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INFIDÈLES


expliritement. » C’est la pensée de Cajétan, qu’il cite et résume. Noir col. 18()7. Il ne craint pas de faire aussi quelques emprunts aux objections des adversaires, qu’il vient de citer : « Nul n’est tenu à l’impossible, dit-il avec eux ; or il est impossilile naturellement d’arriver si vite, soit à la connaissance de Dieu, soit surtout à celle d' n tel précepte (de se tourner vers Dieu explicitement). D’ailleurs, pour établir ce précepte, les sources positives font défaut ; il serait donc téméraire de l’affirmer. On ne peut se servir de ce texte : Cuni>erliniini ad me et ego ronuertar ad vos, Zacli-, I, 3, qu’on retrouve dans Jérémie, Osée, Ezé^ chiel et Joël, et autres prophètes… Ce précepte, Convertimini ad me, s’adresse aux seuls pécheurs coupables de péchés mortels actuels, et attachés au péché, comme on le voit par le contexte. Et c’est toujours pour les exhorter expressément à la pénitence. Mais le préci’iJte de la pénitence, selon le sentiment commun des théologiens, n’oblige pas le pécheur à se conver ir tout de suite. » Ibid., p. 471. Comment donc l’enfant non baptisé, qui n’a encore que le péché originel sans aU(Ue faute actuelle, serait-il obligé par ces paroles des prophètes à se tourner, conuertere, vers Dieu, bien plus, à le faire tout de suite, dès le premier ins ant de l’usage de la raison ? On ne peut qu’approuver l’exégèse de Rkdina et son rai onnement. - — Médina est surtout préoccupé d’empêcher qu’on ne tire de cette théorie, comme plusieurs l’ont fait bien à tort, l’en eur si grave d’altriliuer la justification de l’infidèle à un acte purement naturel et sans la foi. Cependant il ne goûte ni l’interprétation de Capréolus, qui veut que l’acte exig par saint Thomas dans l’enfant arrivé à l'âge de raison soit un acte surnaturel de charité parfaite, ni les arguments que les partisans de Capréolus proposent en sa faveur ; et même il les réfute. Jbid., p. 471, 472. (^'est en les réfutant, qu’il trouve l’occasion de compléter l’interpr » talion de Cajétan sur la question capitale de la justification de l’enfant. Médina, expliquant (ad 2°™) un principe que les partisans de Capréolus avaient mis en avant, le grand principe du Facienli quod in se est, le développe et l’applique ainsi : « Si l’enfant, au premier instant de l’usage de la raison, délibère bien sur son salut (même sans connaître explicitement Dieu et le salut, et comme Cajétan l’ixplique). Dieu lui donnera aussitôt une lumière surnaturelle et infuse de foi, par laquelle il connaîtra (par révélation) ce premier principe de notre religion, l’existence d’un Dieu rémunérateur. Et cette illumination ne sera pas miraculeuse, parce qu’elle appartient à la règle posée par la divine Providence, qui se doit à elle-même de ne laisser personne sans le remède suffisant, sans le secours nécessaire au salut. Si vous objectez que la connaissance de Dieu n’arrive aux hommes (aux infidôl s, dont il s’agit surtout) qu’après un temjjs assez long et de longues recherches, je l’accorde, si vous parlez de la connaissance acquise par les forces humaines ; mais pas n’est besoin de temps (ni de recherches) pour la connaissance surnaturelle où Dieu enseigne l’homme, car Dieu peut à l’instant enseigner à tout liomme la doctrine nécessaire au salut. Ajoutons ce que disent de doctes théologiens, Durand, In IV, dist. IV, q. vii, le savant Victoria dans sa dissertation De veniente ad usum ralionis, et le sage Cano dans sa leçon De sacramentis : il n’est pas nécessaire que, l’enfant ayant bien délibéré sur lui-même. Dieu lui donne aussitôt cette lumière surnaturelle et le justifie par sa grâce ; mais c’est assez qu’il soit justifié bientôt après, ou même avec un certain retard, selon le gouvernement de la divine providence ; dans cet intervalle, il pourra être convenablement instruit des choses surnaturelles, et les tenir par la foi. — Mais, dira un théologien, il pourra aussi dans cet intervalle pécher véniellement, ce que réprouve

saint Thomas dans son article. — Il faut répondre qu’il appartient à la providence de Dieu de le garder alors de tout péché véniel, de même qu’elle préservait Adam, avant sa chute mortel !, de tout péché véniel, comme nous l’avons expliqué (dans la même question de saint Thomas, a. 3). « Ibid, p. 472.

