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INFIDELES


naturelle devra succéder aussitôt ; il lui oppose les canons du concile d’Orange, et réclame que la bonne action qui conduira à la justification se fasse sous une « inspiration surnaturelle. » Ibid., col. 788, 789. Enfin Hanez pose lui-même cette 9 « conclusion : « Toutefois il est vrai de dire que Dieu est prêt à donner à tous les hommes, tant qu’ils sont en cette vie, le secours qui leur donne la puissance de se convertir, et même le secours plus spécial qui les convertira s’ils le veulent. » Ibid., col. 794 « Cette conclusion, ajoute-t-il, est très jriquenle chez les théologiens, mais quelques-uns l’entendent mal, « c’est-à-dire d’une manière semi-pélagienne, qu’il explique. Et il cite le beau texte de saint l’homas, ConI. Génies, t. III, c. eux. Sur cette question si ardue de la distribution de la grâce, la marche de Bafiez a pourtant une certainç confusion qui, jointe h sa brièveté, le rend parfois obscur. Ses disciples auront le mérite de descendre dans plus de détails, avec plus d’ordre, et de préciser davantage. La plupart seront plus rigides que le maitre ; il en est au contraire qui l’abandonneront ici, comme les Salmantlcenses, pour être plus larges que lui envers les infidèles. — b) Godoy († 1087), O. P., professeur à Salainanque, ensuite évêque d’Osma, propose déjà quelques-uns des arguments fâcheux de Gonet (qui s’est servi de ses manuscrits avant leur publication), mais l>as lous. Plus pondéré il n’est pas, comme lui, hanté par le molinisme à combattre ; il est d’ailleurs plus grand théologien. Voir Godoy, t. vi, col. 1472. Pourtant dans notre question il laisse, comme Gonet, une impression pénible de rigorisme ; par exemple : « La volonté générale du salut de tous est une volonté antécédente, et non pas conséquente. Son effet, quant aux remèdes suffisants, n’est pas de les conférer tous à tous les hommes, mais de les offrir à tous, et d’en conférer à tous quelques-uns, c’est-à-dire les remèdes extrinsèques institués pour tous, comme sont les sacrements, la passion et la mort du Christ, mais non pas les intrinsèques. Et de même que les tenants de l’opinion contraire, nonobstant la volonté divine de sauver tous les hommes, avouent qu'à tous ne sont pas donnés les secours qui suffiraient prochainement pour la foi (et la justification), mais seulement les secours éloignés, de même, nonobstant cette volonté divine, nous disons que plusieurs ne reçoivent pas de secours suffisants intrinsèques, ni prochains, ni éloignés, mais seulement les extrinsèques. » Opéra theologica, t. i, Disputationes in 7° "° parlem D. Thomæ q. xxiii, disp. lxx, n. 51, Venise, 1686, p. 377. Les Salmanlicenses opposent à ce passage de Godoy l’explication « commune », que donnent les Pères, du texte, I Tim., ii, 4 : « Ce n’est pas le secours divin qui manque, si tous les adultes n’arrivent pas au salut surnaturel, mais c’est la faute des hommes eux-mêmes, ne coopérant pas avec Dieu qui a cette intention de les sauver tous. » Loc. cit., n. 67, p. 764. Ils allèguent Augustin et Chrysostome ; nous en avons cité d’autres plus haut, col. 1835 sq. Ils concluent contre Godoy qu'étant donnée la nécessité des grâces intérieures pour arriver à la fin surnaturelle, il faut que chacun les reçoive, sous forme de secours sinon prochain, du moins éloigné ci conduise à l’autre, si l’homme veut se servir du premier. Des secours préparés en général, > disent-ils, fort justement, « mais que plusieurs n’ont à leur disposition ni proxime ni remote, sont pour eux comme s’ils n’existaient pas. Dans cette opinion, leur défaut de tendance à la fin surnaturelle ne retomberait donc pas sur eux, mais sur Dieu ; ce qui est contraire à la doctrine des Pères. » Ils ajoutent que ce don fait à tous de secours suffisants convient singulièrement, d’une part à la bonté divine, et ne nuit pas, d’autre part, au dogme de la prédestination ; car, pour sauver ce dogme, même en supposant les secours suffisants

