Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/294

Cette page n’a pas encore été corrigée
1837
1838
INFIDÈLES


toute première prédication, au jour de la Pentecôte, quand les apôtres sous l’inspiration divine furent entendus et compris de chacun dans sa langue, sans exclusion de personne, comment peut-on raisonnablement mettre Dieu en cause, parce que son Verbe ne s’est pas assujetti tous les hommes" ? Celui qui a tout en sa puissance a voulu, par un excès d’honneur pour l’homme, laisser en notre pouvoir une chose dont chacun est seul maître. C’est la volonté de préférence, qui ne peut être réduite en esclavage, qui garde son indépendance dans la lilierté de l’âme. Quant à ceux qui n’ont pas été agrégés à la foi, c’est donc sur eux que tomberait plus justement l’accusation, et non point sur celui qui les a invités à donner leur consentement. » Oralio cateclietica magna, c xxx, P. G., t.XLV, col. 76, 77. — Saint Basile a un texte très décisif, que nous citerons plus loin. Voir col. 1847. — Saint Chrysostome n’est pas moins clair : « Si le Verbe illumine tout homme venant en ce monde, comment tant d’hommes restent-ils sans être illuminés ? car tous ne reconnaissent pas le. culte du Christ ; comment donc éclaire-t-il tous les hommes ? Autant qu’il est en lui. Mais ceux qui volontairement ferment les yeux de leur intelligence pour ne pas recevoir ses rayons, leurs ténèbres ne viennent pas de la nature de la lumière mais de leurs œuvres mauvaises, par lesquelles ils se privent librement de ce don. » Homil. in Joa., homil. VIII, n. 1, P. G., t. Lix, col. 65. Nous retrouverons ce principe dans saint Thomas et les autres docteurs scolastiques. Voir col. 1852.

Concluons que, si pour l’enfant qui meurt avant l’âge de raison il ne peut être question de consulter sa propre liberté. Dieu a voulu de fait consulter la liberté humaine chez ceux où elle est en exercice, c’est-à-dire chez les adultes. Quelles fins s’est-il proposées en la consultant ? Lui seul pourrait nous en donner une complète idée. Du moins nous ne risquons rien en attribuant ce fait à sa grande miséricorde, et en ajoutant cette remarque. Les enfants morts sans baptême, d’après la thèse aujourd’hui commune, n’ont pas à souffrir de peines positives ; ils ont un sort moyen entre ces peines et la vraie béatitude. Voir col. 1745 sq. Au contraire, pour les adultes dont la raison est suffisamment développée et la liberté morale en exercice, la tradition n’admet pas de sort moyen entre le ciel et les peines éternelles de l’enfer, comme nous aurons occasion de l’expliquer plus loin. Cette différence demandait pour tout adulte en telle situation une providence plus attentive et allant jusqu’à l’emploi de moyens extraordinaires, si cet adulte est excusé par sa bonne foi et son honnêteté relative, si l’on ne peut pas dire de lui qu’il « (7 librement fermé les i/eux aux rayons du soleil divin. Gilles de Rome assignait déjà cette différence, voir col. 1851.

3. On nous objecte des textes de saint Augustin et de ses disciples, disant que la grâce n’est pas donnée à tous, puisqu’il y a des peuples qui n’ont pas encore reçu la prédication de l’évangile. Donnons un exemple où ce raisonnement est un peu plus développé. La lettre synodale des évoques africains exilés en Sardaigne le rend ainsi : « Celui-là n’apprécie pas dignement la grâce, qui la croit distribuée à tous les hommes, car non seulement la foi (intérieure, l’acte de foi) n’est pas donnée à tous, mais on trouve encore plusieurs nations où la prédication de la foi (extérieure, c’est-à-dire de la révélation à croire) n’est point parvenue. Comment, dit saint l^aul, croira-t-on en celui dont on n’a pas entendu parler ? Et comment en entendra-t-on parler s’il n’y a pas de prédicateur ?.. La grâce n’est donc pas donnée à tous, puisqu’elle n’est pas le partage de ceux qui ne sont pas fidèles (c’est-à-dire qui ne croient pas), et que ceux là ne peuvent pas croire, auxquels l’audition même de la foi n’est point

parvenue. Et à ceux auxquels la grâce est donnée, elle n’est pas donnée également. » Epist. de gratta et humano arbitrio, n. 10, P. L., t. ixv, col. 438, 439.

