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INFIDÈLES


trois propositions générales ou conclusions : P" conclusion. Sur cette théorie de l’enfant, , » on ne peut rien avoir de certain, ni des saintes Écritures, ni des docteurs. Quelque position que l’on choisisse, on en voit découler des conséquences fâcheuses, inconvenieniia, et l’on a peine à résoudre les objections. » — 2 « conclusion. « Ceux qui arrivent à l’usage de la raison ne sont pas tous tenus de se tourner vers Dieu explicitement, distinctement et formellement… Bien moins encore est-on tenu par la raison naturelle de se tourner alors vers Dieu de la manière surnaturelle qui est nécessaire pour la justification : car cela présupposerait une connaissance de Dieu toute surnaturelle, que de fait tous n’ont pas aussitôt, quand ils arrivent à l’usage de leur raison » — 3° conclusion. « Tout enfant venant à l’usage de sa raison est tenu d’avoir un acte par lequel il se tourne vers le bien moral pour le chercher selon la raison ; et c’est là se tourner vers Dieu, soit implicitement soit explicitement connu. Cette conciiision est très probable, bien que ce soit une opinion particulière de saint Thomas. » Ibid., p. 245. Banez, qui n’a pas insisté sur les deux premières conclusions, a prouver celle-ci assez longuement. « i" preuve. Si 1 homme n’est pas obligé de se tourner vers le bien honnête à cet instant, par la même raison il ne le sera jamais. Car le début de la vie est le moment le plus nécessaire pour cela, puisqu’alors il y a le plus grand danger de prendre une fausse direction ; et l’erreur qui au début semble petite, à la fm devient grande, selon l’adage. Quant à dire que l’homme n’est tenu de se tourner vers Dieu ou vers le bien qu’une fois dans sa vie, c’est une absurdité. Si donc cet être raisonnable ne s’est point par avance fixé comme but de son existence le bien qui est sa fm dernière, nécessairement dans la suite de sa vie rationnelle il ira d'égarement en égarement. » — 2 « preuve. S’il n’avait pas cette obligation à ce moment, il pourrait arriver que l’homme mourût avec les péchés véniel et originel seuls, et il n’y aurait point d’endroit pour le punir, ce qui est un inconvénient, comme le remarque saint Thomas. — 3 » preuve. « Ce premier moment de l’usage de la raison est celui de la promulgation de la loi naturelle en général : il faut faire le bien selon la règle dla raison. Donc l’enfant est tenu d’accepter alors cette loi, et de se proposer de l’observer. Cette conséquence se prouve par 1 comparaison avec la promulgation de la loi évangélique » (a gument de Médina). —. 4° preuve enfin, qui est de saint Thomas, et la meilleure de toutes. La première chose qui se présente à celui qui vient à l’usage de sa raison, c’est de penser à soimême : car 1 enfant se connaît et s’aime plus que les objets qui l’entourent, et rapporte naturellement le reste à soi… Mais lui, ne doit-il se soumettre à personne ? Par le libre arbitre, il se sent maître de ses actions ; mais ne doit-il pas les bien gouverner, et particulièrement 1 premier de ses actes ? N’est-ce pas un g ave désordre, s’il établit en lui-même sa fin dernière ? si dans cette première action humaine, dont il se sent le maître libre et responsable, il ne reconnaît pas de fin au-dessus de lui, averti qu’il est cependant par la voix d' sa conscience. S’il ne suit pas cette règle à- la conscience, il gouverne mal ses actes ; il est comme un usurpateur qui ne reconnaît pas l’empire d’un supérieur… Il sera déjà puni par le remorc.s de sa conscience, qui préside en lui à la place de Dieu… Et quand même il ne connaîtrait pas distinctement l’existence de Dieu, c’est assez pour lui imposer l’obligation, qu’il connaisse évidemment en lui-même une certaine présidence de la conscience, qui lui dicte d’agir selon la règle naturellement inscrite dans son esprit… De même qu’il y a, parmi les citoyens d’un État, des gens simples qui ne connaissent

