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INFIDÈLES


ensemble bien ordonné, et tendant à cet ordre universel, et par lui à Dieu qui est l’auteur et la fin de ces ordre, si on l’aime telle qu’elle est constituée dans son degré, on tend implicitement à cet ordre universel, et à Dieu en dernière analyse, même sans penser à lui. Quant aux infidèles, ils peuvent par la raison naturelle et philosopliique connaître Dieu comme auteur et fin de l’univers ; et dans le cas où ils ne le connaîtraient pas, il leur suffit, pour éviter le péché dans beaucoup de leurs actes, de tendre à Dieu et de l’aimer implicitemenl, en tendant aux objets (honnêtes) tels qu’ils sont en eux-mêmes : mais cela ne suffit pas pour le salut éternel, ni pour éviter tous les péchés. » Aimer Dieu explicitement, ajoute-t-il, ils ne le peuvent si vite que cela. " Ils n’y sont tenus que lorsqu’ils peuvent le connaître, ce qui leur demande bien du temps, parlant naturellement » c’est-à-dire en dehors des moyens surnaturels, que Dieu peut employer mais n’emploie pas toujours. Co/n/2len^ in //am llse^ q. x, a. 4 ; édit. léonine, t. viii, p. 83. C’est à la lumière de cet article écrit plus tard, qu’il faut expliquer et corriger la théorie de l’enfant lello que l’exposo le commentaire de la I » II=e. Sans cela, celui-ci plus ancien et très imparfait, tout en contenant des passages d’un grand rigorisme, laisserait croire en d’autres endroits que l’auteur admet, par un étrange laxisme, dans l’enfant infidèle et non baptisé, la justification gi-âce au simple amour naturel du bien honnête, et dans l’enfant chrétien baptisé, arrivant à l'âge de raison, un premier acte de charité parfaite appuyé seulement sur la foi large, avant qu’il ait été catécliisé et qu’il ait connu la rOvtlation. Heureusement les choses sont à peu près remises au point parce quel' autenrditsur l’article de la II' II « , en y ajoutant des passages de ses commentaires sur l'Écriture sainte où il exige nettement la foi stricte pour toute justification d’adulte, suivant la remarque de Melchior Cano. Comment. In Hebr., c. xi, et In Rom., c. m. On peut observer aussi la différence avec le précédent sur la manière de comprendre la théorie de l’enfant. Dans cet acte que saint Thomas exige dès l'âge de raison pour éviter un péché mortel, Capréolus entendait pour tous l’acte de charité parfaite ; Cajétan y voit, du moins pour l’infidèle, un acte très inférieur mais suffisant pour le moment.

c) Dominique Soto († 1560). — a. — Dans un ouvrage dédié aux Pères du concile, Soto ne regarde pas comme certaine, malgré l’autorité de saint Thomas, cette grave obligation de se tourner vers sa fin dernière dès l'âge de raison, de quelque façon qu’on l’explique. « Supposons, dit-il, un honnne arrivé à l'âge légitime avec le seul péché originel, et que Dieu attire à lui. Il n’y a pas à avoir d’anxiété sur ce point, si l’on est tenu de se tourner vers Dieu dès qu’on arrive â l’usage de la raison, comme le veut saint Thomas, ou s’il est possible de rester un certain temps avec la seule tache originelle, ce que les autres approuvent plutôt. » Mais Soto exige dans cet adulte, pour être justifié, la /oi (stricte) avant tout, et, sous la loi évangélique, lafoi explicite au Christ ; de la il passe aux dispositions qui suivent la foi, et que l’on doit soutenir contre Luther. De naturu et gratia, ï. II, c. XII ; édit. revue par l’auteur, Salamanque, 1561, p. 127.

