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pas aux systèmes contraires une vraie probabilité.

b. Les dispositions de l’adulte à lajusti fication ne sont

pas. ou du moins ne sont pas toutes, réclamées par la nécessité inéluctable des choses, ex natiirn rei. Il peut y en avoir dont la raison a priori insinue la convenance, sans toutefois pouvoir démontrer qu’elles sont rigoureusement exigées de telle sorte, que leur absence serait une absurdité ; Dieu reste libre de.décider ce qu’il veut. En vertu de cet important principe, nous concédons à nos adversaires que l’acte de foi stricte n’est pas une disposition rigoureusement exigée a priori pour la justification par la force même des choses ; c’est Dieu qui dan_s sa liberté a voulu l’exiger absolument par sa volonté positive, non sans une grande convenance à cause de la fermeté spéciale de la foi stricte comme solide fondement de la justification. Voir col. 1768. C’est pourquoi nos preuves proprement dites sont positives, appuyées sur le donné révélé qui montre cette volonté de Dieu. Mais si nous faisons à nos adversaires cette concession raisonnable, à leur tour et en vertu du même principe, ils doivent reconnaître que ce n’est point par la nécessité des choses que l’acte de charité parfaite mène à la justification, et qui plus est, infailliblement ; de lui-même il n’aurait pas cette puissance ; mais à cause d’ime libre promesse divine, lorsque cet acte sera posé avec toutes les conditions requises, alors suivra la iustiflcation, cette merveille étonnante par laquelle Dieu ressuscite le pécheur, que seul il peut ressusciter. Une de ces conditions requises, c’est (de l’aveu même des adversaires) la surnaturalité de l’acte, produite par la grâce de Dieu ; or cette condition ne dépend pas infailliblement du pécheur : il fait de son côté ce qu’il peut pour produire l’acte de charité parfaite ; il peut y avoir convenance, mais il n’y a pas nécessité par la force des choses, ni même infaillibilité venant d’une promesse, pour que Dieu mette cette surnaturalité dans l’acte, en élevant la faculté humaine qui le produit. Le maître souverain pourra donc, usant de sa liberté, et pour que la foi stricte garde son privilège d’absolue nécessité à l'égard de la justification, refuser à ce prétendu acte de charité, fait sans la foi, la surnaturahté qui dépend de son seul pouvoir. En conséquence la justification, qui n’a jamais été promise aux actes naturels, ne suivra pas. Ou bien, si Dieu veut offrir en re moment-là à cet infidèle le moyen prochain de la justification, sa providence aura tout dispose pour qu’il ait alors, d’une façon ou d’une autre, la révélation qui lui faisait défaut, du moins la révélation des quelques vérités dont Dieu a voulu que la connaissance fût de nécessité de moyen ; il pourra faire alors l’acte de foi présupposé à l’acte de chante parfaite. Les moyens pour cela ne manquent pas à la puissante et sage Providence ;.nous en signalerons quelques-uns en expliquant les solutions les plus probables de ce dimcile problème. Voir Charité, t. il, col. 2217-2219.

IV. Solutions orthodoxes du problème.

tn établissant par des preuves très solides, fondées sur la révélation, la thèse commune de la nécessité absolue de la foi stricte pour le salut de tous les hommes, même des infidèles négatifs, nous avions conscience de nous rendre par là plus difiicile encore la solution d’un difficile problème, c’est-à-dire la réponse à cette autre question. > Comment expliquer que tous les infidèles aient à l'égard de leur salut une possibilité oéritable et pratique, en d’autres termes, que la volonté divine de les sauver tous afiirmée par saint Paul I Tim II, 4, soit pour tous sérieuse et sincère, qu’elle leur fournisse à tous, par conséquent, des moyens suffilanls pour arriver à ce grand but ? Si nous faisons appel aux données de l’expérience, si nous jetons les veux sur une carte du globe et sur les statistiques les

