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INFIDÈLES


cela ; mais notre connaissance, telle que nous l’avons naturellement en cette vie, n’atteint des perfections divines et des dispositions de la providence que ce que nous pouvons tirer du spectacle du monde créé. Et il ajoute : « Saint Thomas, II » Ilfp, q. i, a. 7, ne dit pas que tout ce qui est en Dieu est implicitement dans notre connaissance naturelle de son existence et de sa providence ; il dit que tous les articles de foi sont contenus implicitement in primis credibilibus, Hebr., xi, 6, c’est-à-dire dans les deux principaux articles indiqués par saint Paul comme nécessaires à la justification. » Comment, in // » //*, q. ii, a. 8, dub. 2, 1^ » conclus., p. 191. 192.

b — ^ Ainsi Banez nous metsagement en garde contre l’abus de cette formule : « Ceci est contenu implicitement dans cela. » Malheureusement il n’a pas évité le même écueil dans l’explication qu’il donne, après Cajétan, de la difficile théorie de saint Thomas sur l’enfant arrivé à l’âge de raison. Et lui qui a pris soin d’affirmer, comme nous l’avons vii, que « Dieu n’oblige personne à l’impossible, » que « l’ignorance invincible excuse l’infidèle du précepte divin qu’il ignore », le voilà qui accuse l’être le plus excusable du monde, un enfant élevé parmi les infidèles dans l’ignorance de Dieu, qui l’accuse, dis-je, d’un péché mortel formel, c’est-à-dire d’un libre outrage fait en pleine connaissance de cause à l’autorité du divin Législateur, sous prétexte qu’entendant pour la première fois la voix de sa conscience, « il atteint implicitement Dieu lui-même » et que omettre d’accomplir le précepte de se tourner alors vers le bien moral comme règle de toute sa vie équivaut à un mépris complet de l’autorité de Dieu, à une révolte, à un outrage digne de l’enfer. N’est-ce pas là jouer sur le mot « implicitement » qui a deux sens très divers ? Voici un adulte ayant acquis déjà la connaissance distincte de Dieu souverain Législateur, et du péché mortel qui l’outrage : mis soudain en face d’un péché mortel à commettre, il se souvient rapidement, et par là même un peu confusément, de Dieu qu’il va offenser ; on pourra dire en un sens qu’en lui la pensée de Dieu est alors implicite, à cause de son mode subjectivement confus ; et l’on soutiendra avec raison qu’un tel regard implicite jeté sur Dieu peut suffire à faire commettre un péché mortel. Mais c’est dans un autre sens que l’on dit de l’enfant dont nous venons de parler, qu’il atteint Dieu implicitement, et sa situation d’esprit est toute autre. Théoriquement il pourrait, en partant de ce qu’il voit avec l’usage de sa raison, découvrir le souverain Législateur et la malice du péché mortel : mais en pratique, c’est pour lui une longue chaîne de raisonnements difficiles, qui lui demande du temps. Il n’est donc pas, comme cet homme, dans l’acte de saisir rapidement et confusément des choses dont il a la connaissance habituelle : il est seulement en puissance de découvrir de grandes et terribles vérités ; et il n’a pas même cette puissance prochaine de connaître Dieu Législateur, et la malice du péché mortel, qu’a un homme qui les connaît explicitement, et qui est, pour le moment, endormi.

Tout considéré, force nous est donc de revenir à l’idée de Médina, qu’un certain délai est souvent nécessaire a l’enfant pour arriver à cette connaissance explicite de Dieu, qui le rende capable de péché mortel.

