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INFIDÈLES


nécessité de moyen comprennent la Trinité et l’Incarnation, ou non : quand il ne s’agirait que de a l’existence de Dieu rémunérateur surnaturel n ibid., p. 90, encore faudrait-il savoir, par un signe miraculeux, que c’est Dieu qui parle, par un ange ou sans un ange, et qui nous fait la promesse d’une telle rémunération, bien diiTércnte de celle que pourrait entrevoir la raison philosophique ou vulgaire. Ajoutez-y la Trinité et l’Incarnation, ce n’est qu’une question de plus ou de moins dans l’objet révélé, et l’on ne voit pas sur quoi s’appuie M. Capéra 1 pour dire : « S’il s’agit d’initier l’infidèle à la sublimité des principaux mystères chrétiens, nous ne voyons plus tommentune simple illumination intérieure y suffirait » Ibid. La puissance divine ne peut-elle en dire autant à l’intérieur de l’âme qu’en dirait à l’oreille la voix d’un catéchiste ? Ayant ainsi traité l’inspiration intérieure d’une ou plusieurs vérités de foi, notre auteur se montre encore plus sévère pour les (I angélophanies » : « L’apparition d’un ange, dit-il, est un gra.d miracle et qui serait à renouveler fréquemment. » Un miracle I Mais de toute manière il en faut un comme signe et motif de crédibilité, miracle intérieur ou extérieur, petit ou grand miracle, pour arriver raisonnablement et prudemment à l’acte de foi. Voir Foi, t. vi, col. 141, 142 ; 171 sq. ; 183 sq. ; 189 sq. Ce n’est pas d’ailleurs que nous tenions à l’apparition d’un ange aux sens extérieurs plus qu’à un autre miracle ou à tout autre mode de révélation. Quant à la fréquence des miracles vu le grand nombre des infidèles qui n’ont pas de prédicateur, nous répondons plus loin à cette objection. Voir col. 1862 sq. — Mais les anges, ajoute-t-on, n’ont pas le droit de faire concurrence à l’Église. « L’Église est seule appelée à porter à toutes les âmes rachetées le message évangélique. " : — Normalement, oui ; ce qui n’empêche pas une suppléance ex/ranorma/e. La distinction est de M. Capéran lui-même, p. 86 sq. — Remarquons enfin, sur le même passage du De verilate, queVonne peut traiter le cas de ce sauvage dans les forêts de « cas chimérique », ni prétendre que cet homme « créerait lui-même sa religion. » Ibid., p. 95, 97. Car on suppose avec saint Thomas, ici ou dans les passages correspondants, des secours qui aident la raison naturelle, d’abord à concevoir l’existence de Dieu et quelque chose de la loi morale, et enfin, si cet homme utilise les premiers secours avec lionne volonté, une révélation des vérités de nécessité de moyen, avec signes de crédibilité sufïlsants. C’est, si l’on veut, un cas extrt’me, pour montrer jusqu’où va la volonté salvifique de Dieu et la réalisation certaine de sa promesse : mais ce n’est pas un cas cliimérique ni impossible ; et ce sauvage ne créerait pas lui-même sa religion ; il la recevrait. — D’ailleurs M. Capéran commente très à propos un autre article du grand docteur, sur la foi du premier homme. Ibid., p. 104, 105. Saint Thomas oppose à la « parole extérieure de Dieu par les prédicateurs » la « parole intérieure où il nous parle par l’inspiration interne. » A cette douille locutio répond « un double audifus, par lequel la foi naît dans les cœurs » ; ainsi la foi reste toujours ex anditu, Rom., x, 17. Audition extérieure " chez les fidèles qui reçoivent la prédication des autres hommes « ; audition « intérieure chez ceux qui ont les premiers reçu et enseigné la foi (la révélation), comme les prophètes, cf. Ps. lxxxiv, 9, Audiam quid luquatur in me Dominas… Or Adam le premier a eu a foi, et a entendu Dieu l’en instruire ; et c’est donc par la parole intérieure qu’il a dû avoir en lui la foi. Qutest. de verit., q. xviii, a. 3.