— Réponse. — Ces Pères réservent par excellence le nom de k grâce " à la grâce (surnaturelle quoad substantiam) qui mène prochainement à la justification ; c’est en premier lieu la grâce de la foi, laquelle est donnée, normalement, quand la révélation à croire a été proposée par la prédication. A la prédication il pourrait y avoir une suppléance extraordinaire et anormale. Voir col. 1847. Mais ces évêques, n’entrent pas dans un détail aussi compliqué : ils n’expliquent pas tout, pas plus que saint Paul dans le texte allégué par eux. Leur seul but est de réfuter les semi-pélagiens, ennemis des faveurs de la prédestination, qui non seulement voulaient donner ci tous la grâce menant prochainement à la justification, mais la voulaient donner également, toujours par un principe de justice mal appliqué. Augustin, du reste, admet lui-même, pour certains infidèles privés de la prédication, des suppléances extraordinaires. Voir col. 1848.

Ces considérations nous amènent à préciser cette expression théologique de « grâce suffisante o, et à la subdiviser, comme le font communément les théologiens, en secours éloigné (du but de la justification), remote sufjlciens, qui est donné à tous, ei en secours rapproché (de la justification), proxime sufficiens, qui n’est pas donné à tous. Et il faut admettre entre les deux secours une telle liaison, que si le libre arbitre profite du premier, il arrivera infailliblement (mais sans mérite de sa part) au second. Ceci est nécessaire pour que se vérifie l’assertion si commune des Pères, que ceux-là seuls périssent, qui auront fermé les yeux à la lumière, que leur perte vient de leur faute, etc.

4° Quelques thomistes de l’école bannéziennc. On cite surtout Gonet, O. P. (1 1681). Sans partager les erreurs jansénistes, il fut, avec deux autres professeurs de l’université de Bordeaux, poursuivi par la Sorbonne et par Louis XIV pour trop d’indulgence à l’égard des Provinciales de Pascal. Voir Gonet, t. vi, col. 1487 sq.

1. Examinons sa pensée sur le salut des inhdèles. Pour n’être pas en contradiction avec les Pères que nous venons de citer il devrait dire que, si à beaucoup d’infidèles n’est pas donné, conféré le secours d’espèce supérieure, proxime sufficiens, à tous cependant il est offert, en ce sens, qu’ils reçoivent au moins le secours moindre, remote sufficiens, et qu’il y a une liaison infaillible entre ces secours inférieurs, si le libre arbitre les accepte, et ceux de l’espèce supérieure, plus rapprochés de la justification, et qu’ainsi il ne tient qu’aux hommes d’accepter les premiers et de recevoir les seconds tôt ou tard. Ora^ loindesoutenir cette thèse, il la représente comme étant celle de ses adversaires. CAijpcus theologise thomisticæ. De Dec une, disp. V, De reprobatione, n. 179, édit. Vives, 1875, t. ii, p. 405.

— b) « Dieu par sa volonté antécédente, dit-il en interprétant saint Thomas, offre ou prépare à tous les hommes des secours ou remèdes suffisants pour le salut, en ce sens que pour tous il a institué les sacrements de l’Église, que pour tous il a envoyé le Christ et décrété ses mérites, qui sont en soi suffisants pour le salut du monde entier. » Ibid., n. 210, p. 411. Et nous voilà revenus aux moyens purement « extérieurs et généraux « d’Estius et de Sylvius. Gonet veut pourtant admettre une « volonté antécédente » du salut de tous : c’est un certain progrès sur les théologiens de Louvain et de Douai. — c) Cette liaison infaillible affirmée par ses adversaires, il l’attaque par cet argument : L’état de péché qui existe dans tout infidèle, au moins à cause du péché d’Adam, souvent aussi à cause d’un ou plusieurs péchés mortels personnels.