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INFIDÈLES


des miracles cxlrèmcinent mulLiplics. Or ce système en sui pose : donc on ne doit pas l’admettre. » — Réponse. — Le principe de la majeure est vrai des « miracles comme on les entend d’ordinaire, extérieurs, publics, les seuls qui puissent fonder une apologétique reconnue de tous les fidèles et commune à tous. De ces miracles-là une extrême multiplication troublerait le cours régulier du monde extérieur, déconcerterait sans cesse les prévisions humaines, rendant la science inutile ; même du point de vue surnaturel, le miracle trop éclatant, trop envahissant, ne laisserait pas à notre foi assez d’obscurité, de liberté et de mérite. Mais ces inconvénients très sérieux ne sont nullement à craindre des miracles intérieurs et cachés, qui n’ont pour témoin que l'âme oi ! i ils se passent, et que l’on ne suppose pas à la légère et sans preuves. Or, dans le système en question, il s’agit de miracles intérieurs, invisibl s et cachés au public, admis du reste par de graves théologiens et des Pères de l'Église pour certaines circonstances déterminées, c’est-à-dire quand l'âme, ignorant invinciblement les vérités de nécessité de moyen, ne peut les recevoir par la prédication ou autres moyens analogues, et d’ailleurs n’a pas mia par une vie coupable un obstacle à l’action divine : Dieu alors, pour être fidèle à sa promesse des moyens de salut, en vertu de sa volonté sérieuse de sauver tous les hommes, se doit à lui-même de donner la révélation immédiate, qui n’est donc pas supposée sans preuve.

Suarez a même avancé, en passant, que les révélations immédiates exigées comme moyen de salut, ont quelque raison de ne pas être appelées t miracles » selon toute la propriété de ce terme : « Quiconque n’aura pas mis d’obstacle, dit-il à propos des infidèles, receTa la lumière ou vocation (prochaine à la foi), soit extérieurement par l’intermédiaire des hommes. Dieu ayant disposé les événements pour obtenir ce résultat sans aucun miracle par un autre genre de providence gratuite, soit en l’illuminant intérieurement par le ministère des anges, ce qui n’est pas tout à fait miraculeux, mais appartient à la providence surnaturelle. » De priedestinatione et reprobatione, t. IV, c. III, n. 19, édit. Vives, t. i, p. 495.

Conclusion finale.

1. Partie favorable. Les deux précédents systèmes ayant été écartés comme gravement défectueux, celui-ci s’impose dans certaines circonstances, pour que la volonté salvifique universelle de Dieu soit vraiment ce qu’elle doit être à l'égard de tous les adultes. De plus, il a pour lui un remarquable ensemble d’autorités sérieuses : plusieurs anciens Pères, et parmi eux de grands docteurs de l'Église ; saint Thomas, et d’autres docteurs de l'âge d’or de la scol>'tique ; de grands théologiens après le concile de Trente.

2. Partie restrictive. Toutefois ce n’est qu’une solution partielle du problème. Pour ne pas multiplier outre mesure et arliitrairement les révélations immédiates, il nous faudra, à la fin de cet article, donner un tableau plus complet des moyens suffisants d’arriverà la foi et au salut, moyens certains ou probables, que peut rencontrer un infidèle, sans que Dieu ait recours à ces révélations.

QVATiiii'.ME SYtsTÈME. — Théorie de saint Thomas sur l’enfant qui vient à l'âge de raison. — Cette théorie, aussi difficile que célèiire, et que par brièveté nous appellerons la théorie de l’enfant, est mise à cette place à cause de sa liaison avec celle des révélations imiuidiates, dont nous venons de parler ; on a cherché aussi à entirerparti en faveur du premier système, o i à l’accommoder avec le deuxième. Le saint docteur utilise en plusieurs occasions cette théorie qu’il avait trouvée chez certains maîtres de l’université de Paris. Prenons surtout ce Ciu’il en dit dans la Somme, où un

