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1879
1880
INFIDÈLES


tourner, ce péché, à raison du danger adjoint, deviendra mortel, au moins pour l’instant final, où il l’empêche de se tourner vers Dieu ; auparavant, l’usage de la raison n'étant pas encore consommé, le péché ne le sera pas non plus. Si ce péché n’offre pas ce danger, il pourra avoir lieu comme péché véniel à Tins ant final, mais alors il se trouvera en compagnie ou de la grâce sanctifiante, ou d’un péché mortel (par lequel l’enfant refuserait la foi, ou la charité justi(ianle), tandis qu’auparavant ce n’est pas un péché véniel consommé (formel), parce que l’usage de la raison n’est pas assez achevé pour cela. Ibid., n. 22, p. 99, 100. L’explication de Jean de Saint-Thomas résume nettement celle de Cajétan et de Banez.

b. Gonet († 1681) attaque sans les nommer certains thomistes, lesquels oui concédé qu’une suppléance en certains cas (per accidens) à la foi explicite au Christ est « probable. Ainsi donc, s'écrie-t-il, cet objet de foi ne serait pas plus nécessaire « que le sacrement de baptême pour les adultes ou celui de pénitence, il serait nécessaire seulement in re uel in voto ? » Il vise Bafiez, et Jean de Saint-Thomas que nous avons cités. Clypeus Iheol. llwniislicæ, tr. De virl. theol., disp.VI, a. 5, n. 88 ; édit. Vives, 1876, t. v, p. 273, 274. Il ne s’accorde pas d’ailleurs avec lui-même, car auparavant, parlant de l’opinion de Banez qui au besoin se contente des deux articles énumérés. Hebr., xi, 6, Gonet la trouve i assez probable » ; De uitiis et peccatis, disp. IX, a. 8, n. 225 ; t. iv, p. 444 ; c’est l’endroit où il traite la théorie de Y enfant. On peut y faire quelques remarques intéressantes : a) Les références que donne Gonet sur les théologiens anciens et modernes qui ont traité de cette théorie, c’est aux Salmanticenses qu’il les emprunte, et c’est à eux qu’il renvoie, n. 178, p. 431. Les carmes de Salamanque ont fait Ldépouillement des auteurs pour et contre ; et en général ils ont mis dans leur cours de théologie une ampleur de documentation, et un zèle à défendre saint Thomas, qui leur ont conquis une grande influence sur les dominicains eux-mêmes, à partir de Gonet. — p) Celui-ci est le premier dans son ordre qui se soit écarté du jugement modéré que les anciens dominicains portaient sur cette théorie particulière de saint Thomas, depuis Capréolus jusqu'à Bafiez inclusivement, comme nous l’avons montré. Écoutons Gonet : « Le saint docteur parle si clair et si ferme, et inculque si souvent cette opinion, que d’après moi et à bon droit celui qui s’en sera écarté doit être rayé du nombre des thomistes. » Ibid., n. 178. Ceci est un autre emprunt aux Salmanticenses, en propres termes, De viliis et pec., disp. XX, n. 1 ; édit. Palmé, 1877, t. viii, p. 490. — y) En expliquant celle théorie de saint Thomas, Gonet suit plutôt Cajétan qu’il cite, et dont il donne l’explication comme étant « commune chez les thomistes » et Médina qu’il ne cite pas, d’où lui viennent quelques arguments, sans parler des détails littéraires sur Hercule enfant et sur Pythagore ; il ne lui emprunte pas, malheureusement, sa juste critique de la preuve scripturaire par le Convertimini ad me, et persiste à invoquer ce texte. Voir col. 1871.- — S) Il ajoute à ses prédécesseurs, une citation de Tamburini S. J. († 1675), In Decalogum, I. II, c. III, § 2, n. 1. Là cet auteur de théologie morale recense les divers moments de la vie où, suivant les divers théologiens, l’acte de charité parfaite semble absolument nécessaire. Gonet parcourt ces différentes opinions, et conclut, avec des preuves tirées de liaiïez, que le début de la vie morale est encore le moment où cet acte est le plus impérieusement réclamé. C’est un bon argument pour la théorie de saint Thomas. Clypeus, ibid., n. 185, 188 sq., p. 433-436. —e) Pour finir, il traite plus brièvement le célèljre corollaire de cette théorie, à savoir, qu’il est impossible de rencontrer le péché véniel avec le seul originel. Il montre cette impossi bilité avec Cajétan et Bafiez, résumés par Jean de Saint-Thomas que nous avons cité. Enfin, répondant aux objections : t J’ajoute avec les Salm<inticcnscs, dit-il que dans cet instantnjora/, (etnon mathematiquc, parce qu’il dure un certain temps) l’auteur de la nature, par un dictamen spécial qu’il produit alors dans l’intellect de l’enfant, lui intime l’obligation d’accomplir un tel précepte, et par cette connaissance le presse de délibérer aussitôt sur lui-même et de se tourner vers sa fin. Ceci supposé, l’enfant ne peut aucunement, ou du moins ne peut qu’en y mettant une mauvaise volonté qui le rend gravement responsable, tourner le dos à cette intimation pour s’occuper d’autre chose. Donc toute diversion vers un mensonge, ou un autre acte véniel en soi qui retarderait cette délil)ération, ne serait pas condamnée seulement comme péché véniel, ainsi qu’il arrive à une faute de surprise ou dont l’advertance est incomplète ; mais, à cause de sa pleine détermination, une telle désobéissance serait imputée comme mortelle. » Ibid., n. 221, p. 443. Les Salmanticenses sont un peu moins précis. De vitiis et pecc, disp. XX, n. 61, p. 516. Gonet réfute bien l’objection et renforce la thèse, si par ce « dictamen spécial » qui n’esl donc pas la voix ordinaire de la conscience, il entend une grâce de Dieu préternaturelle et quasi miraculeuse, à supposer non pas dans tous les cas, mais au moins dans certaines circonstances plus difficiles. Seulement il ne s’explique pas là-dessus.

