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INFIDÈLES


n’en trouvait pas, ce qui est difficile à admettre, si les textes du saint docteur ne pouvaient se concilier entre eux, alors il vaudrait encore mieux s’en tenir à ce qu’il dit d’accord avec le grand courant de la tradition, et sacrifier cette théorie de l’enfant, moins importante en elle-même, plus obscure et très diversement interprétée, abandonnée par de grands théologiens ou du moins réduite par eux à une plus ou moins grande probabilitc, comme nous le verrons. — Il importait d'écarter tout d’abord cette interprétation.

2. Inlerprclutions et jugements de l'école dominicaine — a) lapr((jlus(† 1444 j. Dans son ouvrage pour la défense de saint Thomas, il ne mentionne qnc deux f us la théorie de l’enfant. Voir au mot Puer la t ;, bk' générale de l'édition de ses Œuvres par les pères dominicains. Tours, 1908, t. vii, p. 435 ; et les deux fois, c’est en passant et à propos d’autre chose. — a. — D’abord à propos de la doctrine plu probable de saint Thomas, que tout acte du juste est méritoire pour le ciel, s’il n’est pas péché. In II Sénlent., dist. XL, q. i, a. 1, 2° conclusio. Œuvres, t. iv, p. 455. Scot attaquait cette doctrine plus consolante, en distinguant trois manières seulena^nt dont le juste peut rapporter à Dieu ces actes : par une int ntion actuelle, ou virtuelle (au sens où la théologie morale prend aujourd’hui ce mot, par exemple dans le ministre du sacrement), ou habituelle, c’est-à-dire que tout acte capable d'être rapporté à Dieu (tel n’est pas le péché, même véniel) est censé être rapporté habituellement à Dieu par le seul fait qu’il voisine dans l'âme avec la vertu infuse de charité, qui est le principium referendi (le principe capalile de rapporter les actes du juste à sa fin surnaturelle). L’intention habituelle, de l’aveu de tous, ne suffit pas pour que l’acte devienne méritoire. Donc, conclut Scot, bien des act s restent « indifïérents entre le mérite et le démérite », tout en étant moralement bons, « parce qu’on n’est pas tenu de rapporter à Dieu, actuellement ou virtuellement, chacune de ses actions. » In IV Sentent., t. II, dist. XLI, q. i ; Œuvres, édit. Vives, 1893, t. iv, p. 435. L’opinion de Scot est probable. Capréolus défend contre lui celle de saint Thomas en montrant que le saint docteur ne s’appuie pas sur la seule présence de la vertu de charité, ni sur un acte qui a précédé de peu, mais sur la puissance qu’aurait l’acte de charité de rapporter à Dieu toutes les actions suivantes, tant qu’il n’est pas rétracté. Cette influence, qui les rend toutes méritoires, est une influence virtuelle en un sens particulier, différent de celui de Scot. Op. cit., t. iv, p. 459, 460. Ceci peut s’appliquer à la théorie de l’enfant, si l’on exige de lui dès l'âge de raison un acte de charité parfaite ; et c’est bien ainsi que Capréolus entend cette théorie dans saint Thomas. Car, discutant avec Durand sur la même « 2° conclusion », pour défendre cette influence d’un premier acte de charité sur la suite des actions, il arrive à dire : « Il s’agit, ou d’un adulte, ou d’un enfant. Or l’adulte pécheur, quand il est justifié, aime Dieu par-dessus tout, et dirige vers lui tout ce qui lui appartient, omnia sua ; l’enfant, quand vient le temps où il peut se servir de sa parfaite raison, rapporte à Dieu tout son être, se et sua, ou bien il pèche mortellement, juxta imaginalionem sancti Thomæ. » Ibid., a. 3, § 2, p. 402. Nous ne traduirons pas : « suivant une imagination de saint Thomas » ce serait trop peu respectueux pour le Maître. Peut-être Capréolus veut-il dire : « suivant une conception. » Il reste pourtant que cette mention de la théorie de l’enfant est bien sèche, en une petite phrase, sans un mot d’explication ou d’approbation.

b. — Capréolus mentionne la même théorie à propos d’une autre opinion de saint Thomas, qu’aucun péché véniel ne peut être pardonné à une âme en état de péché mortel. Vn IV.Sentent., dist. XVI, q. i, a. 1,

