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INFIDÈLES


salut, de la révélation ininiédiate. Leur objection prend la double forme de l’argument néijalif et de l’argument positif.

a. Argument négatif : « Le concile, qui parle longuement de la révélation et de la foi, devrait mentionner la révélation immédiate comme moyen de salut, s’il l’admettait. Or il se tait absolument sur un pareil moyen : donc il ne l’admet pas. » — Réponse. — a) A la majeure du syllogisme : Rien n’obligeait le concile à parler d’un moyen de salut qui est plutôt extraordinaire et anormal. Le concile ne visait que les principales erreurs modernes à éviter ; et même en restant sur ce terrain, il a sacrifié bien des questions traitées dans le schéma trop toulîu de Franzelin. — P) A lamineure : Lesilence des pères du Vatican n’est pas absolu ; car aux « arguments externes, miracles et prophéties », qui sont « des signes très certains de la révélation divine, et pouvant servir à l’intelligence de tous », le concile joint « les secdlirs internes du Saint-Esprit. » Sess. III, ciii, Denzinger-Bannwart, n. 1790. Analysons cette dernière expression, très générale et très ample. Elle comprend en premier lieu les grâces qui élèvent les facultés pour tous les actes salutaires, pour toutes les dispositions à la justification, dont la l)remière est l’acte de foi. Le concile oppose cette sorte de grâces aux « signes très certains de la révélation divine », parce qu’en dépit de leur surnaturalité si haute, elles ne sont pas assez reconnaissables comme intervention du Dieu infaillible, pour constituer une preuve certaine qu’il révèle ou qu’il a révélé. De cette sorte de grâce le concile reparle bientôt après, en disant que II l’acte de foi est un acte salutaire » opus ad salutem perlinens, et en rappelant la nécessité de la grâce pour de tels actes. Ibid., n. 1791. Mais l’expression générale que nous analysons ici, « les secours internes du Saint-Esprit », paraît cojnprendre en second lieu, cette sorte de miracle intérieur qui n’est pas plus difficile à admettre que les autres, et qui peut suppléer les I' miracles (extérieurs) et prophéties » comme preuve certaine de la révélation ancienne et médiate, avec cette différence, pourtant, que cette extraordinaire lumière intérieure qui accompagne, par exemple, la lecture de l'évangile, est un signe moins normal, et qui a l’inconvénient de ne servir de preuve certaine qu'à la seule intelligence où il se passe : de ce côté-là, les miracles extérieurs de l’apologétique traditionnelle ont l’avantage sur lui. Enfin, en troisième lieu, l’expression du concile paraît contenir, dans sa grande amplitude, le cas de suppléance totale où une révélation immédiate, s’imposant comme divine à l’intelligence avec une certitude dont on n’arrive pas à douter (ce qui est déjà une sorte de miracle intérieur), remplace non seulement les « motifs de crédibilité » mais encore la Il révélation » médiate elle-même.

C’est dans tous ces sens à la fois, que Vacant interprète la phrase que nous venons d’analyser : o Les pères du Vatican, assure-t-il, « ne disent pas que des motifs de crédibilité purement internes ne suffisent iamnis pour la foi ; car Dieu a le pouvoir de mettre surnaturcllement au fond d’une âme la preuve indubitable qu’il est l’auteur de telle ou telle révélation. De même, en effet, qu’il a produit dans le monde extérieur des miracles qui sont des garants certains de la divinité de la doctrine chrétienne, de même peut-il éclairer directement notre intelligence par des illuminations dont l’origine divine sera manifeste. Ainsi a-t-il fait souvent pour ses prophètes et pour les hommes privilégiés, auxquels ils communiquait immédiatement ses révélations. » Études théologiques sur les constitutions du concile du Vatican d’après les actes du concile, 1895, t. ii, n. 570, p. 37, 38. — La pensée de Vacant a été citée et commentée par le P. de Poulpiquet, O. P. Il fait observer que le miracle intérieur.

