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INFIDÈLES


Augustin, nous force de conserver à la foi stricte son rôle initial. Disons donc simplement avec le concile qu’elle est, non seulement un fondement de toute justification et un fondement nécessaire, fuies sine qna nulli unquam contigit justificatio comme le reconnaissent les carmes de Salamanque, mais encore hitmanæ salulis inilium, Denzingcr-Bannwart, n. 801 ; cꝟ. 799, plutôt que de les suivre dans leur conclusion finale, singulièrement embrouillée et certainement étrangère à la pensée du concile : « Quand on définit que la foi est le commencement et la racine de toute justification, on considère la « foi » dans son double sens, ulroque modo : en sorte que la foi prise au sens large, en tant qu’elle implique une connaissance surnaturelle, soit absolument le commencement de la justification, la première dans l’ordre de génération ou de genèse, ordre qui va de l’imparfait au plus parfait, puisqu’elle est présupposée aux autres actes salutaires sans exception ; et que la foi prise au sens strict soit un commencement relatif, et la première dans l’ordre de perfection, puisqu’elle a la prééminence parmi les connaissances qui concourent à la justification. » Ibid., n. 86, p. 775. — c) Résumons enfin une preuve accessoire empruntée aussi à Ripalda par les Salmanticenscs. Ibid., n. 85, p. 774. Les conciles et les Pères, et surtout saint Augustin, prennent souvent le mot caritas dans un sens large, pour toute espèce d’affection envers les autres. Donc il est pareillement possible qu’ils aient pris au sens large le mot fides. — Réponse. — C’est possible en plusieurs cas ; mais quand leur contexte, ou l’ensemble des circonstances, détermine clairement le sens strict, il ne vous est pas possible, dans leur interprétation, de prendre le sens large, ou les deux sens à la fois, ce qui est plus fort. Or cette détermination par le contexte, pour le mot fides, se rencontre dans Augustin souvent, et dans les passages du concile de Trente que nous venons d’étudier. Godoy sans nommer Ripalda ni les Salmanticenses, rejette ce recours « à un sens large de la foi. prise pour une illumination surnaturelle quelconque. » Il lui oppose le passage où le concile de Trente donne d’abord la définition très complète de la « foi » avant d’en parler comme disposition nécessaire à la justification et commencement du salut ; définition où l’on ne peut voir autre chose que la foi stricte et théologale, sess. VI, c. VI. Denzinger-Bannwart, n. 798. Godoy se réclame aussi de la pensée commune des théologiens, et de l’interprétation qu’elle donne de Heb., xi, 6, sur la nature de la « foi » nécessaire à la justification. Lor. C17., n. 4 1, et45, p. 370.

TROISIÈME srsTÈME : Les infid(Hes négatifs peuvent arriver à la foi par une rcuclation immédiate. — Au système précédent nous avons opposé ce principe des Pères, col. 1835 sq, que si un adulte ne reçoit pas la lumière de la révélation et de la foi conduisant au salut, c’est « par sa faute, parce qu’il ferme vclontaliement les yeux à la lumière et s’en prive ». D’autre part, c’est un fait, objecté par les défenseurs du système précédent que bien des adultes se trouvent placés dans de telles circonstances de lieu, de mauvaise volonté des hommes etc., q ne, forcément et sans leur faute, ils restent privés du moyen nécessaire de la prédication, établi par leChrist : lesprédicateursdelarévélation n’arrivent pas jusqu’à eux. On concilierait le principe avec le fait, et avec la nécessité de la foi stricte, si l’on admettait que l’infidèle, privé du moyen normal de la prédication sans en être cause par sa liberté, recevrait une suppléance qui le conduirait à la foi stricte, et à la justification s’il le veut. Cette suppléance de la prédication, c’est la révélation immédiate.

