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INFIDÈLES

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site est pbligatoirc pour les chrétiens plus instruits et surtout pour les pasteurs des âmes, mais qu’il peut suffire à plusieurs de croire implicitement. Ce principe avait été énoncé par leMaître des Sentences.àl’endroit commenté plus haut par saint Thomas, t. III, dist XXV, § De fide simplicium : « Même dans 1 Eghse, dit le Lombard, il y a des gens d’une faible capacité qui ne peuvent distinguer ni assigner les divers articles du symbole, mais pourtant croient tout ce que le symbole contient ; car ils croient ce qu’ils ignorent, ayant une foi voilée dans le mystère (une foi implicite). lU croient tout ce que croit VÊglise. » Et il en était de même, continue-t-il, dans l’Ancien Testament :. On adhérait humblement à la foi des plus grands » c’est-à-dire des patriarches et des prophètes. Cette répartition des croyants en majores et minores suivant leur connaissance distincte ou confuse de la plupart des articles de foi, les uns étant chargés de garder et d’enseigner la foi les autres de les suivre, fut dès lors adoptée par la sco’lastique. Saint Thomas l’explique ainsi : « Quand un certain nombre de vérités sont contenues virtuellement dans une seule, on dit qu’elles y sont implicitement, comme les conclusions dans leurs principes. Ainsi, celui qui connaît quelques principes généraux a une connaissance implicite de toutes les conclusions particulières (qui en peuvent sortir) ; mais iU celui qui considère actuellement ces diverses conclusions, on dit qu’il en a une connaissance explicite. » De même, poursuit-il, on dira que nous croyons implicitement des articles de foi, « quand nous donnons notre adhésion à certains principes généraux qui les contiennent : par exemple, celui qui croit que la foi de l’Église est vraie, par là même croit implicitement chacune des ventés qui forment le contenu de cette foi de l’Eglise… Il est possible à quelqu’un en cette vie de connaître explicitement tout ce qui est proposé, dans l’état actuel, au genre humain en guise de rudiments par lesquels il soit à même de se diriger vers sa fin (dernière et surnaturelle ) ; et l’on dit de la foi de celui-là, qu’elle est parfaite quant à son détail explicite, explicationem. Mais cette perfection ne peut appartenir à tous ; aussi des degrés sont-ils établis dans l’Église, en sorte que les uns sont au-dessus des autres pour les instruire dans la foi Ce ne sont donc pas tous les hommes, qui sont tenus de croire explicitement tout ce qui est dogme de foi mais seulement ceux qui sont institués comme instructeurs des autres, tels les prélats et ceux qui ont le soin des âmes. » Quæst. de Verit., q. xiv, a. 11. Saint Thomas ajoute une remarque importante sur les pays infidèles, qu’à cet endroit il considère avant Jesus-Chris : « Chez eux, pas d’instructeurs établis pour enseigner la foi divine : aussi, quelle que fût leur sagesse dans les choses temporelles, il faut les mettre tous au nombre des minores. Il leur suffisait donc (pour le salut) d’avoir implicitement la foi au Rédempteur ou bien dans la foi des prophètes (ils pouvaient savoir qu’ils avaient révélé, et adhérer implicitement à ces révélations), ou bien dans la divine providence elle-même . Ibid., ad S’ira. Pour comprendre ces derniers mots, rappelons-nous que, plus haut, dans le corps de l’article, l’auteur a dit : « Tout fidèle doit croire explicitemen’quelque chose, ce sont les deux points signalés par l’apôtre, Hebr., xi, 6. Donc tout homme, à quelque temps qu’il appartienne, est tenu de croire explicitement que Dieu existe, et qu’il a la providencs des choses humaines.. On le voit, ce diTnier objet de foi équivaut, pour saint Thomas, au remuncrator de saint Paul. Enfin dans la Somme après avoir mentionné quelques exemples, historiquement plus ou moins probables, de révélations immédiates faites aux gentils sur le Christ : « Si quelques-uns cependant, dit le saint docteur, ont été sauves sans qu’une révélation leur ait été faite, ils n ont pas

été sauves sans aucune foi au médiateur ; c.r, bien qu’ils n’aient pas eu (en lui) la foi explicite, ils l’ont eu implicite dans (la foi à) la divine providence (nous savons déjà ce qu’il entend par ce mot, et nous allons le voir encore), croyant que Dieu est le libérateur des hommes selon les modes qui lui ont plu (or le mode principal qu’il lui a plu de choisir, c’est le Christ médiateur), et selon ce que VEsprit avait révélé à quelques-uns qui connaissaient la vérité. » Siim. theol.. Il » 11=^, q. II, a. 7, ad 3°™.

