous disons, et que nous condamnons presque tous les enfants baptisés à perdre la grâce baptismale quand ils arrivent à l’usage de la raison. — Quant aux infidèles, ils reçoivent tous à cet instant un secours suffisant de la grâce actuelle. De la nature de ce secours on tirait une objection que Gonet avait trouvée très difficile et longuement tâché de résoudre, sans succès ; la voici : « Ce secours, donné d’après vous aux infidèles, sera ou nat rel ou surnaturel. Dire qu’il est naturel, c’est dire que l’homme par les seuls éléments naturels peut se préparer à la foi et à la gi'âce, ce qui est l’erreur de Pelage. Dire qu’il est surnaturel, c’est supposer que ces « infidèles » ont la foi (contradiction dans les termes), car avant l’acte de foi, il n’y a rien de surnaturel dans l’adulte, d’après saint Augustin, etc., voir col. 178<S ; ce serait dire aussi qu’aucun infidèle n’a l’ignorance invincible de la révélation, et par suite, qu’il n’existe pas d’infidèles négatifs, ce qui est faux. De toute manière donc, ce secours vous accule à une erreur. » — Réponse de Billuart : « On peut dire l’un ou l’autre. On peut dire que ce secours est naturel par son entité, mais en même temps surnaturel quodd modum, obtenu par les mérites du Christ qui oïl au-dessus des exigences de la nature, et surtout dla nature déchue : donc ce n’est point par le seul mouvement de son libre ariiitre sans aucune grâce du Christ, que l’homme peut se disposer à la grâce. On peut dire aussi qu’il est surnaturel par son enV.é. ( eiilital ive, ou quoad substantiam) sans qu’il suive de là qu’il n’y ait point d’infidèles négatifs…. « Ibid., ol’ject., 2, p. 38.S. Billuart renvoie ensuite à un autre traité où il dit plus amplement la même chose, et que ce sont là deux opinions de théologiens sur la nature de ce secours, les dcu plus probables. Pour nous la première, avec le secours surnaturel quoad modam, ne fait pas de réelle difficulté, voir col. 17.S9 sq. L’autre n’est pas sans inconvénients ; voici comment Billuart s’efforce de la soutenir : « L’infidèle, avec un tel secours demeure un infidèle négatif, parce que, malgré cette illumination surnaturelle sur les premiers objets de foi, à savoir l’existence de Dieu et sa providence générale du salut des hommes, H, br., xi, 6, il peut garder l’ignorance inviiiciide tant de la révélation des autres artirles de foi (par exemple, sur le Christ) que de

l’obligation de les croire ; soit qu’ils ne lui aient pas été du tout proposés explicitement comme révélés, soient qu’ils l’aient été avec une certaine crédibilité, mais insuffisante pour que l’homme soit tenu d’y donner aussitôt son assentiment. » En somme Billuart s’en tireten supposant l’absolue nécessité de la foi explicite au Christ pour la justification : cela supposé, l’infidèle qui manquede cette foinepeut être justifié, et demeure un infidèle négatif parce qu’il ignore sans faute de sa part, invinciblement, l’obligation de croire cet objet, qui serait pourtant absolu.nent requis pour la justification. « Dans les deux opinions, conclut Billuart, supposé que l’infidèle consente à ce premier secours, il sera justifié ou bien aussitôt, si Dieu veut par une révélation intérieure l’instruire alors explicitement de ce qu’il est nécessaire de croire, et lui donne une grâce efficace de conversion parfaite…, ou plus tard, selon qu’il plaira à Dieu de pourvoir à tel ou tel moment cet homme des grâces qui lui manquent… Si vous objectez que dans le second cas l’infidèle peut mourir, ou pécher, avant d'être purifié de la tache originelle, on répondra qu’ayant satisfait au précepte de se tourner vers Dieu, il appartient à la divine providence de le préserver de ces inconvénients et d’achever l'œuvre commencée, non pas à cause d’un mérite ou d’une connexion essentielle entre la coopération au premier secours et la foi et la grâce sanctifiante, mais en vertu de la promesse faite, qu'à celui qui fait son possible par les forces de la grâce première Dieu ne refusera pas la grâce ultérieure. » De Deo, diss. VII, a. 8, object. 5 de infidelibus, inst. 2 ; t. ii, p. 124, 125. Mais le point faible de la seconde des réponses approuvées par Billuart, c’est l’exigence absolue, et sans exception possible, de la foi explicite au Christ. A rencontre, nous avons cité Bafiez Jean de SaintThomas, et Gonet lui-même par endroits. Le P. Hugueny va plus loin encore : « Après Bafiez et Soto, dit-il, les théologiens de Salamanque, tout en maintenant en principe la nécessité de la foi aux mystères (Incarnation, Trinité) comme nécessité de moyen, l’entendent d’une nécessité qui souffre des exceptionsC’est là, croyons-nous, une vérité qu’il faut tenir pour indispensable, à la solution du problème relatif au premier acte moral (de l’enfant). Revue thomiste, t. xiii, p. 514. Et plus loin : « La foi explicite auChrist, nécessaire de nécessité de moyen, ne l’est pas tellement que le salut soit impossible sans elle… à ceux que la prédication évangélique n’atteint pas. Cette opinion, commune aujourd’hui, n’est pas nouvelle, puisque la théologie de Salamanque cite déjà nombre de théologiens qui l’avaient professée à cette époque. » Ibid., p. 662. Cf. Salmanticensa, t. xi, De fuie, disp. VI, n. 77, p. 328. Ils citent entre autres Suarez, qui traite à fond cette question, surtout dans le De fide, disp. XII, sect. IV, n. 10 sq., édit. Vives, t. xii, p. 353 sq. ; et Lugo, remarquable aussi, De fide, disp. XII, n. 91 sq., édit. Vives, t. i, p. 524 sq. — Quant à cette partie de la théorie de saint Thomas, que i le péché véniel ne peut coexister avec le seul originel » Billuart, à l’imitation de Gonet et autres, la traite à la fin et brièvement, et même avec un moindre degré d’affirmation que ce qui précède. « Il est probable, dit-il, que le péché véniel ne peut se trouver en quelqu’un avec le seul originel. » Il concède que les objections contre ce point paraissent embarrassantes de prime abord, et dans sa dernière solution promet, sans certitude, que la Providence, en tel cas difficile où l’instruction ne peut venir assez tôt, préservera l’enfant du péché véniel. De peccatis, diss. VIII, a. 7, § 2, p. 387. Le P. Hugueny dit avec raison de cette préservation du péché véniel.' Supposition arbitraire, imaginée pour le besoin de la cause.. Revue thomiste, t. xiii, p. 656. d. Le P. Hugueny, plusieurs fois cité déjà, donne un