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INFIDÈLES


regimbant contre le pontife, le traiter à son tour de rigoriste rendant le salut impossible à des hommes bien excusables : aussi fait-il ici une réserve, pour ne pas avoir l’air de condaniner en bloc l’ignorance ou erreur invincible avec l’ignorance ou erreur coupable, les infidèles négatifs avec les infidèles positifs, comme l’ont fait les jansénistes après les calvinistes, et d’envoyer comme eux en enfer tous ceux qui ignorent notre religion, ou même de prétendre avec ces hérétiques que toutes les actions des infidèles sont de graves transgressions de la loi naturelle. Pie IX fait cette réserve prudente dans la phrase ci-dessus que l’on nous oppose, puis il revient à son sujet, c’est-à-dire l’attaque contre l’indifférentisme, en ces termes : « Mais ce qui est encore plus connu, c’est ce dogme : hors de l'Église catholique point de salut, en ce sens qu’ils ne peuvent être sauvés, ceux qui, avec contumace, contumaciter, rejettent l’autorité de l'Église, ses définitions, et restent séparés avec obstination, pertinaciter, de l’unité de l'Église et du successeur de Pierre, le pontife romain « à qui la garde de la vigne a été confiée parle Sauveur » (concile de Chalcédoine). Ibid. On sait que la « contumace », en style ecclésiastique, signifie le mépris de l’autorité de l'Église, la révolte contre cette autorité, ce qui suppose qu’on en connaît suffisamment les droits, et la loi qu’elle impose. Voir Contumace, t. iii, col. 1748. La pertinacia désigne une révolte pareille, mais seulement quand il s’agit des hérétiques et du péché d’hérésie, dont la pertinacia est une note caractéristique. Elle consisle à éuieLLre, sciemment et volontairement, c’est-àdire en connaissant suffisaminent l'Église comme règle de la foi, un jugement opposé à l’une de ses « définitions », que l’on connaît comme telle, et à laquelle on refuse de se soumettre. Voir Hérésie, t. vi, col. 2222. C’est l'élément essentiel par où l’hérétique proprement dit, l’hérétique formel, se distingue de l’hérétique de bonne foi ou matériel ; celui-ci ignore invinciblement ou le droit de l'Église à régler la foi, ou le fait qu’elle a défini ce qu’il nie. Ibid., col. 2220. — b. Le contexte que nous venonsd' expliquer montreune remarquaule différence entre la position de Ripalda ou de Gutberlet (dont le système vise le salut des païens) et la position du pontife dans ce document, qui s’occupe plutôt des baptisés, hérétiques ou schismaliques, sans doute parce que les évêques d’Italie, auxquels il s’adresse, n’avaient pas de païens dans leurs diocèses, et que la forme d’indifférentisme qu’il combat concernait les hérétiques, pénétrant alors en Italie. Placé sur ce terrain spécial, Pie IX avait une nouvelle raison pour omettre le problème du salut des païens, et pour taire l’aosolue nécessité de connaître et de croire le peu de vérités révélées qui sont de nécessité de moyen : car ces éléments de salut ne manquent pas aux hérétiques ou schismatiques de bonne foi, tandis qu’ils manquent, ou semblent manquer, aux païens de bonne foi ; c’est seulement à propos de ces païens, que la question de la révélation et de la foi stricte, une fois admise leur absolue nécessité, est angoissante. — c. Du reste, Pie IX, s’il ne fait pas mention expresse de l’acte de foi stricte, ne signale pas davantage l’acte de charité, ni même la justification que tous s’accordent à reconnaître comme a.jsolument nécessaires au salut des infidèles. — rf. Au surplus, on peut voir, dans le passage qu’on nous oi-jecte, non pas certes une mention expresse, mais un vague rappel de la révélation, base de la foi stricte, lorsque le pontife ajoute à « l’opération de la grâce », admise par nos adversaires comme condition de salut, celle de la « lumière divine », ce qui paraît désigner la lumière de la révélation soit extérieure soit intérieure, faisant appel à la foi, en dehors même de l'Éghse. — e. Pie IX ne peut