b) Le principe du « Facienti quod in se est… i. — Nous venons de le trouver sous la plume de saint Thomas, avec la distinction impliquée par ce principe entre le secours éloigné, remote sufficiens et le secours prochain, proxime sufficiens, et la liaison

infaillible supposée entre les deux. Voir col. 1852. A un infidèle qui se conduit bien suivant la lumière de la K raison naturelle » (secours éloign) la lumière » de la révélation et de la foi » (secours prochain) « sera fournie très certainement. 1 De verilate, q. xiv, a. 11, ad l^m ; cf. ad 2um. Déjà le maitre de saint Thomas, Albert le Grand présentait le principe en qr.estion comme la pensée commune » des théologiens. Voir col. 1850. Et plusieurs Pères l’avaientnettementexprimé, comme saint Basile, saint Jean Chrysostome. Voir col. 1847. Ailleurs, le docteur angélique ajoute cette idée, qu’en acceptant le premier secours on se prépare au second* « Par la raison naturelle ou peut se préparer même à avoir la foi ; de là cet adage : si quelqu’un, né parmi les nations barbares, fait quod in se est. Dieu lui révélera ce qui est nécessaire au salut par l’inspiration qu’il lui donnera, ou par le docteur qu’il lui enverra. » In IV Sent., t. II, dist. XXVIII, q. 1, a. 4, ad4um. Cet acte de « se préparer à la foi (divine) par la raison naturelle », c’est ce que les modernes appellent une disposition négative, sans influence méritoire ni même proprement causale, enlevant seulement un obstacle. Observons d’ailleurs, qu’il y a en cet endroit du commentaire sur les Sentences, des phrases qui pourraient sembler semi-pélagiennes, si l’on ne remarquait dans la conclusion finale quelle est la théorie que saint Thomas a uniquement en vue d’attaquer : » Il ne faut donc pas, conclut-il, que Vhabitus fîdei précède la préparation à la grâce qui nous rend agréables à Dieu (la grâce sanctifiante) ; mais l’homme peut (sans élévation surnaturelle de ses facultés) se préparer en même temps à avoir la foi et les autres vertus et la grâce (sanctifiante ) » Ibid. Nous avons donc le droit de ne voir là qu’une préparation négative. Elle se fait « par la raison naturelle, par le lilire arbitre. » D’ailleurs elle n’exclut pas une grâce d’ordre naturel, par exemple celle appelée plus tard surnaturelle quoad modum, pour aider les infidèles contre les difilcultés. Notre docteur, dans le corps de l’article, constate « deux sens du mot grâce : » d’abord « un don habituel reçu dans l’âme » (exemple la grâce sanctifiante, ou Vhabitus fi dei) ; puis une excitation providentielle quelconque, quodcumque excitât vum voluntatis exhibitum liomini ab ipsa divina providentia…, quidquid hominem excitaverit ad convertendum se… ; une intervention (prot)ablement extraordinaire et miraculeuse) de Dieu en nous, pour produire l’acte libre qui nous prépare, ipse actus liberi arbitra, quem Deus in noLis facit, quo… prseparamur. Il fait observer qu’un tel acte, n’étant pas méritoire, n’a pas besoin de « dépasser la nature humaine », comme la dépassent les actes salutaires, surnaturels quoad substantiam. Cette doctrine de la disposition négative par un acte naturel, quelques-uns ont prétendu que saint Thomas l’avait rétractée dans la Somme., fa — liii, q. cix, a. 6, ad 2°" », et q. cxii, a. 3, où il entend le Facienti quod in se est d’une disposition positive, l’homme agissant sous l’ac ion de la grâce surnaturelle quoad substantiam. Mais ce n’est pas une rétractation, parce que saint Thomas traite là un sujet différent. Il y parle d’une disposition à la « grâce » non plus actuelle, mais habituelle, et certes pour la grâce habituelle tout le monde exige comme lui une disposition positive, et dépassant les forces de la nature. C’est la remarque de Suarez, De gratta, t. IV, c. XV, n. 4, édit. Vives, t. viii, p. 329.

c) Le principe dts majores et des minores, selon lequel il suffit dans une certaine mesure aux moins instVuits de partager implicitement la foi des plus instruits, quant à son objet. — En soutenant que tous peuvent et doivent croire explicitement quelque chose qui est « de nécessité de salut », saint Thomas ne soutient pas, nous venons de le voir, qu’il en soit de même à l’égard d’autres vérités, dont sans doute la foi expll