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INFIDÈLES


médiate », ce qui serait la foi large. Il dit : « sans qu’une révélation leur ait été faite, à eux », par conséquent une révélation immédiate. Et tout son contexte détermine ce sens du mot « révélation ». Son contexte antécédent : il vient de parler des révélations immédiates faites aux gentils explicitement sur le Christ et d’en donner des exemples. Son contexte subséquent : il dit que si quelques-uns parmi eux, moins favorisés du côté de la révélation du Christ, ont été sauvés (ce qui est le principal) ; ils ne l’ont pas et sans aucune foi au Médiateur : car ils ont eu cette foi implicitement, en croyant " au Dieu libérateur des hommes » selon Hebr., xi, 6, ayant eu une révélation immédiate ou médiate de cette vérité qui rappelle plus vaguement le Christ, mais dont l’acceptai ion est plus essentielle. Ajoutons que le patronage donné par saint Thomas à la thèse fondamentale est confirmé par l’interprétation commune que les théologiens des diverses écoles donnent de sa pensée là-dessus. Enfin citons de lui ce texte si clair : Yita infidelium non pntest esse sine peccato, cum peccata sine fide non lolluntur. Sum. theoL, W ^, q. x, a. 4, ad l » ra. « Enlever les péchés », c’est procurer la justification : or d’après lui celle-ci ne peut se faire sans la « foi », et il s’agit bien de la foi stricte, puisque le nom même d' < infidèles » se réfère à cette foi, et en signifie la privation Saint Thomas nie donc pour eux la possibilité de la justification tant qu’ils n’ont par la foi stricte ; leur âme reste perpétuellement souillée pa* le péché ; et c’estune des deux explications qu’il donne là de cette parole de saint Prosper : Omnis in’tdelium vita est peccatum ; a première, et la meilleure. Voir au. ; i. In Paulum, Rom.

X, IH, 1 cl. III.

Objections contre l’emploi de la révélation immédiate pour expliqu r le saint d’un infidèle.

Voici les principales, tirées : 1. de l'Écriture, 2. de la tradition, 3. de la raison théologique.

1. L'Écriture. — On objecte Rom., x, 13, 14. Certainement ce passage, avec son contexte, concerne la justification et le salut des infidèles, et mérite toute notre attention. L’apôtre y résume, les précédent. chapitres III et IV. Il réfute le particularisme et le légalisme des juifs qui mettaient leur confiance exclusive dans les « œuvres de la Loi » Voir Koi, t. vi, col. 70 sq Par des textes des prophètes, l’apôtre montre que des gentils, qui n’avaient ni justice ni vraie religion, ont obtenu la justice, non pas celle de ces « œuvres de la Loi », mais celle qui est reçue par la a foi », la seule justice qui compte devant Dieu et qui mène au salut ; Israël au contraire, en cherchant mal, n’est pas arrivé à la vraie justice. Rom., ix, 30-32 ; X, 3. La justice par la foi, et le salut, sont offerts à tous, IX, 33, x, 4, 9-11. A cet égard « il n’y a pas de distinction entre le juif et le gentil. » Ibid., 12, 13. .lors saint Paul affirme l’enchaînement nécessaire de la vraie religion, « invocation de Dieu, » avec la foi, de la foi avec la connaissance de la révélation divine, de cette connaissance avec la prédication : « Comment invoquera-t-on celui que l’on n’a pas cru ? Comment croira-t-on celui qu’on n’a pas entendu ? » Comment l’entendra-t-on sans prédicateur ? » Ibid.. 14. — Écoulons maintenant l’objection : « Saint Paul regarde l’intervention du « prédicateur » comme nécessaire à la « foi », qui est elle-même nécessaire à la vraie religion et au salut. Il ne peut donc admettre dans un infidèle la révélation immédiate, qui ôterait cette nécessité du pn dicaleur. Pour lui, c’est chose impossible : Quvniddo credent sine prædicante ? »

Réponse. — Saint Paul ne jiouvait taire ici la connexion nécessaire de la révélation et de la « foi », dont il s’occupe, avec les prédicateurs ou plutôt les « hérauts qui la promulguent » y.y]pÙCTGoveç, dont il a déjà parlé, verset 8. Ces « hérauts », ces « prornulgateurs », c'étaient

