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IMPOSITION DES MAINS


porter la responsabilité des fautes commises par celui qu’on a témérairement investi d’une charge importante. L’idée de la communion aux péchés des membres indignes de la comnmnauté est, au contraire, une des idées les plus communes aux écrivains de l’âge apostolique, et sa persistance se constate jusqu’à l’époque où elle apparaît de nouveau étroitement associée à celle d’une imposition des mains accordée trop tôt aux pécheurs.

Elle est d’abord essentiellement paulinienne. Elle est énoncée dans le modicum fermenium totam massam cornimpii. I Cor., v, 6. Elle justifie l’expulsion de l’incestueux : ’E^àpare Tàv Ttovyipàv s^ ûjiwv aÙTcov, V, 13 : le conserver au milieu d’eux serait pour les fidèles auvav « (j.lY^ua6aL TOpvoiç, v, 9-12. Les mots qui expriment cette idée sont de saint Paul. En détournant les Éphésiens de s’associer aux fils de l’incrédulité, v, 7, il leur recommandait de ne pas communier aux œuvres stériles des ténèbres, » v, 11. Pour lui, association de croyants et d’incroyants est synonyme de « communion de la lumière avec les ténèbres. » II Cor., vi, 14.

Et saint Jean exprime les mêmes idées dans les termes mêmes de l’Épître à Timothée. Recevoir un infidèle à la doctrine du Christ ou seulement le saluer, c’est « communier à ses péchés. » II Joa., 11. Le peuple de Dieu, s’il ne sortait pas de Babylone, participerait à ses péchés. Apoc, xviii, 4.

Même langage au iie siècle. Pour un mari, c’est a communier » à l’adultère de sa femme que de continuer à cohabiter avec elle. Hermas, MancL, iv, 1-5. De même une femme chrétienne craindrait de « communier » aux déportements de son mari si elle demeurait au domicile conjugal. Justin, // Apol., 2, P. G., t. VI, col. 444.

A plus forte raison, la communion rituelle ou religieuse entraîne-t-elle cette contamination : l’admission au sacrifice d’un homme brouillé avec son frère suffirait à le profaner pour tous. Didaché, xiv, 2.

Aussi est-on attentif à éviter toute communication avec les hérétiques et les pécheurs. Eusèbe, H. E., IV, 14, P. G., t. XX, col. 340, dit à propos du refus de saint Polycarpe de reconnaître Cérinthe el Marcion : ToaaÛTVjv oî aTcocToXoi xal ol piaOrjTal aÙTÛv iayov eùXàjBeiav v : ç>hc, tô [i.y)8s Xôyoxi xowcoveïv tivi tcov TrapaxapaoaévTwv ty)v àXrjôeiav. Et il nous montre Origène fidèle dès son enfance à cette loi de l’Église : réfugié chez une dame dont le fils adoptif, quoique hérétique, attirait des catholiques à ses leçons, où rtcÔTTOTE upoùrpaTtY] xaxà T"/)v zi>yr> aÙTco autJTyjvai., tpuXàTTcov èÇ ïxi TratSèç xavova’ExxXYjataç. H. E., vi, 2, col. 525. A Rome aussi, le martyr Moïse se sépare de Novatien (àxotvâ)vv]TOv èTi : oÎY)aev) : lettre du pape Corneille dans Eusèbe, H. E., vi, 43, col. 628 ; et ù Alexandrie, les martyrs ne reprennent la vie commune avec certains lapsi qu’après avoir jugé leur pénitence sufiisante. Lettre de saint Denys d’Alexandrie dans Eusèbe, H. E., vi, 42, col. 613.

C’est surtout, en effet, dans le cas d’une pénitence insuffisante que la « communion aux péchés d’autrui » est à redouter : Qui orat vel communicat ciim homine ex Ecclesia cjecto, dit la Didascalie des apôtres, juste oportel cuin hoc numerarL. Si quis cnim cum tioinine ex Ecclesia ejecto communicat et orat…, coinquinatur, cum illo, ni, 8, 5, Funk, Didascalia et Constitutiones Apostolorum. t. i, p. 198. Et elle ajoute pour l’évêque : Si [episcopus] pepercerit ei qui inique peccat et permitlit eum in Ecclesia manere, liic coinquinavil Ecclesiani suam, ii, 9-10, Funk, p. 44. Les novatiens exagérèrent ce principe : ils s’en autorisaient pour refuser de réconcilier les pénitents, et la Didascalie prescrit de passer outre, ii, 14, 3, Funk, p. 50 et 51. Elle prouve même par l’Écriture qu’avoir des rapports

