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INFIDÈLES


ne peut fournir de preuve poifr la manière dont Ripalda le résout.

b) Ri ni., II, 13-16. « Ce ne sont pas ceux qui entendent une loi (divine), qui sont justes devant Dieu ; mais ceux qui la mettent en pratique seront justifies. » Saint Paul pose ce principe à propos des juifs qui « ontpcche ayant une loi (mosaïque), et seront jugés par elle. » (ii. 12.) Il ne leur servira de rien d’avoir possédé cette Loi dont ils sont fiers, s’ils ne la pratiquent pas. 0^^17-24. Paul applique ensuite aux infidèles ce pruicipe que l’on sera jugé sur la loi que l’on connaît, répondant à cette objection tacite que ceux-ci ne connaissent pas la Loi : « Quand les gentils, qui n’ont pas de loi (divine écrite), font naturellement ce qu’ordonne la Loi, n’ayant pas de loi ils sont à eux-mêmes une loi : car ils montrent l’œuvrede la Loi (l’œuvre que le décalogue ordonne) écrite dans leurs cœurs ; leur conscience en rend témoignage, leurs pensées les accusant ou les excusant réciproquement au jour où Dieu jugera le fond caché des cœurs humains » etc., Voir Prat, ibid., p. 270-272.

De ce texte Ripalda propose quelques interprétations de détail que nous admettons absolument. D’abord, contre les pélagiens qui en abusaient pour attribuer le salut aux œuvres purement naturelles sans aucune grâce intérieure, il observe que le mot f !)cti, naturaliler, marque la naturalitè du moyen de connaître (qui est la raison humaine), sans toutefois riduire le gentil aux seules forces de la no/urc, car il n’exclut pas toute grâce qui l’aide à bien faire. Ensuite, notre théologien fait observer que les « gentils » dont parle ici l’apôtre d’après son contexte, sont bien des infidèles restant païens, et non pas des infidèles dejà convertis à la foi chrétienne, comme l’a dit à tort saint Augustin, et d’autres après lui. Ripalda cite avec raison nombre de Pères, d’exégètes et de grands théologiens qui se sont écartés ici de saint Augustin, lequel d’ailleurs n’est pas toujours affirmatif là-dessus. Il rappelle que les papes ont condamné la 22<’proposition de Baius, traitant de pélagiens ceux qui voient dans ce passage les gentils encore infidèles et non convertis. Denzinger-Bannwart, n. 1022. « Que (saint Paul) parle des païens et non des chrétiens venus de la gentilité, dit le P. Prat, cela ne souffre pas de doute et, sans les controverses pélagiennes, saint Augustin n’aurait jamais imaginé le contraire. » Ibid. Tout ceci accepté, venons à [’argument de Ripalda pour sa thèse. Saint Paul, dit-il. attribue à l’obscr ation de la loi naturelle par les païens le pouvoir de les justiper ; et il s’agit bien de la justification devant Dieu, justi apud Deum, factores legis justifirabuntur, Sr 13. Donc les païens, non seulement à l’aide d’une grâce élevante, s’ils sont de bonne foi, font des actes salutaires et surnaturels sur des objets présentés par la raison humaine, tels que la loi naturelle, mais encore ils arrivent par des actes de cet ordre à la justification devant Dieu, sans passer par la révélation proprement dite et l’acte de foi stricte. De fide, disp. XV 11, n. 75, p. 362 ; et n. 164, p. 389.

Réponse. — Cette « justification devant Dieu », que saint Paul attribue à l’observation de la loi naturelle par les païens en dehors de toute loi révélée et de toute foi stricte, n’est pas, si nous étudions son contexte, la justification intérieure et toute miséricordieuse par la grâce sanctifiante, dont s’occupent les théologiens, voir Justification, mais une justification extérieure, judiciaire, et toute de iustice, par laquelle Dieu après la mort, en son jugement soit particulier, soit général, reconnaîtra comme moralement bonnes et non dignes de peine beaucoup d’actions où les païens se sont conformés à la loi naturelle, et ne reprochera pas aux infidèles négatils leur manque de foi stricte, excuses qu’ils sont par leur ignorance invincible de la révélation.