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les apôtres, chargés par le Christ du rôle capital d’implanter la foi dans le monde ; ce qui était la grande nécessité du moment ; et nous savons..vec quelle insistance, en ses diverses épîtres, Paul défend son apostolat contre ses détracteurs. Il reviendra aux apôtres, verset 18, en leur appliquant ce mol d’un psaume : « leur parole est..liée à toute la terre. » Mais saint Paul ne dit pas quL-e genre humain, dans tous ceux qui le composent, ail entendu ou doive entendre la voix de ces promu Igateurs, même en y comprenant la voix de leurs auxiliaires ; c’est évidemment faux ; et cependant, c’est pour tous qu’il affirme, à plusieurs reprises, la possibilité de la foi. de la justice et du salut. Il faut donc conc i re de tout cela, qu’il voit dans la prédication, surtout celle des apôtres, un moyen nécessaire, fondamental et normal, mais sans exclure, pour ceux qui ne peuvent entrer en contact avec cette prédication, une supplé<mce, s’ils n’y mettent pas obstacle ; suppléance que l’apôtre n’avait pas ici pour but d’expliquer, et qui parfois, vu les circonstances, ne peut être que la révélation immédiate.- Cette explication du texte a clé indiquée depuis longtemps par un éminent exégète de cette épître, le cardinal Tolet. Après avoir montré qu’il s’agit ici des adultes et de Vacte de foi : L’apôtre, dit-il, parle de la manière ordinaire de recevoir la foi et de croire : car quelquefois Dieu révèle (immédiatement) les choses qu’il faut croire, et alors on croit malgré qu’on ne les entende pas extérieurement, mais intérieurement par une révélation divine. Laissant ces cas exceptionnels, saint Paul traite de l’audition extérieure et de la prédication faite par les hommes, parce que c’est le moyen ordinaire (commuais modus) d’arriver à la foi. In epistolam ad Rom., x, 14, Mayence, 1(303, p. 462.

b) — On peut pousser plus loin l’objection : « Ce sorité, où cliacune des propositions enchaînées, commençant par Quomodo, affirme une imp ssiuililé, suppose que l’espèce d’impossibilité demeure la m/>me dans tous les anneaux de la chaîne. Or l’impossiDilité d' « invoquer le vrai Dieu c’est-à-dire de lui rendre un culte, si l’on ne croit pas son existence, ou celle d’avoir la foi sans la révélation, est une impossibilité rigoureuse et absolue. Donc elle doit être aussi l’Impossiliilitè de croire sans entendre l’intermédiaire humain chargé de prêcher la révélation divine ; on n’a donc pas le droit df donner à cette impossibilité un sens qui n’a rien de rigoureux ni d’absolu, en adinctt nt des exceptions, même assez nombreuses au roL du prédicateur. »

Réponse. — Dans cette chaîne, il serait plus élégant qiie l’es èce d’impossiuilité fût la même partout, nous pouvons le concéder ; mais cette ressem. -lance parfaite dans tous les anneaux de la chaîne n’est pas essentielle à cette manière de raisonner. Et certainement saint Paul n’a pas observé ici la condition que l’on nous réclame. On pourra s’en convaincre en comparant les deux premiers anneaux, sur lesquels on s’appuie, avec le tout dernier, Quomodo prædicabunt, nisi mittantur ? Ibid., 15. L’impossii.ilité de prêcher la foi sans une mission (de Dieu ou de l'Église) n’est pas la môme impossiuilité, ni aussi absolue, que les premières. Cette mission ou autorisation de prêcher est nécessaire seulement pour la licéité : c’est la remarque de Tolet : celui qui prêche sans être envoyé, prêche tout de même ; privdicat, sed maie facit. » Ibid., note 7, p. 4C4. Ainsi un ministre hérétique, prêchant sans veritaide mission, et même s’en doutant, peut faire connaître à des infidèles de bonne foi les vérités qui sont de nécessité de moy ii, et conc urir à leur foi et à leur salut, d’une manière irrégulière et illicite, mais avec un bon résultat pour eux ; de même qu’il peut les i.aptiser validement. C’est encore là un pniuipe qu’il

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