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INFIDÈLES


arbitrairement le terme omnes de son sens naturel, et contre son contexte. Estius choisit donc, comme . très probables et préférables à tout le reste » 1 une ou l’autre de ces deux expositions qui dans sa liste portent les n. 6 et 7 : « G= : Dieu est dit et censé « vouloir » le salut de tous, absolument tous les hommes, non pas qu’il le veuille lui-même, mais parce qu’il fait en sorte que les âmes pieuses le veuillent ou le désirent, au moins en ce sens qu’elles ne doivent exclure aucun homme de leurs prières, parce qu’en cette vie elle ne sont certaines de la réprobation d’aucun. Car il est bien des choses que Dieu nous fait vouloir, sans qu il les veuille lui-même à proprement parler. » On lui en attribue la volonté par une figure de style ; c’est encore une des interprétations données par Augustin, Estius le cite Puis vient la 7^ : « Dieu est dit vouloir le salut de tous en ce sens, qu’il a voulu donner au genre humain en général, et à beaucoup d’individus en particulier certains moyens et secours exteneurs, qui peuvent conduire les hommes au salut, comme sont (après la chute)… la lumière naturelle de la raison, la loi naturelle gravée dans tous les cœurs, la prédication (au sens figure) du ciel et de tous les éléments, la mission des apôtres dans tout l’univers, le bienfait de la rédemption du Christ offert à tous, en ce sens que l’Église n’a reçu aucun précepte qui lui défende de prêcher à telle nation ni à telle personne, mais doit plutôt, autant qu’il est en elle, amener tout le monde au salut par J ésus-Christ. D’après cette interprétation, la phrase. Dieu veut le salut de tous » peut signifier : Dieu a disposé des moyens pour cette fin, des causes pour cet effet, quand même l’elTet ne suit pas en réalité Volonté apparente, voluntas signi, parce que, chez les hommes, une telle préparation (extérieure) de inovens et de causes est d’ordinaire accompagnée de la volonté (intérieure) de la fin et de l’effet, et la signifie : mais aussi, d’une certaine manière, volonté rce le voluntas beneplaciti, non pas réelle quant a 1 effet lui-même, mais quant aux moyens qui pour leur part, per se, conduisent à cet efiet. » In IV Sent., loc. cit p 198 199 On peut noter qu’Estius, à dessein, parle de movens extérieurs, et ne signale aucune véritable nrâce Intérieure donnée à tous, même aux infidèles. C’est cLaucher en quelque sorte l’erreur que nous avons relevée dans Quesnel et Jansénius, col. 1736 sq.

2 Dans sa grande œuvre exégétique, quand il arrive au verset Deus omnes homines vult salvos lien, Estius rappelle que dans son livre sur es Sentences il l’a déjà expliqué « largement et avec soin : il ne donnera donc qu’un résumé. In D. Paul, Epistolas commeniani, I Tim, II, 3 ; édit. Vives, 1892. t. ii, p. 633 sq. Ce raccourci’demande souvent à s’éclairer par l’autre ouvrage, mais parfois fait mieux saisir la pensée d’EsUus, laquelle d’ailleurs n’a pas varic-sensu.lement.

3 Un produit secondaire de l’exégèse d’Estius.

ce sont les Annotatwnes in prs-cipua ac difficiliora

S Scripturæ luca. Dans la partie consacrée au 1V « 

Évangile, on trouve des explications qui défigurent

le stns du texte sacré, comme celle-ci « Jésus-Christ

n’a prie que pour ses dus, ceux qui à la foi joindront

la charité et la persévérance. » Joa., xvii. 9, 20. Et

cette autre « Le Christ n’est mort que pour le salut

de ses, 1ns, . à propos de Joa., x, 15 ; cꝟ. 28 ; mais

quarante ans après qu’Estius eut quitté la vie. cette

thèse reprise par Jansénius, fut déclarée berdique dans

la condamnation de la b proposition. Denzinger Bannwart. n. 1096. On ne peut cependant attru.uer

avec certitude une pareille idée à Estius, a cause du

genre de composition de cet ouvrage, où ses élevés

avaient une grande part, et qui fui colligé sans révision

du maître et pmJié après sa mort par l’un d eux. INlais

au XVIII’- siècle, quand le jansénisme en pleine révolte

contre Rome voulut abuser de l’autorité d’Estms

et de Sylvius, en prenant pied dans funiversité de Douai où ces maîtres avaient brillamment enseigné, une déclaration de cette université vint constater d’une part quelques regrettables erreurs de leurs ouvrages, d’autre part leur piété et leur attachement au siège apostolique, dont ils reconnaissaient hautement l’autorité et l’infaillibilité, bien loin d’intriguer contre lui ou de lui résister ouvertement, à la façon des jansénistes et des « appelants » d’alors. Voir sur tout cela Estius, t. v, col. 874, 875.