donnés à tous, c’est assez que les secours efficaces ne soient pas distribués à tous, et que par sa volonté conséquente, à laquelle appartient la prédestination. Dieu les confère à ceux qu’il lui plaît de favoriser, ce que nous admettons très volontiers. Ibid., n. 68, p 765. — c) Seulement les Salmanlicenses exagèrent, quand ils prétendent que Dieu donne effectivement à tous les hommes une partie des secours surnaturels quoad substantiam. Sur ce point, Godoy et Gonet, qui le suit, vont reprendre l’avantage ; et cela prouve ce que nous disions, que dans cette controverse entre bannésiens, unique en apparence, il y a en réalité deux questions enchevêtrées ; l’une, bien résolue par un des partis ; l’autre, par le parti opposé. D’ailleurs cette controverse est fort instructive en vue du problème des infidèles. Voyons donc maintenant le déficit des Salmanlicenses, prouvé par leurs concurrents. La controverse va se transporter sur des sujets que nous avons déjà traités, ce qui nous permettra d’abréger.

3. Est-ce la meilleure opinion, comme le disent les Salmanlicenses et d’autres, que tous les hommes participent de fait aux secours « surnaturels quoad substantiam », ou « surnaturels » tout court, qui élèvent la faculté pour lui faire produire un acte salutaire, un acte d’ordre divin ; et que les infidèles négatifs reçoivent ce genre de secours, et longtemps avant toute connaissance de la révélation ? Godoy attaque cette opinion sans nommer aucun adversaire. Après un premier argument moins heureux, il pose ce principe meilleur : « Le premier acte dans l’ordre surnaturel est l’acte de foi. » Il en conclut que « le premier secours suffisant d’ordre surnaturel est le secours qui suffit à croire ; » et que n ceux qui manquent d’une telle grâce manquent de tout secours surnaturel. » Loc. cit., n. 40, p. 375. Il prouve son principe par les paroles du concile de Trente que nous avons étudiées : « La foi est le commencement du salut de l’homme, le fondement et la racine de toute justification. » Voir col. 1776 sq. Il ajoute des textes augustiniens qui rendent la même idée. Puis il rapporte la réponse que font les adversaires à cette preuve : « Le concile de Trente et Augustin veulent dire que parmi les dispositions nécessaires à la justification la foi tient la primauté d’ordre o c’est-à-dire qu’elle vient la première dans l’ordre des temps : » mais ils ne nient point que d’autres œuvres surnaturelles, sans être requises comme la foi, puissent être des dispositions imparfaites et éloignées, à la justification. » A cette réponse, Godoy fait une première réplique : « S’il était permis d’esquiver par cette échappatoire les paroles de Trente, il serait également permis d’esquiver de même les paroles des conciles, celui d’Orange, par exemple, et des Pères, quand ils affirment que la grâce a le rôle initial àa.ns la justification ; il serait permis de dire : les conciles et les Pères parlent ainsi, parce que la grâce est absolument nécessaire, mais ils ne nient point que dans certains cas le libre arbitre commence, et avec ses mérites, (du moins imparfaits, ) bien qu’ils ne soient pas nécessaires, précède la grâce. Or ceci est absurde. » C’est le semi-pélagianisme de Cassien, rejeté par tous les catholiques. « Donc pareillement l’interprétation qu’on veut -nous donner du concile de Trente est inadmissible. » Ibid., n. 42, p. 376. Nous résumons ainsi la dernière réplique de Godoy, très suggestive et très profonde : Ces œuvres « surnaturelles », que vous introduisez avant l’acte de foi, par le fait même que vous les supposez non seulement libres et moralement bonnes mais surnaturelles, doivent être aussi supposées méritoires (imparfaitement) ou du moins impétratoires pour obtenir la foi absolument nécessaire à la justification. Or, dans cette supposition, c’est la première de ces œuvres, et non la foi, qui doit devenir le vrai « commencement du salut, »