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INFIDÈLES

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sonne à qui elle est faite, ce qui n’intéresse pas la révélation publique. Ibid.

Principaux défenseurs de cette solution.


1. Pères grecs.

aj Saint Basile parle de ces infidèles (négatifs) 'qui se servent bien des mouvements naturels et dit : « S’ils accomplissent vraiment et sincèrement le bien qu’ils peuvent connaître et faire, Dieu leur donne ce qu’il a donné à Corneille, (favorisé de la vision d’un ange, ) et ne leur reproche point leur passé comme une coupable négligence (du précepte de la foi, ) puisque cela n’est pas arrivé par leur faute. » Regulæ breviores, interrog. 224, P. G., t. xxxi, col. 1231. Un docteur célèbre de la Sorbonne, familiarisé avec les Pères grecs, Isaac Habert, cite ce texte, et dit « que les théologiens, à la suite de saint Thomas, ont de quoi confirmer par là ce qu’ils déclarent si souvent, qu'à un infidèle qui vivraithonnctementDieu ou liien enverrait un ange, etc. n Theologia grxcorum Patrum de grutia, 1 I, c. xxiv, n. 6, Wurzbourg, 1863, p. 120. Saint Basile suppose que Corneille était encore infidèle, quand il eut cette apparition ; ce point, nié par d’autres, est ici d’importance secondaire pour la pensée générale de ce Père. — b) Saint Jean Chrysostome, qui fait la même supposition sur Corneille, dit de lui : « Parce qu’il avait fait avec soin tout ce qui dépendait de lui. Dieu a ajouté le reste. » C’est déjà l’axiome célèbre en théologie, dont nous reparlerons, Fwienti qnod in se est, etc. Le saint docteur l’applique à tous les infidèles, ce qui est d’ailleurs conforme à ce qu’il a dit sur Joa., i, 9, à savoir, que tout homme est éclairé par le Christ, à moins que par ses œuvres mauvaises il se prive librement de ce don. Voir col. 1837. Il s’adresse ensuite à ceux qui osent rejeter la faute sur la Providence, et que l’on entend dire : « Comment Dieu a-t-il laissé en dehors de la foi tel païen probe et sincère ? » — « Ne dites pas cela, leur répond.Jean Chrysostome, car d’abord cette sincérité, celui-là seul peut en être certain, qui sonde les cœurs qu’il a créés ; et puis, il peut bien arriver que cet homme, qui ne néglige pas ses intérêts matériels ni les choses de ce monde, donne peu de soin à ses intérêLs spirituels et aux choses de la conscience… Ce soin est obligatoire pour tous. » Homil. in Rom., homil. xxvi, n. 3, P. G., t. lx, col. 641. — c) Peu après, au ve siècle, le moine saint Nil, très consulté pour sa science scripturaire et théologique, répondait à ÎMaximien : « En toute nation, quiconque craint Dieu et pratique la justice, lui est agréable. Act., x, 35. Oui sûrement, il sera agréé du Seigneur, et non pas repoussé, celui qui en temps opportun se réfugiedans l’honneur qu’il rend à la très sainte science de Dieu (en lui demandant de l’instruire). Dieu ne le laissera pas niourir dans l’ignorance, mais l’acheminera vers la vérité, et l’illuminera de la lumière de sa science, comme il a fait pour Corneille, à propos duquel le bienheureux Pierre a prononcé les paroles susdites. » Epist., t. I, epist. cliv, P. G., t. lxxix, col. 145. Et la révélation immédiate ou vision qui amena ces paroles sur les lèvres de l’apôtre complétait celle du centurion. — d) Enfin le grand mystique et théologien grec, qui s’est caché sous le nom de Dcnys l’Aréopagite, nous explique l'élément angcliquc dans les révélations immédiates. « Les anges, dit-il, reçoivent premièrement en eux l’illumination diyinc et, comme l’indique leur nom d’envoyés, nous transmettent les révélations que nous recevons. » Ainsi la loi mosaïque, souvent présentée dans la Bible comme la parole de Dieu à Moïse en taisant tout intermédiaire, « a été transmise par les anges. Gal., iii, 19 ; Act., vii, 53 ; et avant comme depuis le don de la loi, on a vu les anges diriger l’homme dans ses actions, le ramener de l’erreur ou de la vie profane au droit chemin, et manifester (aux prophètes) les mystères surhumains, les visions cachées, les prédictions divines. » De cselesli

