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INFIDÈLES


était orferte à tous ; la nature humaine pouvait, par la considération même de sa misère et de sa mauvaise inclination, curuilatis, suggtrcr l’idée (de la chute et) d’un Sauveur à venir ;.. on pouvait recevoir un certain enseignement général des hommes renommés pour leur culte de la divinité. » Enfin l’aulcuv fait entrevoir un autre secours, la révélation immédiate, en ces termes : « l’inspiration de Dieu, qui s’offre à tous ceux qui le cherchent huniLlement. » Ibid., ad 6, p. 541.

d) Gilles de Rome, voir t. vi, col. 1358 sq., pose la question d’une manière plus générale pour toutes les époques du monde. « Les damnés peuvent-ils se plaindre de Dieu ? Non. répond-il ; car sans parler des enfants, parce qu’ils ont un sort différent, n’ayant pas la peine du sens, (nous l’avons prouvé, en traitant du péché originel, et montré par là qu’ils n’ont pas à se plaindre de la Providence, mais plutôt à s’en louer), et en parlant donc des seuls adultes, où reste la difficulté, nous pouvons soutenir, qu’ils n’ont pas à se plaindre, de Dieu…En effet, et nous devons pieusement le croire, si un adulte quelconque faisait tout son possible. Dieu lui monlrerail le chemin de la vérité, lui ferait miséricorde, et il serait sauvé. Les damnés doivent reconnaître que Dieu leur a souvent inspiré le bien, mais que toujours, hommes à la tête dure, ils se sont détournés de lui. Qu’ils se plaignent donc d’eux-mêmes, et non pas de lui. » Et il cite Matth., xxii, 37. Comment, in Epist. ad Rom., Rome, 1555, c. ix, lect. xxxi, n. 9, fol. 63.

4. Saint Thomas emprunte à ceux qui l’ont précédé, Pères de l’Église et docteurs scolastiques, plusieurs faits généraux et principes féconds qu’il développe, au bénéfice de la question du salut des infidèles, et notamment : a^ le fait d’une révélation immédiate aux infidèles, dans certaines conditions ; b) le principe du Facienti quod in se est ; c) le principe des majores et des minores, qui regarde la nécessité de précepte.

a) Révélation immédiate. — Il pose avant tout le principe de la nécesbite de la révélation et de la foi stricte, établi plus haut contre le premier système. Voir col. 182X. « Le détail explicite de ce que l’on doit croire, explicatio credendorum, dit-il, est donné par la révélation divine : car les objets de foi, credibilin, dépassent la raison naturelle. Or la révélation, suivant un certain ordre, descend des supérieurs aux inférieurs, par exemple, des anges aux hommes, et des anges supérieurs aux anges inférieurs, comme le montre Denys dans la Hiérarchie céleste, c. iv et vu. Sum. theol., lia lias, q. II, a. 6. Et dans l’article suivant, notre docteur rapporte cette objection : « Beaucoup de gentils ont obtenu le salut par le ministère des anges, comme l’affirme Denys au c. ix (cf. iv). Or les gentils n’ont pa.s eu la fo au Christ, explicite ou implicite, car aucune révélation ne leur en a été faite, semble-t-il. Donc la foi à l’incarnation du Christ, (surtout) explicite, ne semljle pas avoir été nécessaire à tous pour le salut. » Saint Thomas, dans sa réponse, se garde bien de concéder que dans ce « ministère des anges » auprès des laïens, dont parle Denys, la révélation immédiate n’ait eu aucune part. Au contraire, il allègue des faits scripturaires, ou admis par diverses traditions, qui témoignent de révélations et de prédictions adressées aux païens : Beaucoup de gentils, dit-il, ont montré par leurs prédictions les révélations qui leur avaient été faites sur le Christ. Ainsi Job sur le Rédempteur, xix, 25. La Sibylle elle-même a prédit certains détails sur 1 Christ, au témoignage d’Augustin, Cont. Fauslum, t. XIII, c. XV, etc. ! ’Ibid., art. 7, ad 3°™. — Mais ce n’est pa seulement avant Jésus-Christ, que saint Thomas admet des révélations immédiates faites aux infidèles. C’est encore après, et dans n’importe quel pays. Après avoir parlé des enfants et des faillies d’esprit, qui n’ayant pas l’usage de la raison ni du

