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INFIDÈLES


pour une chose quelconque d’ailleurs bonne en soi, s’il lui plutt de la vouloir aljsolunient. Mais s’il préfère une volonté seulement conditionnelle, par exemple, pour laisser à notre liljerté plus de jeu et nous donner plus de mérite, alors notre liberté pourra faire obstacle à ce qu’il désire, et il l’aura laissée faire, quitte à montrer sa puissance par la punition du coupable, ce qui donne à Dieu le dernier mot. De spiritu et litlera, n. 58, P.L.yt. xLiv, col. 238. Voir col. 1835. Les autres raisons, moins spécieuses, alléguées ici par Sylvius n’ont pas plus de valeur. In /am pariem Thomie Aqiiinalis, t. I, q. xix, a. G, q. ii, Anvers (et Paris), 1714, p. 156. Voir Volonté salvifique.

2. Comme Estius, il pose ensuite cette question : « Dans quel sens faut-il donc entendre le texte de saint Paul : Dieu veut que tous les hommes soient sauvés ? » Il énonce, presque dans le même ordre, les sept interprétations qu’a énumérées son prédécesseur, et choisit, comme lui, la septième : « Dieu est censé vouloir le salut de tous parce qu’il nous le fait désirer, nous ordonne d’y travailler, et de prier à cette fin pour tous, sans exclure personne. » Mais il penche aussi pour la quatrième (la 6’d’Estius). Cette interprétation a du moins l’avantage de laisser à Dieu (qu’Estius et Sylvius dépouillent de la volonté réelle de cette fin à l’égard de tous) une bienveillance apparente par le don réel de certains moyens. Mais Sylvius est plus bref et plus rude : « Dieu, dit-il, est censé vouloir sauver tous les hommes, parce qu’il a établi et proposé à tout le genre humain certains moyens et secours généraux par lesquels on peut » (d’une possibilité incomplète) « être amené au salut, bien qu’ils ne su/Jlsent nullement à l’obtenir sans des moyens et secours spéciaux » qui ne sont pas donnés à tous, les grâces intérieures. Voici des exemples de ces moyens généraux : la création de l’homme pour la béatitude, la loi naturelle imprimée dans tous les cœurs, la prédication de l’évangile et la mission des apôtres dans tout l’univers, le prix du sang du Christ, très suffisant à racheter tous les hommes » (par lui-même, mais il faut des moyens spéciaux qui l’appliquent), " enfin les sacrements. » Ibid., q. iii, p. 157. Notons d’ailleurs que parmi ces « secours généraux » il en est, comme la prédication de l’évangile, qui sont empêchés de parvenir à beaucoup d’hommes par des circonstances indépendantes de leur volonté.

3 » On pourrait, avec plus de générosité qu’Estius et Sylvius, admettre que Dieu, voulant réellement sauver tous les hommes, leur prépare des secours non seulement extérieurs mais intérieurs, non seulement généraux mais spéciaux : seulement ces secours, par un défaut des causes secondes, n’arriveraient pas à destination. D’après cette conception. Dieu agirait simplement en seigneur suprême, en gouverneur universel du monde. Il a choisi un ordre physique bon en soi, bien que nécessairement imparfait quand il s’agit du bien de tous les individus, toujours quelques-uns en souiïriront ; il n’est pas tenu de faire des miracles pour corriger ces imperfections et ces inconvénients accidentels d’un ordre bon en général ; il n’est d’ailleurs pas tenu au plus parfait. Il peut donc permettre, tolérer que certains infidèles, à cause de circonstances physiques qui ne les favorisent pas, comme leur extrême éloignement du centre de la prédication évangélique, ou la difficulté insurmontable des communications, restent, sans faute de leur part, dans l’ignorance totale de la vraie révélation, et donc dans l’incapacité absolue de faire un acte de foi stricte, pour nécessaire qu’il soit à leur justification et à leur salut. Si l’on répugne à admettre que ces causes purement physiques puissent ainsi prévaloir sur le salut de plusieurs, on peut les remplacer par des causes morales produisant le même effet accidentel. Dieu a voulu q u