c. — En supposant au fait de l’obligation une évidence immédiate, et en partant de là pour prouver l’existeîice de Dieu Législateur, voir col. 1874, Bafiez est le précurseur de ces auteurs catholiques de nos jours qui ont admis la valeur de « l’argument moral » pour prouver l’existence de Dieu. Voir Dieu, son existence, t. iv, col. 917 ; où sont cités, parmi ces auteurs, Mgr d’HuIst’l’abbé de Broglie, le P. Sertillanges, O.P., les PP. Schiffini et Hontheim, S. J. — D’autres cependant goûtent peu cet argument, pour d’assez bonnes raisons. Psy chologiquement, comment l’obligation peut-elle être atteinte par la raison humaine avec « évidence » et « immédiatement » ? qu’est-ce que cette. expérience » d’une chose pare lie ? Moralement, comment peut-on être obligé, absolument obligé, et sous peine de péché mortel, avant de savoir ou même de soupçonner qu’il y a un souverain Législateur et que cette règle intérieure vient de lui et que notre conscience est son « vicaire » comme dit Bafiez ? La difficulté augmente quand il s’agit d’un enfant arrivé à l’usage de sa raison ; et le raisonnement abstrait qu’on lui suppose facile conviendrait beaucoup plus à un philosophe qu’à un enfant, surtout s’il n’est pas aidé par l’éducation, ce qui est un cas fréquent, et même ordinaire chez les infidèles. — Depuis que nous écrivions ces lignes, le cardinal Billot a donné une réfutation de t l’argument moral » qui semble convaincante. Études 5 sept. 1922, p. 523 à 531,

g) Les dominicains des siècles suivants. — Naturellement ils ne s’écartent guère de l’un ou l’autre de ces grands ancêtres dans les explications qu’ils donnent de la théorie de l’enfant. Citons quelques noms principaux.

a. Jean de Saint-Thomas († 1644) affirme avant tout l’absolue nécessité de moyen, pour la justification de l’adulte, d’un acte de foi stricte et complètement surnaturelle. Cursus théologiens. De flde, disp. IV, a. 1, n. 1 ; édit. Vives, 1886, t. vii, p. 91. _ L’objet de cet acte doit être déterminé et explicite, au moins celui qui est indiqué par l’apôtre, Hebr., xi, 6. Ibid., n. 4, p. 92. Depuis la Nouvelle Loi, il est très probable qu’en outre « la foi explicite au Christ est d’absolue nécessité de moyen. Il reste néanmoins probable qu’en des cas exceptionnels elle peut être remplacée par l’implicite ; » sage concession faite à cause des objections difficiles que notre auteur va s’efforcer de résoudre. Ibid., n. 10, p. 95, et n. 15, p. 97. Une de ces objections est tirée de la théorie de l’enfant : comment peut-il en un seul instant connaître tant d’articles de foi et leur donner son assentiment ? Dieu n’a pas promis de l’aider d’une façon qui dépasse le mode de l’intelligence humaine, it/d., n. 17, p. 98.— Réponse. « L’enfant perçoit successivement les articles de foi, mode qui convient à la nature discursive de notre pensée ; c’est pourquoi les thomistes donnent à ce premier usage de la raison un commencement et un terme, séparés par un temps intermédiaire. Au commencement, le précepte de se tourner vers Dieu n’oblige pas encore, mais seulement commence à se manifester. Au terme, il oblige ; mais alors déjà l’enfant a pu être suffisamment instruit de quelques articles de foi, grâce à Dieu. » Ibid., n. 22, p. 99. S’il s’agit d’un enfant élevé dans un milieu chrétien, oii conçoit plus facilement l’instruction que la Providence peut lui ménager en temps opportun, entre l’instant du commencement et celui du terme. Mais l’auteur prétend répon dre ici pour tous les enfants, même élevés parmi les sauvages infidèles, et au moment de l’usage complet de la raison il veut les amener tous à la possibilité pratique de la justification, laquelle d’après ses principes présuppose l’acte de foi stricte (et l’acte de charité parfaite, là où manque le baptême) : il doit donc supposer qu’une révélation immédiate leur est faite, ce qui n’est pas le mode propre de la raison humaine pour acquérir l’instruction. Mais dans sa trop courte réponse il ne s’explique pas là-dessus, et ajoute : « Entre ces deux instants, l’initial et le final, le péché véniel peut-il coexister avec le seul originel, c’est une autre controverse, distincte de la première. Pour la résoudre nous dirons : si la diversion que fait l’enfant vers un péché, véniel en lui-même, porte avec elle le danger de le distraire de la fin dernière qui lui est alors proposée et vers laquelle il est obligé de se