Seconde proposition. — « Celui qui arrive à l’usage de la raison est tenu de se tourner vers Dieu de la manière qu’il peut si Ion la connaissance qu’il a. S’il connaît Dieu, ce à quoi l'éducation peut beaucoup servir, il est tenu d’avoir cet acte : je veux honorer Dieu, je prends la résolution de garder sa loi. S’il ne le connaît pas, il suffit qu’il se décide à vivre suivant la dictée de la droite raison, ainsi : je veux mener une vie honnête ; je ne veux pas faire le mal ; saint Thomas, en termes exprès, accepte que cela suffise pour commencer. De nerit., q. xiv, a. 11, ad 1. Ainsi expliquée, continue Médina, l’opinion de saint Thomas sur l’enfant arrivé à l'âge de raison est vraisembhible, et très probable. Voici des arguments qui en suggèrent la vraisemblance. — 21. — Dès que la loi et la foi au Christ sont suffisamment promulguées à quelqu’un, il est tenu d. les recevoir par une f rme résolution comme celle-ci : je veux vivre sous sa loi et lui rendre un culte, et il ne peut pas remettre cette résolution à plus tard. Donc, pareillement, dès que la loi naturelle lui est promulguée, tout individu est tenu de la recevoir ; or il ne la reçoit que par le ferme propos de l’observer ; il est donc tenu d’avoir ce propos. La parité semble claire : car la loi naturelle n’oblige pas moins que la loi chrétienne, étant également divine ; et la promulgation s’en fait, quand l’on arrive aux années de discrétion, quand l’on sait qu’il faut vivre conformément à la droite raison, qu’il ne faut pas nuire au prochain. — b. — C’est alors le moment urgent de s’occuper de son salut, plus ou moins vaguement considéré suivant la connaissance que l’on a ; et c’est une très grave négligence, de ne pas alors disposer de sa manière de vivre, d’où dépend le salut ou la perte ; et comme alors on a tout de suite à agir bien ou mal, il semble qu’il y aurait très grave négligence à ne pas disposer avunt tout de l’ensemble de sa vie, de summa vilse. » Ibid., p 472. Médina tourne cette preuve de diverses manières, et enfin passe à un argument donné par saint Thomas, le seul qu’ait retenu Melchior Cano, comme nous avons vu. — c. — « Si rnifaiit n'était pas tenu aussitôt à ce ferme propos, il pourrait arriver qu’avant de l’avoir il fît un péché véniel (ou plusieurs) ; alors, s’il avait encore le péché originel, n'étant point baptisé, le péché véniel se trouverait en lui avec le seul péché originel, ce qui semble un inconvénient (s’il venait à mourir en cet état), parce qu’il n’y a pas d’endroit pour punir ce péché véniel : ni les limbes, où l’on ne souffre pas, au moins de la peine du sens, ni le purgalo re, qui est un acheminement à la gloire céleste (refusée au péché ori-. ginel), ni l’enfer des damnés, où ceux-là seuls sont punis qui sont en état de péché mortel. » Ibid., p. 473. L’argument n’est pas péremptoire, Dieu pouvant, ou dans sa providence empêcher la mort en cet état, ou dans sa miséricorde pardonner ce péché véniel et sa peine, ou même dans sa toute-puissance, trouver pour cette espèce très particulière de pécheurs un autre lieu de punition qu’il n’a pas jugé à propos de nous révéler. — En finissant. Médina rappelle que les païens euxmêmes ont entrevu cette décision générale que l’on doit prendre en arrivant à l'âge de raison, comme dans la fable d’Hercule enfant, ayant à choisir entre deux voies et deux invitations opposées, celle de la Volupté et celle de la Vertu.

j) Bafiez († 1604), traite notre question ex professa, et l’ajoute en appendice dans les Scholastica commentaria in II&t^ II^p Angelici docloris, q. x, a. 1 ; édit. de Douai, 1615, p. 243. Il énonce brièvement