3 » concl., Œuvres, t. vi, p. 341. Il cite contre cette conclusion une objection de Durand, qui part de l’hypothèse d’un enfant venant à l'âge de raison avec le péché originel et mourant bientôt avec un péché véniel seulement. « On dira peut-être, ajoute Durand, que l’enfant venant à l'âge où il peut pécher, ne commence jamais par un péché véniel, mais par un péché mortel. Mais c’est mani/estement faux, qu’il s’agisse d’enfant baptisé ou non baptisé. Car avant qu’on puisse juger qu’ils ont péché mortellement, il y a beaucoup de délits enfantins que l’on regarde comme véniels. » Ibid., a. 2, obj. 2, p. 341. Que répond Capréolus ? Après avoir cité sur la théorie de l’enfant plusieurs textes où saint Thomas la donne, il ajoute simplement : « Quand (Durand) dit que ces assertions sont manifestement fausses, nous le nions. C’est sa preuve, à lui, qui est manifestement fausse : car ils font un faux jugement, ceux qui attribuent des péchés véniels aux enfants avant qu’ils aient l’usage de la raison, qui rend possible un péché mortel. Avant l’usage de la raison, ils peuvent faire des choses qui selon leur espèce, sont des péchés véniels, oui : mais en eux ce ne sont pas des péchés, et l’on en doit dire autant des péchés mortels en pareil cas. » Ibid., a. 3, ad 2, p. 344, 345. Ainsi C ; préolus s’insurge contre le mot de Durand, que cette théorie est u manifestement fausse » et il détruit l’argument par lequel celui-ci prétend le montrer ; mais il en reste là, sans expliquer ni prouver les différentes parties de la théorie elle-même, ce qu’il ferait là ou ailleurs, s’il y attachait beaucoup d’importance.

b) Cajéîaii († 1534). — Dans le seul endroit où il examine directement la théorie de l’enfant, c’est-à-dire dans son commentaire sur l’ai-ticle de la Somme cité plus haut, il s’ttend d’abord beaucoup sur des difficultés secondaires, jusqu'à ces mots qui touchent au fond de la question : « Si (l’enfant arrivé à l'âge de raison) juge qu’il doit désirer le bien honnête (bien moral), confusément conçu comme on le fait à cet âge, alors il aura fait une bonne délibération sur luimême, prenant pour sa fin la vraie béatitude, quoique d’une manière imparfaite, et initiale ; d’un enfant on n’exige rien de plus. S’il ne le fait pas, il est coupable d’i-mission, comme dit notre texte, ad 2. » Edit. léonine de saint Thomas, Rome, 1892, t vii, Ia-IIæ, q. Lxxxix, a. 6, n. 7, p. 147. Évidemment le commentateur est sage, en n’exigeant pas d’un enfant l’impossible. Ce qu’il dit du bien honnête, comme contenant une tendance imparfaite à Dieu fin dernière, il l’explique mieux ailleurs en réfutant cette erreur de Grégoire de Rimini, que les inlidèies pèchent dans toutes leurs actions, et cela parce qu’ils ne toident jamais à Dieu fin dernière de l’homme. De même, dit Cajétan, qu’au-dessous du chef de l'État il peut y avoir un général en chef, de même au-dessous de la fin dernière de tout l’univers, finis ultimus simpliciter, il peut y avoir quelque chose qui soit fin d rnière dans tel genre, finis ultimus in hoc génère. Sans doute, on ne peut pas aimer une chose pareille d’un amour absolument suprême, ce serait la mettre à la place de Dieu : mais on peut l’aimer comme suprême en son genre ; ainsi, parmi nos bi ns humains, nous aimons la vertu, parmi les vertus la charité, etc. Et parce que le précepte d’aimer Dieu explicitement comme la fin suprême de l’univers (précepte de charité) est un précepte affirmatif, positif, donc n’obligeant pas l’homme pour chacune de ses actions, il sera souvent permis à la créaturc d’arrêter sa pensée et son amour à un objet qui est une fin dernière en son genre. Alors on aimera Dieu implicitement, par le double fait qu’on ne l’exclut pas et qu’on aime l’objet (bien honnête, vertu, etc.) tel qu’il est en lui-même (suivant la nature de la volonté, qui se porte aux objets tels qu’ils sont en eux-mêmes). Car chaque chose en son degré faisant partie d’un