! Définitions et explications préliminaires. — Il aji t, bien entendu, de la révélation proprement dite, surnaturelle au [moins dans son mode. — a) On est

convenu d’appeler révélation « médiate » celle qui, faite autrefois par Jésus ou ses apôtres, ou même par des envoyés de Dieu plus anciens, qu’ils nous ont garantis, a été transmise depuis l’âge apostolique par une série d’intermédiaires humains, soit qu’on les considère historiquement comme purement humains et d’après les seules règles de la critique des témoignages, soit qu’on les envisage théologiquement comme aidés, pour conserver la révélation, par une assistance de Dieu toute spéciale, tel le témoignage de l’Église nous proposant la révélation antique, et en cela infaillible dans certaines conditions déterminées. Par opposition, on appelle révélation « immédiate » non seulement celle que Dieu fait à l’âme par son action exclusive et directe (immédiate par excellence), mais encore celle qu’il lui fait par le ministère de ses anges. Dans ce dernier cas, il y a sans doute entre Dieu et l’âme un intermédiaire, mais non humain ; un intermédiaire uni à Dieu par la vision intuitive, toujours infaillible, et sachant persuader l’âme de l’origine divine de la révélation qu’il transmet : aussi assimile-t-on cette révélation angélique à celle qui est immédiate par excellence, parce qu’elle est pratiquement, pour qui la reçoit, de la même valeur. Voir Foi, t. vi, col. 135. — Des hétérodoxes ont abusé de l’idée de la révélation immédiate ; ils en ont fait le moyen choisi par la providence pour parler à tous les hommes, ou plutôt à tous les élus dont naturellement ils étaient, les autres étant laissés sans moyen de salut. Tantôt à la révélation médiate ils substituaient purement et simplement l’immédiate : exemple, les anabaptistes d’Allemagne, qui méprisaient la Bible et la remplaçaient par les fausses lueurs et les commandements détestables que Dieu était censé leur donner. Tantôt, chose à peine moins dangereuse en pratique, ils ajoutaient à la révélation médiate des Écritures leur prétendue révélation immédiate, se servant de celle-ci pour interpréter celles-là. Voir Foi, col. 143. Il faut soutenir contre ces hérétiques que Dieu ne distribue pas les révélations immédiates avec une telle profusion et si peu de preuves de leur réalité ; mais cela n’empêcherait pas d’admettre, cornme une explication de sa volonté sérieuse du salut de tous, qu’il les donne aux infidèles négatifs qui en ont rigoureusement besoin pour leur justification et leur salut, au moins s’ils n’y mettent pas d’obstacle volontaire. D’autant plus que le contenu d’une telle révélation n’est pas grand, ni composé d’étrangetés capables de troubler la société ou du moins le cerveau des hommes sans culture, comme dans l’exemple des fanatiques, mais comporte seulement un très petit nombre de vérités chrétiennes, celles qui sont « de nécessité de moyen ». D’ailleurs la « révélation » quand ce mot signifie le témoignage divin ayant pour but d’obtenir l’acte de foi, n’exige pas essentiellement du neuf, de l’inédit, dans son contenu ; mais une vérité bien connue dans le monde chrétien, et depuis longtemps révélée, peut l’être un million de fois encore au bénéfice des pauvres infidèles. Ibid., col. 124, — b) D’autres hétérodoxes confondent la révélation publique, base nécessaire de notre foi, avec la révélation privée, qui est loin d’avoir la même nécessité, tellement que ceux au moins à qui elle n’est pas immédiatement faite peuvent, sans nuire à leur salut, s’abstenir de l’étudier ou de chercher à la croire. Ibid., col. 145 sq. Mais dans la solution orthodoxe du problème des infidèles, qu’en ce moment nous examinons, il ne peut y avoir aucune confusion avec la révélation proprement privée, puisque roi>/e/, que cette solution suppose révélé immédiatement à l’infidèle, se compose des vérités les plus nécessaires à la justification et au salut de tous les hommes, donc appartenant par excellence à la révélation publique ; tandis que la révélation privée aurait pour objet, par exemple, l’assuraice du salut de la per-