par lequel « Dieu se fait reconnaître directement à l'âme », a l’avantage de la simplification : « Au lieu d’atteindre la parole de Dieu (ou l’existence du miracle qui la prouve) à travers une longue série de témoins, on la perçoit immédiatement dans sa propre conscience. » Le miracle et ses suppléances, Paris, 1914, p. 11. Pour la révélation immédiate, dont le plus parfait spécimen est la prophétie proprement dite, considérée dans le prophète, il note que « cette illumination intellectuelle que reçoit l’esprit du prophète s’accompagne toujours de la conscience claire et explicite de son origine surnaturelle. » Ibid., p. 12. Et il cite ces mots de saint Thomas : « Le prophète a la plus grande certitude des vérités qu’il connaît expressément par l’esprit de prophétie, et il tient pour certain qu’elles lui sont divinement révélées… Un signe de cette certitude prophétique nous est donné dans la personne d’Abraham qui, averti dans une vision prophétique, se prépara à immoler son fils unique ; ce qu’il n’eût jamais fait, s’il n’avait été très certain de la révélation divine. » Sum. Iheol., II' l^, q. clxxi, a. 5. Enfin, dans ces révélations privées qui appartiennent à la mystique des saints, le P. de Poulpiquet retrouve la même certitude absolue que Dieu produit dans l'âme. Ibid., p. 15. Il cite sainte Thérèse, Vie, c. xviii ; Château de l'âme, V « demeure, c. i ; Vp demeure, c. i. — Voir Crédibilité, t. iii, col. 2222.

b. Argument positif. — « La révélation immédiate peut aussi s’appeler expérience interne, inspiration privée. » Soit, dirons-nous. « Or le concile du Vatican condamne la doctrine qui donne comme moyen d’arriver à la foi l’expérience interne, ou inspiration privée. Il condamne donc tout emploi de la révélation immédiate comme moyen de foi et, par suite, de justification et de salut. » — Réponse. — Voici la condamnation que l’on a en vue : > Si quelqu’un dit que la révélation divine ne peut pas être rendue croyable, par les signes extérieurs, et par conséquent, que les hommes doivent être amenés à la foi uniquement par l’expérience interne de chacun, sola interna cujusque experientia, ou par l’inspiration privée, qu’il soit anathème. » Sess. III, can. 3 de fuie, Denzinger-Bannwart, n. 1812. L’adversaire supprime dans le document le mot sola, et par cette suppression fait condamner au concile ce qu’il ne condamne pas. Ce qu’il condamne, c’est l’erreur de beaucoup de protestants, surtout modernes.

En admettant plus ou moins les signes extérieurs de la révélation, par exemple les miracles du Christ guérissant, ressuscitant, etc., en les tenant même peutêtre pour objets de notre foi, ils leur enlèvent d’autre part toute valeur apologétique, toute aptitude à

prouver la vérité de la religion chrétienne ainsi qus l’obligation d’y adhérer ; et c’est vers " l’expériencs interne, l’inspiration personnelle » qu’ils se rejettent soit pour y chercher des signes, des motifs de crédibilité, les seuls valables selon eux, soit pour y chercher la révélation elle-même, celle qui est le seul moyen de foi et de salut. En deux mots, si « l’expérience interne », si « l’inspiration privée et personnelle » a été anathématisée au Vatican, c’est, dit le P. de Poulpiquet, « en tant qu’elle se donne comme la voie universelle et nécessaire pour arriver à la foi, et en tant qu’elle est exclusive des signes extérieurs. » Loc. cit., p. 11. Son universalité retendrait et l’imposerait aux fidèles euxmêmes comme moyen général de salut ; c’est ce que nous ne disons pas, mais nous en faisons un moyen particulier de salut, à l’usage des infidèles qui n’en ont pas d’autre, et qui ont d’ailleurs fait leur possible suivant l’honnêteté naturelle ; quant à l’exclusion des signes extérieurs, elle détruirait l’apologétique traditionnelle, celle des Pères et des docteurs de l'Église. 3. Raisons théologiques alléguées contre le 3^ système. — La principale est celle-ci : « On ne doit pas admettre