plus dignes de foi, nous avons la douleur de voir qu’après tant de siècles de christianisme, malgré le zèle des missionnaires, malgré l’ouverture plus fibre de frontières autrefois jalousement fermées, malgré la communication de tous les peuples entre eux, aujourd’hui bien plus rapide et plus facile, cependant il reste une multitude immense d’infidèles, très supérieurs en nombre aux chrétiens, et qui paraissent dépourvus de toute révélation vraiment divine, et par conséquent de foi stricte. Quelle possibilité de salut ont-ils donc ? » C’est bien là le problème qu’il nous reste à résoudre autant que faire se peut. On voit combien cette dernière partie de notre étude a par ellemême d’intérêt et d’importance. Sans elle, le problème du salut des infidèles reste privé de solution : car les solutions hétérodoxes, que nous avons parcourues, ne ne sont pas des solutions pour nous, soit parce que nous en avons fait voir le faible, du point de vue des sources anciennes et même de la raison et du bon sens, soit par cela seul qu’elles sont hétérodoxes et clairement condamnées par l'Église. Mais l'Église ne se presse pas de condamner et de définir ; efie laisse au mouvement des esprits assez de liberté pour la recherche scientifique et théologique, jusqu'à maturité pour une définition. De là vient que de ce problème si ardu il existe depuis longtemps, parmi les catholiques, plusieurs solutions orthodoxes et permises. Notre plan est d’aller des systèmes assez généralement regardés comme moins probables à ceux qui ont été mieux accueillis ; et de ceux qui sont incomplets, tout en donnant un bon élément de la solution complète, à ceux qui approchent davantage d’une solution compréhensive. PREMIER SYSTÈME. — C’est le système laxiste de Ripalda, Gutl.erlet. etc. Nous l’avons longuement exposé, col. 1764 à 1771 ; longuement réfuté par la thèse de la nécessité absolue de la foi stricte in re, col. 1758 sq. Il a contre lui de très fortes preuves, parmi lesquelles figurent des documents de l'Église, col. 1772 à 1798. Mais ces documents ne fournissent pas la cer/Z/iK/e d’une condamnation, surtout d’une condamnation le qualifiant d’hérésie ; voilà pourquoi nous ne l’avons pas mis parmi les solutions hétérodoxes. Nous venons de dire ce qu’on oppose à ses principaux arguments, col. 1819 sq. DEUXIÈME SYSTÈME. — Il reconnaît l’absolue nécessité de la foi stricte pour le salut, et par ce côté vaut mieux que le précédent. Mais c’est un système rigoriste trop voisin des erreurs de Baius et de Jansénius sur la grâce et la prédestination. Selon lui Dieu ne veut pas, à proprement parler, le salut de tous les adultes, ou, s’il a pour tous une sorte de volonté salviflque, du moins il n’o//re pas à chacun d’eux des moyens suffisants de justification et de salut. Si l’on presse les partisans du système en leur disant : « Le salut n’est donc pas possible aux infidèles qui restent forcément sans connaître la révélation ? » ils répondent nettement : « Non. » Solution expéditive.mais dure et spécialement déplaisante aujourd’hui. On reproche ce système à quelques auteurs catholiques ; nous citerons les plus connus, avec leurs afiirmations les plus caractérisées et la critique qu’on en fait. C’est Estius, Sylvius, quelques auteurs plus anciens et innommes, réfutés par Suarez (peut-être Grégoire de Rimini, qui n’est pas clair), enfin Gonet et un petit nombre d’autres thomistes.

1° Estius fut docteur de Louvain, haut dignitaire de l’université de Douai, théologien scolastique, mais surtout célèbre, comme exégète, par ses excellents commentaires de saint Paul. Malheureusement, comme le remarquent tous les critiques et historiens catholiques, Estius se ressent, sur la prédestination et la grâce, des erreurs de Baius et de Jean Hessels, dont il avait été le disciple à Louvain. Voir Estius, t V col 871 sq. Sa principale déviation concerne pre-