pas le ro' et ne savent même pas qu’il y en a un, et qui pourtant sont tenus d’obéir au préfet de la ville, qu’ils savent par expérience présider à tous ceux de leur région, de môme, arrivé à l’usage de la raison, l’enfant fait aussitôt l’expérience intérieure du dictnmen de la conscience, qui lui ordonne avec un certain empire de vivre suivant cette règle. Et bien qu’il ne connaisse pas Dieu distinctement, il n’ignore pas cette voix qui le représente au dedans de lui. S’il se soumet, c’est implicitement se tourner vers Dieu et le prendre pour fin. Si au contraire, par un acte positif de mauvais amour de soi, il cherche sa propre excellence en ne se soumettant pas au dictamen de la conscience, il pèche gravement, et suivant la meilleure explication c’est un péché d’orgueil, dans le genre de celui des anges révoltés. Si, malgré ce dictamen, il suspend l’acte d’obéissance exigé, c’est un péché grave d’omission, qui peut selon moi se ramener à l’orgueil, commencement de tout péché. Si d’ailleurs c’est à cause d’un bien temporel particulier, qu’il omet de se tourner vers Dieu, son péché sera spécifié par le terme (plus ou moins mauvais) qu’il poursuit, mais toujours avec la circonstance (grave) du péché d’omission.. Ibid., p. 245, 246. C’est ainsi que Baiiez résout hardiment la difficulté capitale faite à l’explic tion de Cajétan, et que Médina n’avait pas osé aborder : « Pour péchLT gravement, il faut d’abord connaître l’obligation, mais pour connaître l’obligation, il faut d’abord connaître Dieu, et Dieu législateur.. La première de ces propositions, niée depuis par les jansénistes, est généralement reconnue par les théologiens cathofiques : mais ils sont divisés sur la seconde ; nous y reviendrons.

Enfin notre auteur répond aux objections contre la théorie de saint Thomns.— A la 1° objection, d’ailleurs moins importante, Banez place une bonne explication : il note que, la raison humaine ayant besoin de temps pour délibérer, le primum instans rationis a une certaine a i ude, et peut s’entendre, ou du commencement de la délibération, ou de son terme. Le t premier instant du commencement c’est quand devant l’idée de son propre bien (ou bonheur) la volonté, qui n’est pas libre sur un tel objet, le désire naturell ment par un acte où il n’y a ni mérite ni dém rite, avant de passer au choix des moyens pour y arriver ; alors aussi l’intelligence adhère naturellement (nécessairement) à un principe pratique très général (comme : Il faut faire le bien) : c’est la promulgation de la loi naturelle, prise en général ; reste à la volonté d’y donner son libre consentement : c’est là-dessus que l’homme se met à délibérer. Le premier instant du terme, c’est quand la délil)ération prend fin ; si l’homme alors se subordonna à ce dictamen général de la conscience, il accomplit le précepte de se tourner vers Dieu, connu au moins implicitement, comme vers sa fin dernière ; et alors il est censé facere quod in se est. Entre ces deux instants, l’un qui inaugure et l’autre qui conclut la délibération, il s'écoule un temps plus ou moins court suivant la vitesse ou la lenteur de l’esprit ; de là vient également que les uns arrivent plus vite que les autres à l’usage de la raison. Par là on voit aussi l’importance de l'éducation, même avant ce premier instant : bien qu’ils n’aient pas encore l’usage de la raison et de la liberté, les enfants sont déjà susceptibles de recevoir de leurs parents, par l’imagination, des impressions et des inclinations qui peuvent beaucoup servir ou nuire quand viendra la première délibération et l'élection qui la termine. » Ibid., p. 246. — La 2' objectioi retourne de diverses manières cette idée que l’ignrrance invincible de Dieu, où l’enfant se trouvera souvent à l'âge de raison, lui ei lèvera alors toute possibilité de pécher. Elle finit en ces termes :. Cette con-