article entier lui est consacré : « Il est impossible dit-il, qu’en l'âme humaine le péché véniel se rencontre avec le seul péché originel. En voici le pourquoi. — Avant que l’homme ait atteint l'âge de discrétion, cette insuffisance de développement mettant obstacle à l’usage de la raison, l’homme est excusé de péché mortel ; et à plus forte raison de péché véniel, s’il lui arrive de commettre quelque action peccamineuse en matière légère Mais dès q l’a commencé pour lui l’usage de la raison, l’homme n'échappe plus à la responsabilité du péché véniel et mortel. Car, à ce moment, la premiè.e question pratique qui se présente à son esprit, est celle de délibérer sur sa destinée. S’il s’oriente vers la fin qui lui est assignée, il obtient, avec la grâce, la rémission du péché originel. Si au contraire il n’adhère pas, d’intention, à cette fin, par une volonté proportionnée au degré de discernement dont il est capable à cet âge, il péchera mortellement, ne faisant pas tout ce qu’il peut Dès lors, oiï ne trouvera plus en lui le péché véniel sans le péché mortel, sauf après une première rémission de tous ses péchés par la grâce. » Sum. theol., r ll’i>, q. Lxxxix, a. 6 ; trad. fr. du P. Hugueny, O. P., Revue thomiste, novembre 1905, t. xiii, p. 50, t, 510. Cet aul( ur signale les deux points ditTiciles de la Ihéorie, à savoir, que l’enfant ue puisse jamais devancer, pa un péché véniel, son premier péché mortel, et qu’il soit dès le commencement de l’usage de la raison dans l’alternative ou d'être justifié ou de pécher mortellement ; il les signale quand il ajoute : « Ainsi donc, pas de péché véniel là où il n’y a ciue le seul péché originel, parce que l’homme, en son premier acte moral, obtient avec la grâce la rémission du péché originel, s’il n’est pas encore baptisé, ou commet un péché mortel. Voilà un « parce que » plus intéressant, mais tout aussi controversé, que la conclusion qu’il appuie. Est-il bien vrai que l’homme puisse et doive, dès le début de sa vie raisonnable, choisir entre Dieu et le bien créé, poser un acte d’aiour qui le justifie, ou d’aversion qui le condamne ? » Ibid. — Puis il donne, d’après les Salmanticenses, les autres endroits où saint Thomas fait usage de cette théorie : c In II Sent., dist. XXVIII, q. i, a. 3, ad 5, et dist. XLII, q. i, a. 5, ad 7 ; In 7 V, dist. XLV, q. i, a. 3, ad R ; De malo, q. V, a. 2, ad 8 ; q. vii, a. 10, ad 8 ; De veritnte, q. xxiv, a. 12, ad 2 ; q. xxviii, a. 3, ad 4. Salmanticenses, t viii, p. 491. D’après eux aussi, il énumère les adversaires, p.511, 512.

Nous donnerons sur ce système : 1° Les principales interprétations ou critiques qui en ont été faites, avec l’appréciation de chacune ; 2° Une conclusion finale.

1° Principales interprétations ou critiques du système avec notre appréciation. — 1. Interprétation de Ripalda ou plutôt de ses partisans plus modernes, et de quelques précurseurs plus anciens que signale Melchior Cano ; Ripalda lui-même, C|uand il cherche à appuyer son système de la foi qui justifie sur l’autorité de saint Thomas, ne cite jamais les textes qui ont rapport à cette théorie de l’enfant — « A l'âge de raison, dit cette interprétation, si l’enfant oriente vers sa fin son intelligence et sa volonté, prévenues et (levées par une grâce surnaturelle mais sans la révélation, dont le saint docteur ne parle pas, alors le p>ché originel lui est remis par la justification, à laquelle suffisent, comme préparation, ces actes surnaturels de foi large et d’amour. » — Réponse. — Saint Thomas a montré ailleurs qu’il tenait pour l’impossibilité absolue de la justification sans la foi stricte, même chez les infidèles. Voir ce que nous avons dit de lui à propos du.'i' système, col. lf-5I. Ce point étant acquis, et le rejet de la foi large de Ripalda étant commandé par la thèse commune des théologiens et la force de ses preuves, il faudra chercher une autre interprétation plus acceptable parmi les nombreuses qui existent ; et si l’on