1). - Ailleurs, il a affaire avec des théologiens qu’embarrasse le précepte spécial et positif de l’acte intérieur de charité, d’amour de Dieu, parce qu’ils ne savent comment déterminer les moments où il oblige, et qui préfèrent le nier. Voir sur cette question Charité, t. ii, col. 2252, 2253. D’une part, pensaient avec raison ces auteurs, il ist ridicule de dire, étant donné le rôle souverain de la charité, que ce précepte n’obligerait qu’une seule fois dans la vie, c’est-à-dire à l’article de la mort ; et un soldat, dès qu’il donne

son nom pour se consacrer au service d’un prince, ne fait-il pas acte d’amitié pour lui ? D’autre part, si vous dites que ce précepte oblige dès que brille la lumière de la raison, voilà qui n’est connu que de très peu d’hommes, et jamais personne ne s’est confessé d’y avoir alors manqué. Soto répond : « Si vous en croyez saint Thomas, dès l'âge de raison on est obligé de se rapporter à Dieu ; non pas, dis-je, au moment même, mais quand l’homme commence à délibérer pleinement, et connaît un seul Dieu, auteur de toutes choses. Et cette opinion n’est pas sans fondement… Il convient tout à fait que, par amour de Dieu, l’homme prenne alors la résolution d'éviter le mal et de faire le bien, ci' qui est aimer Dieu par-dessus tout ; aussi, avec son secours spécial, l’homme recevrait alors la foi, et la grâce par laquelle il serait purifié du péché originel. Quoi qu’il, en soit de cette opinion, je pense que quand l’adulte, ayant bien sa raison, va recevoir le baptême, il doit rapporter à Dieu sa vie ; et de même qu’alors, par le précepte de la foi, il est tenu de croire, de même il doit espérer ce qu’il croit, et aimer celui en qui il espère… Alors vaut la comparaison de celui qui donne sgn nom au prince pour la milice. » De fustitia et jure, t. II, q. iii, a. 10 ; édit. d’Anvers, 1567, fol. 44, au verso. Aujourd’hui, les théologiens trouveraient Soto trop sévère ; la foi et l’attrition efficace avec l’espérance du pardon, mais sans la charité, peuvent suffire, disent-ils, comme dispositions de l’adulte au baptême. Voir CHAmTÉ, t. ii, col. 2251.

d) Melchior Cano († 1560). —Dans une dissertation sur les sacrements, il a toute une partie sur la nécessité de la foi au Christ pwur le salut et la justification des adultes. Relectio de sacramentis in génère, part. II ; Œuvres, Venise, 1776, p. 333-344. Voici la question qu’il pose : Utrum sine fide Christi possit homo a culpa sanari ; sans la foi au Christ, l’homme peut-il être justifié? Dans cette seconde section de la IP partie, Cano établit trois « conclusions », où thèses, qui renferment sa doctrine sur la foi dans la justification. — a. — « Il est erroné et peut-être hérétique, d’affirmer la justification d’un adulte quelconque par la seule connaissance naturelle sans l’acte de foi, » p. 337 sq. Son jugement n’est pas trop sévère : ce qui est jugé en ces termes, c’est un pur naturalisme, sans aucun des correctifs que Ripalda devait y apporter un jour dans son système. — b. — « Pour la rémission du péché soit originel, soit mortel, la foi au Christ est nécessaire, explicite ou implicite. » Ibid., p. 340. La première conclusion de Cano affirmait la nécessité de la foi surnaturelle et stricte, sans énoncer aucun objet matériel ; toutefois, par le fait qu’elle s’appuyait sur Hebr., xi, 6, elle indiquait comme objet minimum requis l’existence d’un Dieu rémunérateur. La deuxième énonce un autre objet, le Christ ; mais, à cause du dernier mot « ou implicite » elle diffère peu, au fond, de la première : car la foi implicite au Christ ne diffère que par l'énoncé, plus ou moins clair, de la foi en Dieu rémunérateur. Voir col. 1754. Aussi, parce que ce n’est qu’une affaire d'énoncé, Cano insiste peu. — c. — « Pour la rémission du péché originel ou actuel, avant le baptême, la foi explicite à l'évangile n’est pas nécessaire même aujourd’hui. Coriuille était justifié aya/ii de recevoir la foi « lu Clu-ist., d’après Saint Thomas, lia Usa^ q. x, a. 4 ad 31>ni, et III », q. lxix, a. 4 ad 211m. » Ibid., p. 341. Cette dernière question i st plus difficile, surtout à cause de plusieurs textes de saint Augustin et de saint Thomas, voir col. 1856 ; Cano donne ici la solution la plus Ijénigne, en la soumettant au jugement de l'Église. Aujourd’hui cette solution bénigne est bien plus répandue que de son temps ; et l'Église a toujours laissé la liberté de la soutenir. ^ Après