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manqué au monde. Le peuple d’Israël était l’objet de soins spéciaux… Mais réternelle bonté du Créateur n’abandonnait pas les autres, et ne laisssait pas de les avertir par des signes… En comparaison du peuple choisi et des plus favorisés, ils paraissent avoir été rejetés, mais non, jamais ils n’ont été destitués des bienfaits manifestes ou occultes. » Et après avoir cité Act., XIV, 14 sq., il parle de l’admiralde beauté du monde créé, et des autres liienfaits qui s’y rattachent, « par lesquels Dieu donnait aux cœurs humains comme les tables de la loi éternelle. » Puis il conclut : « Ce qu’en Israël faisaient la constitution de la loi mosaïque et les oracles des prophètes, le témoignage universel de la création et les miracles de la bonté de Dieu l’ont toujours fait dans toutes les nations. » t. II, c. iii, IV, P. L., t. Li, col. G89-691. Il continue : « Mais puisque dans le peuple juif personne n’a été justifie que par la grâce au moyen de l’esprit de foi, ces hommes qui dans toute autre nation et à quelque date que ce soit ont réussi à plaire à Dieu, peut-on douter que ce même esprit (de foi) cette même grâce de Dieu, les ait distingués (de ceux qui restaient dans l’infidélité)? Cette grâce moins abondante et plus cachée, occullior, n’a été refusée à aucun siècle, une dans sa vertu, diverse dans sa q uantilé. » Ibid., c. v, col. 691. Enfin : « Cette assistance divine, opilulalio, s' exerçant d’innombraldes manières, manifestes « u occultes, est olTerte à tous. Que beaucoup la refusent, cela vient de leur malice ; que beaucoup l’accueillent, cela vient de la grâce divine et de la volonté humaine. » Ibid., c. xxxvi, coi. 711. Une remarque sur ce mot « occulte », occullior (modus), plusieurs fois répété dans ces passages : il doit s’appliquer, au moins partiellement, à ces révélations immédiates et personnelles, qui sont cachées, que le pul>lic ignore. Et c’est bien en ce sens que le mot occullior apparaît clairement dans saint Augustin, dont cet auteur était évidemment le disciple. « Depuis le commencement du genre humain, » dit le grand docteur, parlant des païens comme des patriarches et de la race choisie, » tantôt d’une manière plus cachée, occultius, tantôt d’une manière plus manifeste, euidentius, suivant qu’il convenait aux circonstances, au temps, la prophétie (la révélation) n’a pas cessé de se faire, et les croyants ne lui ont pas manqué. » Epist. ad Deo(jrntias (ou Sex quæslioncs contra paganos), loc. cit. — c) Saint Grégoire le Grand explique dans Daniel, x, 13-21, comment les anges tutélaires des diverses nations, malgré leur sainteté et leur céleste béatitude sont représentés comme en guerre, les uns avec les autres, quand ils ne font que débattre pacifiquement entre eux les intérêts surtout spirituels de leurs clients respectifs, tant que la décision divine sur les événements en jeu ne leur est pas communiquée ; ce qui rend très probable que ces puissants défenseurs des intérêts spirituels dans les pays même païens fassent au moins à quelques-uns de leurs clients la révélation si nécessaire au salut. Moral., t. XVII, n. 17 ; P. L., t. lxxvi, col. 19, 20. Sur ces anges tutélaires des nations, voir la savante dissertation de Petau, Dogmala, De angelis, t. II, c. viii, Bar-le-Duc, 1868, t. IV, p. 140 sq.

3. Docteurs scolastiques du moyen âge, avant saint Thomas ou de son temps. — Avant de concentrer notre attention sur saint Thomas et pour le mieux comprendre, nous étudierons son époque en citant quelques célèbres docteursqui l’ont précédéouqui ont vécu de son temps, chez lesquels on trouve plus ou moins clairement exprimé ce moyen d’une révélation immédiate pour expliquer la foi et le salut de certains infidèles. — a) Alexandre de Halès, voir 1. 1, col.- 772 sq., pose cette o.^ection : « Si la foi à l’incarnation (ou au médiateur) est nécessaire au salut, il semi.le que tous les anciens philosophes sont universellement damnes,