hierarchia, c. iv, P. G., t. iii, col. 180. « Le divin mystère de l’amour de Jésus pour les hommes a été révélé d’abord aux anges, puis par eux à nous. » Et il cite les apparitions de Gabriel à Zacharie, à IMarie, les anges de la nuit de Noël ; celui qui apparut souventà Joseph, gardien du divin Enfant ; Jésus lui-nu-ine fortifié par un ange dans son agonie. Ibid., col. 181. Plus loin il passe au rôle des anges chez les infidèles. Il montre par l'Écriture que non seulement les Juifs, mais tontes les nations avaient leur ange protecteur du pays ; ainsi les illuminations divines ne leur manquaient pas. « L'égarement idolâ trique n’est pas venu de leur délaissement, mais de leur libre volonté, de leur égoïsme, de leur opiniâtreté dans un culte absurde. » Souvent les Juifs en ont fait autant ; mais ils ont eu plus de secours. « Les diverses nations avaient toutes pour premier principe le même Dieu, auquel les anges, préposés à chaque nation, ramenaient ceux qui voulaient les écouter. Dieu n’a point partagé le règne du monde avec les faux dieux, gardant pour lui les seuls Juifs : à ceux-ci il a préposé l’archange Michel, aux autres nations d’autres anges. Ibid., c. ix, col. 260, 261. Cf. Daniel, x, 13-21.

2. Pères latins.

a) Saint Augustin a déjà des considérations semblables à celles que devait développer plus tard le pseudo-Denys. De civitate Dei, t. VII, c. XXXII ; t. XVIII, c.xLvi, P. L., t. XLi, col. 221, 609. Voir Capérau, Problème des infidèles, p. 130. Ailleurs, parlant des anciens philosophes qui, ayant connu Dieu par ses ouvrages, ne l’ont pas glorifié comme Dieu, Rom., i, 21 : « Ils n’ont pas été jugés dignes, dit-il, de recevoir l’annonce de ces dogmes par les saints anges, soit extérieurement par les sens du corps soit par des révélations à l’intérieur de l'âme, comme en ont reçu nospères (les patriarches, tels qu’Abraham) doués d’une vraie piété. » De Trinitate, t. IV, c. xvii, ibid., t. XLii, col. 903. C’est indiquer que ces philosophes, au besoin, auraient eu de ces révélations extraordinaires, s’ils n’en avaient pas été indignes par toute leur vie, décrite par l’apôtre au chapitre cité. Ailleurs encore, à propos des révélations immédiates qui n’ont pas cessé de se faire dès l’origine du genre humain, il dit : « Quand on voit participer à ce don mystérieux, sacramentum, au témoignage même des saints Livres hébraïques, tels hommes qui n'étaient ni de la race d’Abraham, ni du peuple d’Israël, ni agrégés à ce peuple (Job, par exemple) pourquoi ne croirait-on pas que dans les autres nations dispersées sur la terre il y ait eu des cas semblables, bien qu’on ne lise rien là-dessus dans les auteurs juifs ? » Epist., cii, ad Deogratias, n. 15, P. L., t. xxxiii, col. 376. Enfin, peu avant sa mort et réfutant les semi-pélagiens, il soutient toujours les révélations immédiates, faites aux infidèles per ipsum Deum vcl per angelos, nullo sibi homine prsedicante : on ne peut être plus clair. Mais il les estime « très peu nombreuses…. relativement à la multitude de ceux qui croient à la parole de Dieu par un intermédiaire humain », multis… donalum ut Deo per homines credant. De dono perseverantiæ, n. 48, P. L., t. XLV, col. 1023. — b)Ua.n.e.nvûvi De vocatione omnium gentium se demande pourquoi Dieu a permis que la prédication de l'Évangile ne fût pas donnée aussitôt à toutes les nations, et même en a positivement exclu ou plutôt retardé telle et telle pour un temps. Matth., X, 5, Act. xvi, 6, 7. Au « mystère insondable » des inégalités de la prédestination appai’tiennent « ces retards des illuminations (de la foi), qui font rester beaucoup d’hommes dans l’infidélité, non seulement chez les peuples lointains, mais encore dans les villes où il y a des fidèles, et où l’on voit des gens attaquer la foi chrétienne, qui plus tard deviendront chrétiens : pourquoi Dieu laisse-t-il si longtemps dans, 'erreur ceux qu'à la fin il convertira vieillards ? » ete — Dans les siècles avant Jésus-Christ « cette même grâce n’a pas