2’Sylvius († 1649), successeur immédiat d’Estius dans la chaire de théologie de Douai, produisit divers ouvrages, mais surtout un célèbre commentaire de saint Thomas. Toujours attaché au Saint-Siège, il honora les deux dernières années de sa vie par une lutte digne et ferme contre les théologiens de Louvain qui, alors déjà, tâchaient de gagner l’université de Douai au jansénisme. Cependant il est répréhensible sur la question du salut des infidèles et de la volonté que Dieu en a, question où il suit point par point, en les résumant, les idées d’Estius auquel il renvoie. — 1. U pose la question et y répond encore plus nettement peut-être : » Est-ce que l’acte expriméparces mots, vouloir le salut de tous, est en Dieu au sens propre, ou par métaphore ? » Il développe alors, plus qu’Estius, l’exemple classique en théologie : quand le commerçant menacé de naufrage se résigne à jeter à la mer, pour alléger le bateau, ses précieuses marchandises, il voudrait bien les sauver, mais il veut les jeter à l’eau. Cette seconde volonté, prédominante et définitive, que les théologiens appellent velle simpliciler, n’empêche pas la première, velle secundum quid, d’être très réelle dans l’intérieur de l’âme, sans aucun trope. Faut-il en dire autant de Dieu, quand il « veut que tous soient sauvés ? » Sylvius répond : « Il en est qui le pensent ; parce que, si l’on ne met pas en Dieu, au sens propre, cette volonté (antécédente), ce désir du salut des hommes, l’Écriture semblera contenir des paroles simulatrices, plutôt que de vraies déclarations de l’amour divin envers le genre humain… Et ils ajoutent que saint Thomas l’indique par sa comparaison : Un juste juge, dit-il, par sa volonté définitive (simpliciter) condamne à mort un homicide ; mais par une volonté antécédente (secundum quid) il voudrait lui sauver la vie. en tant qu’il le considère simplement comme un homme. ^^Sum. theol., 1°, q. xix, a. 6, ad 1°™-Toutefois, continue Sylvius, il paraît plus probable que cette volonté antécédente n’est pas en Dieu au sens propre. » Et la raison qu’il en donne, c’est qu’elle semble indigne de lui ; saint Thomas, au même endroit, ne l’appelle-t-il pas « une velléité plutôt qu’une volonté absolue ? » — Sans doute, ce n’est pas une volonté absolue ; et ce n’est pas tant volo que vellem, d’où ce mot de velleitas qui en latin n’a pas nécessairement le sens péjoratif. S’il l’a toujours dans nos langues modernes, c’est que l’usage a prévalu de le réserver, par manière de blâme, aux hommes sans caractère, qui n’ont qu’un simulacre de volonté, quand ils devraient avoir une volonté ferme et efficace. Ce n’est pas le cas du « juste juge », pour nous n tenir a l’exemple de « volonté antécédente » donné ici par saint Thomas : il tient ferme à son devoir de justice, mais cela ne l’empêche pas d’aimer vraiment ses sembla les et de leur désirer la vie à tous, même à celui qu’il juge. — Mais, objecte Sylvius, l’Écriture fait souvent des métaphores. — Oui, seulement il faut, surtout dans une question aussi grave, prouver toujours hsens métaphorique, et vous ne le prouvez pas sumsamment même enajoutantque-<Dieu est tout-puissant, et doncquenullehuerté créée nepeut l’empêcher d’accomplir ce qu’il veut. » Ce qu’il veut d’une volo<ite absolue. soitet cela suffit pour qu’il ait la toute-puissance : car il ne tient qu’à lui d’avoir une volonté semblable