Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/305

Cette page n’a pas encore été corrigée
1859
1860
INFIDÈLES


faudra se rappeler pour une solution complète de notre problème. Voir 6 « système. 2°, col. 1911, s(|.

2. Tradition.

a) Saint Augustin. — Il insiste fort sur les dispositions de la Providence qui favorisent les uns et non pas les autres, et qui ne peuvent s’expliquer par leurs mérites et démérites respectifs, comme le voulaient les pélagiens, mais qui restent pour nous un mystère, o altitudo ! Il dit à ce propos : « Voici un homme (en pays infidèle) mieux réglé que d’autres dès son enfance, plus judicieux, plus tempérant, vainqueur de ses passions pour une grande part, ennemi de l’avarice, détestant la luxure, plus apte et plus exercé aux différentes vertus : d’où vient pourtant qu’il soit tellement placé sur la terre, que la grâce du christianisme ne puisse lui être prèchce ? Comment croira-t-il à celui qu’il n’entend pas ? Et comment l’entendra-t-il sans pri dicati’ur, Rom., x, 11? D’où vient que cet autre, d’esprit plus lourd, adontié à ses convoitises mauvaises, tout couvert de crimes honteux ou audacieux, soit gouverné si heureusement (par la Providence) qu’il entende une prédication, fasse l’acte de foi, soit baptisé, puis soustrait (à la rechute par une mort opportune) ou bien, s’il est laissé sur la terre, y vive d’une manière louable ? Expliquez-moi donc par le mérite et le démérite de ces deux hommes, je ne dis pas l’acte de foi produit par un seul des deux, car cette difft rence pourrait provenir de la volonté personnelle, mais cette circonstance indépendante du pouvoir humain, que le second entende prêcher la foi tandis que le premier ne l’entend pas ! » De pcccatorum merilis et remissions, t. I, n. 31, P. L., t. xi.iv, co..l26. — De ce passage on tire, contre les révélations immédiates, l’objection suivante : « En les admettant, vous détruisez ce mystère des faveurs providentielles, affirmé par le grand docteur. Le païen vertueux aura toujours un traitement meilleur que le païen criminel : car, bien que placé dans un endroit où la prédication ne peut l’atteindre, il s’en tirera par une révélation immédiate, et avantageusement. L'équilibre sera rétabli ; plus de mystère. »

Réponse. — Nous-mêmes pouvons dire : o altitudo, et admettre ces faveurs providentielles. Nous tenons avec saint Augustin qu’un scélérat, par un de ces dons bien immérités, peut entendre la parole d’un prédicateur, se convertir et mourir en saint ; il y en a eu beaucoup comme cela, à commencer par le bon larron. Il se peut aussi qu’après sa conversion il vive longtemps, dans une grande abondance de lumières et de mérites, jusqu'à une sainte mort. Quant à l’autre infidèle, orné de tant de vertus naturelles, nous ne lui promettons pas nécessairement une révélation immédiate, mais nous disons que s’il continue à faire son possible, il aura infailliblement la connaissance des vérités révélées les plus nécessaires, avant sa mort, soit grâce à un prédicateur qu’il finira par rencontrer, soit au besoin par une révélation immédiate, peut-être à sa dernière heure. En ce cas, puisqu’il n’y a jamais de mérite pour le ciel avant la justification, il ne sera pas favorisé du tout pour la quantité des mérites, malgré sa longue hon.êteté naturelle qui semblait demander mieux. L' « équilibre » ne sera donc guère rétabli en sa faveur, et il aura eu contre lui, pendant de longues années, le mot de l’apôtre, cité par Augustin : « Comment croire sans un prédicateur ? » Envoyé plus tôt, le prédicateur lui aurait fait un bien immense : le mystère subsiste. Ainsi le raisonnement du docteur de la grâce, tout en restant solide et péremptoire contre les pélagiens, n’est pas contraire aux révélations immédiates, que saint Augustin admettait d’ailleurs, comme nous l’avons vu par des textes positifs. Voir col. 1818.