libre arbitre, parviennent au salut par le baptême sans aucun acte de foi, il dit : « Quiconque a l’usage du libre arbitre… doit pour son salut produire des actes des vertus. Or tous les actes des vertus dépendent de l’acte de foi… Et la foi ne peut produire son acte qu’en connaissant d’une manière déterminée et explicite une vérité de foi… Donc pour tout homme ayant l’usage du libre arbitre, avoir la foi explicite de quelque chose est de nécessité de salut… En ce qui est nécessaire au salut, jamais Dieu ne manque ou n’a manqué à celui qui cherche à se sauver, s’il n’y a pas de sa jaute. Conclusion de tout cela : le détail explicite des articles qui sont de nécessité de salut sera fourni à l’homme par la providence divine, soit au moyen d’un prédicateur de la foi, comme pour Corneille, Act., x, soit au moyen d’une révélation (immédiate), laquelle étant supposée il est au pouvoir du libre arbitre d’arriver à l’acte de foi. » In IV Sent., t. III, dist. XXV, q. 2, a. 1, sol. 1, et ad 1>" ». A une objection qui disait ensuite : i Personne n’est damné pour ce qu’il ne peut éviter ; or quelqu’un né dans les forêts, ou parmi les infidèles, ne peut avoir une connaissance distincte d’aucun article de foi ; il n’a personne pour l’enseigner, et n’a jamais entendu parler de foi ; il n’est donc pas damné, et cependant n’a aucune foi explicite ; elle n’est donc pas nécessaire. » Le saint docteur répond : « S’il faisait son possible, jacerel quod in se est, pour chercher son salut. Dieu y pourvoirait d’une des manières susdites. 76(rf., ad 2ura. Plus tard il répoiidra avec plus d’énergie encore à une objection semblaljle : « C’est à la divine Providence de fournir à qui que ce soit les moyens nécessaires de salut, pourvu qu’il n’y mette pas obstacle. Si donc cet homme suivait comme guide la raison naturelle pour chercher le bien et éviter le mal, on doit tenir pour très certain que Dieu lui révélerait par une inspiration intérieure les choses qu’il est nécessaire de croire, ou dirigerait vers lui quelque prédicateur de la foi, comme il a envoyé Pierre à Corneille, Act., x. » Quæsl. disput. de veritate, q. xiv, a. 11, ad lum.

Remarquons dans ces passages ce grand principe des Pères, que l’ad ilte ne peut être privé des moyens nécessaires de salut si ce n’est « par lui-même », par sa propre jaute, par l’obstacle qu’il y met. Voir col. 1835 sq. — Remarquons encore, dans le dernier passage, que le mot d’inspiration intérieure, bien qu’assez vague par lui-même, est pris par saint Thomas dans le sens précis d’une révélation des choses qu’il est nécessaire de croire. Une telle inspiration ou révélation, sollicitant un acte de foi, acte dont le motif essentiel est l’autorité du témoignage divin reconnu comme tel, exige d’avoir un caractère miraculeux d’une manière ou d’une autre : car le miracle est le seul signe qui pui se faire reconnaître avec certitude que Dieu lui-même atteste à l’homme telle vérité, et qu’il faut la croire sur son témoignage.

Nous ne saurions donc souscrire à l’explication que M. Capéran donne de 1’ « inspiration intérieure » telle que l’exi’csL’ce passage de saint Thomas. Le problème du salut des infidèles, essai théologique, Paris, 1912, p. 95 sq. Il rejette d’abord, comme " invraiscmldable «  ou « inutile », l’intervention d’un ange. S’il admet les bonnes inspirations de l’ange gardien, c’est en supposant que 1 homme n’en a jamais conscience, comme ! e montre le texte de saint Thomas : non quicumqae illnminntur ab angelo, cognoscit se ab angelo illuminari, Sum. theol., I’, q. CXI, a. 1, ad 3°° ». _ Or saint Thomas ne dit pas que l’homme ne ; ait /V/mai’squ’ilest illuminé par un ange ; il dit qu’il ne le sait pas toujours, ce qui est fort différent Il nenie donc pas le cas miraculeux où l’homme saurait, avec une certitude inéluctable qui est elle-même un signe, qu’un être supérieur parle intérieurement à son âme, et lui transmet le témoignage de Dieu surtelleoutellevérité.Etpeu importe que les véritésde