Voir Pesch, Prælectiones, t. v, n. 139, p. 76. Et cela, soit que plus tard, à l’aide de la foi enfin obtenue, ils aient coopéré à leur justification intérieure et à leur salut ; soit que, par de graves et libres péchés contre la loi naturelle, ils aient fait obstacle aux bienfaits ultérieurs ; du reste l’apôtre ne se propose pas ici d’expliquer toutes ces différences, ni l’économie complète des moyens de salut pour les infidèles. Que saint Paul ne parle ici que d’une justification judiciaire appartenant au jugement après la mort, cela ressort de tout le contexte du chapitre, avant et’après le verset 13 en question. Voir surtout les versets 2 (le jugement de Dieu s’exerce selon la vérité contre les criminels), 3 (c’est un jugement qu’ils ne peuvent fuir), 5 (le juste jugement de Dieu sera manifesté dans le dies irœ), 6 (alors Dieu rendra à chacun selon ses œuvres), 11 (alors pas d’ « acception de personnes, ce qui est blâmable dans les juges), 12 (Dieu jugera d’après la loi, comme tout juge), 15 (il y aura accusation et défense, comme dans tout jugement), 16 (au jour du jugement. Dieu sondera les cœurs). Ce ne sera plus alors le temps de la miséricorde, mais celui de la justice ; Dieu ne donnera point, comme ici-bas, sa grâce sanctifiante au pécheur qui ne l’aura pas acquise en cette vie, mais il pèsera exactement toutes les actions et déclarera selon la justice celles qui sont passibles de peine et celles qui ne le sont pas, à la manière d’un juge dans un tribunal. Ripalda raisonne mal : de ce que saint Paul ne parle pas d’une justification décernée par l’opinion des hommes, apud homines, mais par Dieu lui-même, apud Deum, il conclut que les païens ayant observé ce qu’ils connaissent de la loi naturelle sont, avec la grâce élevante qu’il leur suppose, intérieurement justifiés sans la révélation par certains actes surnaturels. Mais les mots qu’emploie l’apôlie, apud Deum, sont en eux-mêmes susceptibles de deux sens bien différents : celui de la justification intérieure que Dieu, sous des conditions à déterminer, produit dans l’âme du pécheur en cette vie, et celui de la justification extérieure et « forensique », comme disent les protestants dans leur controverse avec nous ; c’est bien la seconde qui se produira après la mort au tribunal de Dieu, et le contexte de l’apôtre montre évidemment qu’il en parle. Ripalda est tombé ici dans l’excès de quelques théologiens catholiques, qui trop facilement, quand ils lisent dans l’Écriture les mots justi fuatio, iustifirari a Deo, entendent la justification intérieure et, par une réaction immodérée contre l’erreur protestante, n’aiment pas à reconnaître la justification forensique où elle est, parce que les protestants allant à l’autre extrémité en voient })arlout, ennemis qu’ils sont de la justification intérieure et de la grâce sanctifiante.

Tradition.

1. Les Pères.

a. Ceux que l’on allègue surtout, c’est saint Justin, c’est Clément d’Alexandrie, suivi de son disciple Origène. avec leurs théories du Logos, du salul des grecs par la philosophie, etc. — Réponse. — En invoquant ces mêmes F’ères en faveur de notre thèse, nous avons longuement expliqué déjà les passages et théories que l’on nous objecte ; et d’autres anciens Pères ont été passés en revue à cette occasion. Voir col. 1805 -sq.

b. On objecte saint Jean Chrysostome, en un long passage où il s’est proposé de réfuter « les dires de quelques-uns » sur l’évangélisation aux enfers. Homil. in Matlbwum, homil. xxxvi, n. 2, P. G., t. Lvir, col. 415 sq. « Vous voulez donc, leur dit-il, que le Christ, si l’on n’admet pas cette évangélisation. suivie de conversions à la foi chrétienne, ait traité injustement ceux qui avaient vécu avant son avènement ? Non, puisque ciux-cl avaient eu sur terre la possibilité de se sauver, même sans reconnaître et confesser le Christ par un acte de foi explicite en lui. Car alors on ne leur deraan-