les moyens nécessaires de salut soient communiqués à chacun par le ministère d’autres hommes ; il arrivera que plusieurs de ces hommes s’acquitteront avec négligence de leurs devoirs, ou bien que ces messagers de salut seront arrêtés aux frontières des peuples par les gouvernants, excusables ou non, qui rendront compte à Dieu de cette fâcheuse intervention, comme les autres de leur négligence. Voilà des libertés humaines, des causes morales, qui peuvent priver beaucoup d’infidèles des moyens de salut que Dieu leur avait soigneusement préparés, et que le Christ avait payés de son sang. Pour remédier au déficit de ces causes secondes, physiques ou morales. Dieu est-il tenu de faire de l’extraordinaire, du miraculeux ? Non ; s’il arrête là ses dons, il ne commet aucune injustice, d’autant plus que le péché originel rend les infidèles indignes de la vie éternelle. Ainsi ont pensé quelques auteurs catholiques. Suarez, sans attribuer ce système à des noms déterminés et bien sûrs, l’expose et brièvement le réfute. De gratia actuali, t. IV, c. xi, n. 1016, édit. Vives, 1857, t. viii, p. 316, 317. Cette œuvre de Suarez n’a paru pour la prejTiière fois qu’en 1651, trente-quatre ans après sa mort, et dans une édition très fautive. Voir la préface de ce volume, édit. citée. Dans cette opinion qu’il rapporte, et que nous allons critiquer, nous distinguerons quelques assertions vraies de celles qui sont fausses et contraires à la pensée traditionnelle et commune.

1. Si l’on considère seulement le souverain domaine de Dieu, il pourrait agir ainsi. Soit. ISIais cette considération abstraite doit en théologie se compléter par des faits, que la révélation nous apprend ; et ces catholiques le se.itent eux-mêmes, puisqu’ils font appel au « péché originel », un fait de l’ordre présent. Ce péché atteint tous les hommes ; et Dieu aurait pu les y laisser sans aucune rédemption, et donc privés de béatitude en l’autre vie. Voir col. 1744. Ou bien il aurait pu, à son gré et sans injustice, décréter une rédemption pour quelques-uns seulement ; à cela revient un texte de saint Augustin qu’on nous oppose. De dono perseverantiæ, n. 16, P. L., t. xlv, col. 1002. Mais il faut tenir compte aussi d’un autre fait révélé, la rédemption par le Christ, avec son universalité. Il est mort pour tous, pour les délivrer de tous leurs péchés et avant tout du péché originel, et pour leur rendre, non pas leur destination première à la fin surnaturelle, qu’ils avaient gardée même dans l’état de chute, mais les moyens d’y arriver. Voir col. 1745. Le péché originel ne saurait donc être pour Dieu une raison d’abandonner, ’sans aucun accès aux moyens spéciaux de salut, et avec les seuls moyens généraux et insuffisants, une partie du genre humain, les infidèles isolés des secours suffisants soit par la nature des lieux qu’ils habitent soit par la faute des autres hommes. S’il les abandonnait, comme on le prétend, à cause du péché originel, il manquerait de fidélité à sa promesse, faite à tous même après le péché d’Adam et à cause du Christ rédempteur. Voir col. 1728.

2. L’argument principal des adversaires est tiré des enfants morts avant l’âge de raison, et sans baptême. Il est évident que Dieu n’a pas recours à un miracle pour faire donner le baptême aux enfants, chaque fois que des causes physiques, ou morales, s’opposent à l’administration de ce^ sacrement, bien que pour leur salut le baptême soit de nécessité de moyen in re, c’est-à-dire aussi nécessaire pour eux que la foi stricte pour les adultes ; la Providence peut donc se contenter alors d’avoir préparé ce que le défaut des causes secondes l’empêche de mettre à exécution. Et cependant, on admet que Dieu a une volonté sérieuse du salut de tous les enfants, aussi bien que de tous les adultes ; c’est la thèse quasi commune en théologie. Concluons, disent-ils, que l’on doit paieillenient