faute d’avoir connu la révélation de ce mystère. Mais une telle damnation n’est pas juste, et on le prouve : Personne ne pèche en une chose qu’il ne peut éviter, ainsi dans le cas de l’ignorance invincible. Or ils avaient l’ignorance invincible de ce mystère, soit parce qu’ils ne pouvaient pas le déduire des principes de la raison naturelle ; soit parce que la révélation du mystère n'était pas à leur portée. Donc ils n’ont pas péché dans cette ignorance ; et l’on en dira autant des autres païens avant le Christ. » Il répond, ad lum : « S’il s’agit des philosophes dont parle saint Paul, Rom., i, 21, 22, des philosophes coupables, aveuglés parce qu’ils usurpaient la gloire qui revient à Dieu, à ceux-là le mystère n’a pas été révélé ; car l’enflure de l’orgueil est l’obstacle de la vérité, comme dit saint Grégoire. Quant aux bons philosophes, je crois que la révélation leur a été procurée, soit par la sainte Écriture qui existait chez les Juifs, soit par une prophétie ou une inspiration intérieure, comme cela a eu lieu pour Job et ses amis ; car Dieu résiste aux orgueilleux, et il accorde sa grâce aux humbles. Jac, iv, 6. On peut en dire autant des autres païens, peu instruits. Puis il rappelle d’après Pierre Lombard, Sent., t. III, dist. XXV, que même chez les juifs, la multitude des « simples » n'était pas tenue d’avoir la foi explicite à l’incarnation. Sum. theol., III », q. lxix, a. 3, ^Sequitur 2° pars, Venise, 1575, fol. 302. Cette affirmation du Lombard et de plusieurs de ses commentateurs est fondée sur saint Augustin lui-même, bien compris.

b) Alnert le Grand, voir t. i, col. 666 sq., rapporte une objection semidaide : « Supposons, avant JésusChrist, un homme à qui aucune révélation n’a été faite et qui observe ce que lui dicte le droit naturel : il sera certainement sauvé, d’après l’apôtre. Rom., ii, 27. La foi du médiateur n’est donc pas nécessaire. » Il y répond : Les théologiens disent communément qu’il est impossible qu’un homme ait fait suffisamment ce qui était en lui pour se préparer, et qu’il ne reçoive pas soit une révélation de Dieu (immédiate), soit un enseignement venant des hommes inspirés (révélation médiate), soit quelque signe du médiateur. El je pense que cela est vrai, à cause de la providence de Dieu préparant également ses liienfaits pour tous et les présentant à tous, pourvu que nous soyons prêts à les recevoir. » In IV Sent., t. III, dist. XXV, a. 2, ad 6um, édit. Vives, 1894, t. xxviii, p. 477, — L’apôtre, à l’endroit cité par l’auteur de Vobjection, dit que l’infidèle, s’il observe la Loi, c’est-à-dire ce qu’il connaît du Décalogue par la lumière de sa raison, jugera le Juif qui ne l’observe pas, c’est-à-dire le fera condamner, au dernier jugement de Dieu. Mais saint Paul ne se propose pas d’expliquer toutes les conditions nécessaires du salut des infidèles, et ne dit pas que l’oi.scrvation de la loi naturelle y suffise. Voir col. 1821, 1822.-q.

c) Saint Bonavenlure, voir t. ii, col. 962 sq., pose à peu près la même ol ; jection à propos de l'époque dite de la loi de nature », qui a précédé la loi mosaïque et les révélations explicites et publiques des prophètes sur le médiateur à venir. « Au temps de la loi de nature, dit l’objection, les hommes ne pouvaient trouver par euxmêmes la connaissance du médiateur, il n’y avait personne pour les en instruire extérieurement, et les révélations prophétiques n’avaient pas encore con.m 'ncé. Il semble donc qu’alors on n'était pas tenu de croire au médiateur, et qu’on pouvait se sauver sans celle foi. » In IV Sent., t. III, dist. XXV, a. 1, q.n, o, j. 6°. Quaraichi, c, iii, p. 540, « Tous n'étaient pas o. liges a solument à la foi explicite de ce mystère, répond le grand docteur franciscain. Toutefois il est indui itable que l’on pouvait avoir du médiateur une certaine connaissance en rap, )ort avec les besoins du temps. » Et voici la preuve qu’il en donne : « La grâce divine