Ce que nous venons de dire des délais toujours possibles ae la Providence à l'égard d’infidèles qui font de leur mieux, s’appuie de l’autorité de graves théo logiens, par exemple, de Suarez : « Pourquoi Dieu serait-il obligé, dit-il, de leur donner sa lumière surnaturelle aussitôt qu’avant la foi ils commencent à bien faire ? Cette particularité (de temps) ne nous a pas été révélée, ni ne peut se déduire logiquement de la volonté salvifique universelle : car la promesse (de moyens prochains de salut) que, par suite de la rédemption du Christ, Dieu a faite à tous, il peut l’accomplir (ou non) à tout instant donné de la vie, pourvu que la mort ne soit pas imminente (car alors il ne peut retarder davantage). Autre considération : la bonne action (naturelle) d’un infidèle, quand il fait ce qui est en son pouvoir, n’est pas la dernière disposition à la grâce excitante (surnaturelle), ni même une disposition, mais seulement l’Lloignement d’un obstacle : comment donc aurait-elle avec cette grâce une connexion nécessaire (et intrinsèque)? Quant au lien accidentel et extrinsèque qui résulte d’une promesse, la promess > n’a pas été faite avec cette précision (pour le temps). De là une grande et remarquable différence entre la grâce habituelle et la grâce actuelle, et entre les deux sens donnés à l’axiome Faf/e/i^f, etc., suivant qu’on l’entend de l’une ou de l’autre (l’usage prédominant, et meilleur, est de le réserver à la gi'âce actuelle). La grâce habituelle demande une dernière disposition déterminée, avec laquelle elle a non seulement une connexion infaillible, mais encore une succession soudaine : aussitôt que l’homme, prévenu par le secours surnaturel, s’est ainsi disposé, la grâce (sanctifiante) existe en lui infailliblement (il est justifié). Mais la première grâce excitante (cell 3 qui excite à l’acte de foi, disposition éloignée à la justification) n’exige point ellemême une disposition préalable, et ne peut avoir été précédée par une vraie disposition, mais tout au plus par le manque d’obstacle, lequel n’est pas lié infailliblement avec l’action divine conférant cette grâce. » De gratia, t. IV, c. xvi, n. 17, édit. Vives, t. viii, p. 348. Suarez conclut : « Pour le temps et la manière de distribuer le secours surnaturel prochain, proxime sufficiens, nous ne pouvons donc rien affirmer avec précision et certitude, mais Dieu a réservé cela à sa libre disposition…. Il est plus probable que Dieu ne le donne pas à tous, ni dès le commencement, même à ceux qui font leur possible, afin de n’avoir pas l’air de donenr un secours si gi’atuit à cause de la valeur de l’acte (naturel), et d’acquitter une dette. De même que, pour faire briller (la puissance et la gratuité de) sa grâce ; Dieu la donne parfois aux gi’ands pécheurs (abondante jusqu'à les convertir), et non pas à des gens moins coupables, de même peut-être pour beaucoup (d’infidèles), avant qu’ils fassent leur possible, il les prévient par cette grâce d’ordre surnaturel, et écarte d’eux le péché ; pour d’autres, peut-être, il commence par leur donner un secours d’ordre naturel (surnaturel quoad modum), et dès qu’ils agissent bien, il les illumine (par la révélation et la foi) ; à d’autres enfin, quand même ils font preuve de bonne volonté dans l’observation de la loi naturelle, pareillement (ou même davantage), il retarde la vocation surnaturelle et la renvoie au temps qu’il a fixé : non qu’il attende d’eux, pour la donner, un mérite ou une disposition proprement dite, mais parce qu’il lui plaît de ne conférer cette grâce d’ordre supérieur que dans un moment de plus grand besoin, ou plus convenable aux autres fins de sa providence… Et certains faits que nous lisons sur les infidèles (dans les vies des saints ou les récits des missions) montrent que Dieu en a gardé quelques-uns jusqu'à la vieillesse, et leur a enfin procura, par une providence toute spéciale, le moyen d’entendre parler de la révélation, qu’ils n’avaient reçue jusque-là ni extérieurement ni intérieurement. » Ibid., n. 19.

b) Le concile du Vatican. — Il a été utilisé par les récents adversaires de l’emploi, comme moyen de