On a abusé de ces endroits de la Somme art. 5 et 7, comme s’ils affirmaient le salut des païens par la seule foi implicite. Non ; saint Thomas tient expressénient à ce que tout homme « croie quelque chose explicitement. » Pour lui, la « foi implicite » ne dispense pas les minores de connaître et de croire explicitement, ce qui est d’afesoiue nécessité de moyen. Elle ne fait que les dispenser de croire explicitement beaucoup de dogmes révélés qui sont seulement de nécessité de précepte, et que d’autres doivent croire en détail. Cette foi implicite dont il parle, n’est qu’une præparatio animi, art. 5, une disposition sincère, une bonne volonté de croire tout le donné révélé, sans le connaître. Dire que cette bonne volonté suffit pour le salut des infidèles, c’est dire avec Ripalda que pour eux la foi stricte est nécessaire seulement in volo, hypothèse déjà réfutée dans notre thèse fondamentale.

A l’occasion des textes précédents surgit cette question. Depuis la venue de Jésus-Christ, la foi explicite au Christ est-elle de nécessité absolue de m yn, aux yeux du saint docteur ? Plusieurs répondent affirmativement. Il y a là une difficile et double controverse, et sur la chose en elle-même, et sur la pensée de saint Thomas étudiée dans tous ses textes, celle-ci d’autant plus difficile, qu’il n’emploie pas le terme de nécessité de moyen, ni les autres précisions qui sont venues depuis. Saint Augustin, dont il dépend étroitement, exige souvent la foi au Christ chez tous depuis le Nouveau Testament, mais sa terminologie est obscure non seulement pour la même raison, mais encore parce que ce mot, fdes Christi est pris par lui dans un sens partic-i ier qu’il explique lui-même. Voir col. 182. Le résultat est que les théologiens sont divisés, et qu cette difficile controverse reste libre, bien qu’en pratique il faille prendre le parti le plus sûr, cf. Denzinger-Bannwart, n. 1214. — Mais la solution de cette controverse n’est heureusement pas requise pour la solidité de notre Thèse fondamentale, qui a établi la nécessité de moyen absolute in re, non in solo vota, de la foi stricte à quelques vérités révélées principales, mais sans déterminer avec la dernière précision leur nombre, c’est-à-dire s’il y en a seulement deux, exprimées par l’apôtre, Hebr., xi, 6, ou s’il faut y ajouter, depuis le Christ, l’Incarnation etmême laTrinité. Saint Thomas la soutient-il ? On ne peut guère en douter. Avouons qu’il n’emploie pas le terme de -< nécessité de moyen et autres précisions plus récentes ; mais si vraiment sa pensée était celle de Ripalda, il repondrait d’une manière tout autre et beaucoup plus simple aux objections qu’il se pose comme celles que nous venons de lire dans ses divers ouvrages ; et sa miséricorde bien constatée envers les infidèles négatifs trouverait dans la « foi large » une facile explication, qu’il ne donne pas. Une seule de ses réponses, IIa-IIæ, q. ii, a 7 ad S"" contient un membre de phrase un peu équivoque, sous forme dubitative : « Si quelques-uns ont été sauvés sans qu’une révélation leur ait etc faite ».. « Donc, conclura-t-on, il admet du moins pour quelques infidèles et comme hypothèse prouaule le salut sans aucune révélation, le salut par la foi large. » Cette conclusion est fautive ; car saint Thomas ne dit pas : « sans aucune révélation, ni immédiate m