avec l’impie n’est pas « communier à ses péchés » : nspi. yàp Toû y.-}] Soxsïv toùç v : X-t)Gi.61X, ovço(.ç àSCxoit ; ouiJLfxoXûvsæoci. yj KOINONEIN TAIS ATTfiN’AMAPTIAIE ô’le^sxi-ôX Uysi, ii, 14, 13, Funk, p. 54, 55. Par où l’on voit que, chez les catholiques et les hérétiques, malgré l’opposition des doctrines, les formules de l’Épître à Timothée ont le même sens. Elles l’ont aussi en Afrique. Tertullien combat par ce verset de saint Paul la réconciliation de certains pécheurs. De pudicitia, , 9. Uautenr du De aleatoribus, A, Op. Cypriani, édit. Hartel, t. iii, p. 95, 96, invoque ce texte contre ceux qui sont trop indulgents à l’égard des pécheurs. Il en appelle à la doctrine salutaire qui règle à ce sujet la conduite de ceux qui ont reçu le pouvoir de lier et de délier pour la rémission des péchés : Salutari doctrina admonemur, ne, dum delinquentibus adsidue ignoscimus, ipsi cum eis torqueamur…. Dum /alsam communicationem damus, id quod cum honore de Dei dignatione percipimus, indignante Domino ex propria actione amiltamus, i, 1, 2, Hartel, p. 93. Saint Cyprien emploie les mêmes formules à propos de ceux qui, sous prétexte qu’ils ont accompli la pénitence et qu’ils ont reçu du pape l’absolution, cum Basilide et Martiale temere communicant. L’Écriture, en effet, dit-il, consortes et participes ostendit eos alienorum deliciorum fteri qui fuerint delinquentibus copulati… Dum malis et peccaloribus et psenitentiam non agentibus inlicita communicatione miscentur, nocentium contactibus poUuuntur et junguntur in culpa. Epist., Lxvii, 9, édit. Hartel, t. ii, p. 742-743. De là dérive sa doctrine sur l’admission des hérétiques : les recevoir par la seule imposition des mains, c’est « communier à leurs péchés. » Quitalibus ad ecclesiam venientibus sinibaptismo communicandum existimant, non putant se alienis imo œiernis peccatis communicare. Epist., h^xiii, 19, édit. Hartel, t. ii, p. 794. Le pape, en agissant ainsi, « communie au baptême de Marcion. » Epist., Lxxiv, 8, t. ii, p. 805. Au jugement de Firmilien de Césarée, il « communie » de même et pour le même motif « au baptême de tous les hérétiques. » Epist., lxxv, 23, Hartel, t. ii, p. 824. Et les évoques du concile de Carthage en 256 jugent de même : ils appuient leur raisonnement sur les paroles mêmes de saint Paul et de saint Jean. Aurèle d’Utique, Sent, cpisc, 41, Hartel, t. I, p. 451 ; Aurèle de Chullabi, ibid., 81, p. 459-460. En Espagne, saint Pacien, Parœnesis ad pœnit., 8, P. L., t. xiii, col. 1086, se réfère au texte de saint Pau) à Timothée pour dire que l’admission d’un pécheur dissimulé à la communion ecclésiastique rend le prêtre qui en est l’auteur responsable de ses péchés. En Cappadoce, saint Basile explique de même par la - préoccupation de ne pas participer à la souillure des pécheurs le zèle que les évêques apportent à l’administration de la pénitence. Epist. can., 84, P. G., t. xxxii, col. 808.

Le sens primitif de l’expression xoivwveïv â[ ;.apTtatç àXXoTpîaiç n’est donc pas douteux : la « communion aux péchés d’autrui » résulte du maintien ou de l’admission d’un pécheur dans la société dont on est le membre ou le chef. Or, cette interprétation, qu’impose le sens de cette expression depuis l’âge apostolique jusqu’au iv » siècle, entraîne l’interprétation de « l’imposition des mains » comme rite de la réconciliation des pécheurs.

c. Le sens des versets précédents. — Le contexte immédiat n’est pas seul à imposer cette interprétation ; les versets précédents la suggèrent, eux aussi. Le passage, en effet, tout au moins à partir du f 20, a manifestement pour objet la conduite à tenir à l’égard des pécheurs ; le discernement des candidats à l’ordination et les qualités à exiger d’eux ont déjà fait la matière du c.in de l’Épître. Présentement il s’agit d’indiquer à Timothée le procédé à suivre dans la