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

être invoqué pour le système de Ripalda, en voici une nouvelle preuve. Ce qu’il dit dans cette parenthèse que l’on objecte, il le donne comme étant une doctrine assez commune dans l'Église pour qu’il puisse la supposer connue et acceptée par les évêques d’Italie : Notum Nobis Vobisque est, eos, etc. Or ce serait tout le contraire, si cette parenthèse contenait, comme on l’a prétendu, le système de Ripalda ; ce système est opposé à la pensée commune des catholiques, c’est un fait notoire, reconnu par Ripalda lui-même. Voir col. 1767. Pie IX ne peut donc prendre l’invention d’un théologien isolé pour une doctrine commune à laquelle il suffit de renvoyer l'épiscopat italien. Enfin il est à noter que Gutberlet lui-même n’a pas osé alléguer cette encyclique en faveur de son système, analogue à celui de Ripalda. Voir Fr. Schmid, Die ausserordentlichen Heilswege, Brixen, 1899, n. 72-75, p. 68 sq.

Raisons théologiques.

La raison fondamentale que donne Ripalda, et qu’il retourne de diverses manières, s’appuie sur les points suivants : a. L’infidèle de bonne foi, connaissant par la lumière de la raison quelqu’une des perfections de Dieu propres à exciter l’amour envers lui, peut l’aimer comme l’enfant aime ses parents et à bien plus juste titre, et alors produire un acte d’amour de Dieu « pour luimême », c’est-à-dire à cause de sa perfection, et qui ne soit pas exclusivement intéressé. Ce premier point nié par quelques théologiens, est admis par d’autres, comme saint François de Sales, Traité de l’amour de Dieu, t. I, c. XV, XVI, xviii ; Œuvres, cdit. de la Visitation d’Annecy, t. IV, p. 74, 78, 84. — b. Cet acte d’amour de Dieu, poursuit Ripalda, peut être « surnaturel » subjectivement et par son entité, quoad substantiam. Car Dieu peut élever la faculté pour aimer surnaturellement un oijjet naturel, c’est-à-dire présenté par la raison, philosophique ou vulgaire, et non par la foi stricte. Ce point est très discuté ; mais on peut l’admettre. Voir col. 1765. — c. Cet amour peut en même temps être n efficace, aimant Dieu par-dessus tout, c’est-à-dire prêt à toujours lui obéir, au moins en ses commandements graves et à tout lui sacrifier, du moins par un ferme propos général et abstrait qui suffit, sans envisager au concret les répugnances particulières ; en d’autres termes, prêt à renoncer pour Dieu à tout amour humain gravement illicite, qui détruirait en nous l’amour de Dieu en nous rendant son ennemi. Que l’on puisse avoir une telle affection ou résolution sans la foi stricte in re, ce point est très discuté ; plusieurs théologiens l’admettent cependant. — Conclusion. — Un acte ayant les trois conditions ci-dessus, n'-cst-ce pas un acte de « charité parfaite » ? Et la charité parfaite n’est-elle pas liée à la justification ? Donc, dit Ripalda, « il n’est pas impossible » qu’un infidèle dans l’ignorance invincible de la révélation fasse un acte de charité parfaite et soit justifié sans la foi stricte in re, mais avec la foi stricte in voto, car son acte de charité (par le ferme propos général dont nous avons parlé) contient le vœu implicite de l’acte de foi stricte, qui est ordonné à tous par un grave commandement divin. De fide div., disp. XVII, sect. XII, n. 172-190, p. 391 sq. Sur plusieurs des détails ici indiqués, voir CHAmrÉ, t. ii, col. 2219-2225, 2236, 2251 ; Grâce, t. vi, col. 1559, 1583, et surtout 1585-1588.

Réponse. — a. Distinguons. Il n’est pas impossible d’admettre cette conclusion de Ripalda, si Von ne regarde, comme lai, que les différentes controverses énumérées par lui, et que nous venons de parcourir. Mais il est impossible de l’admettre, si l’on regarde la thèse commune de l’absolue nécessité de la foi stricte (in re), pour la justification des adultes, parce que cette thèse est tellement démontrée, qu’elle ne laisse

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