c. Billuarl († 1757), bien que disciple de Gonet, sait garder son indépendance : par exemple dans la question où nous avons réfuté le rigorisme de Gonet. Voir 2 « syst., 4°, col. 18 ::8. Là, Billuarl soutient contre lui, avec les « très doctes Salmanticenses » et beaucoup de dominicains célèbres « auxquels ont souscrit récemment Goudin et Bancel, » que Dieu en vertu de sa volonté salvifique « non seulement prépare en général mais encore confère en particulier à tous et à chacun des hommes ayant une vie morale des secours suffisants pour leur salut, en sorte que, s’ils n’arrivent pas à la foi ou à la pénitence, la faute n’en est pas à Dieu mais à l’homme… » Cursus theol., tr. De Deo, diss. vii, a. 8, § 2, Paris, 1827, t. ii, p. 95. D’après Billuarl, la prétention de Gonet, que dans son système tpus les hommes gardent un véritable pouvoir de se sauver, « est contraire à la raison et au sens commun et ce que Gonet dit contre les jansénistes le réfute lui-même et montre son incohérence. Ibid., p. 103, 104. — Sur la théorie de l’enfant, Billuarl définit ainsi les termes : « Par usage de la raison nous entendons un usage non pas quelconque de cette faculté, mais plein et parfait, qui suffise à délibérer sur des choses graves, à choisir entre le bien et le mal moral, à se constituer une fin dernière de la vie, etc. Cet usage parfait de la raison ne s’acquiert pas d’un coup, mais successivement, au témoignage de l’expérience. La raison, d’abord toute plongée dans la chair et les sens, émerge peu à peu ; combien de temps faut-il pour cette évolution, une semaine, un mois, un au ou davantage, on ne saurait le dire avec certitude ; vous trouverez des enfants de cinq ans, ou de six, ayant quelque chose de l’usage de la raison, mais vous hésiterez à en reconnaître l’usage parfait avant sept ou huit ans ; il arrive plus vite à ceux dont les organes et l’imagination sont mieux disposés par la nature ou l'éducation. Ce que dit le docteur angélique n’a donc rien d'étonnant ni de dur. Quoi d'étonnant à ce qu’un enfant… après un usage imparfait de la raison peut-être assez long, pendant lequel il a déjà pu connaître imparfaitement Dieu ou (tout au moins) le bien de la vertu, arrive enfin à un plein u.'sag' où il soit tenu d’aimer Dieu ou ce bien, et de le prendre pour fin dernière ? » Ibid., tr. De peccatis, diss. Vf II, a. 7, § l ; t. viii, p. 379. Billii ;.r. ajoute avec I Cajétan et Bafiez, que Vinstant où l’enfant arrive à ce