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INFIDELES


Ésaû et toutes les nations qui ignoraient le Dieu des juifs ; il y a laisse Abel, Hénoch, Noé, Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, David et Salomon… Leur crime est d’avoir reconnu le dieu des juifs, fabricaleur du monde, et d’avoir suivi ses lois, au lieu de se vouer au Dieu invisible. » Conl.ha ; r., . lIl, c.XLn, n.4, P. G., t. vii, col. 700. Dans sa Démonslralion de la prédication apostolique, n. 78, trad. latine de S. Weber, Fribourg-en-Brisgau, 1917, p. 103, saint Ircnce, citant un texte apocryphe de Jcrcmie, que saint Justin a cité aussi, Di(d. cum Tnjph., n. 72, P. G., t. vi, col. 644 sq., restreint aux seuls saints Israélites la rédemption des morts, que devait produire la descente du Sauveur aux enfers.

2. S<7 pensée sur la nécessité de la foi. — a) Après avoit dit que « l’olivier sauvage n’est pas reçu dans le paradis de Dieu », Irénée développe ainsi la comparaison : (I Comme un olivier sauvage, si on le griffe, ne perd pas l’essence de son bois, mais seulement change la qualité de ses fruits, et prend le nom d’olivier fructifère, ainsi l’homme greffé par la foi, et recevant l’Esprit de Dieu, ne perd pas la substance de sa chair, mais change la qualité de ses œuvres, et reçoit un autre nom, qui signifie la précieuse transformation opérée en lui : on ne l’apprlle plus chair et sang, mais homme spirituel. Et d’autre part, comme un olivier sauvage, s’il n’est pas greffé, demeure inutile à son maître, et par suite est coupé et jeté au feu, ainsi l’homme qui ne prend point par la foi la greffe spirituelle continue d’être ce qu’il était ; chair et sang, il ne peut posséder l’héritage du royaume de Dieu. » Cont. hær., t. V, c. x. P. G., t. vii, col. 1148. Tout concourt ici à montrer la nécessité (absolue de la foi pour la justification et le salut : la mention expresse de la foi comme cause nécessaire de la greffe spirituelle, la nature même de la comparaison employée, où il n’y a pas ([’exception possible, enfin le caractère universel et absolu de l’affirmation.

b) Par le mot » foi » saint Irénée entend-il la foi stricte, basée sur la révélation positive, telle qu’une promesse divine ? Nous le voyons plus clairement par cet autre passage où, après avoir cité Gal., iii, 5 sq., il dit qu’Abraham a été appelé par l’apôtre non seulement prophète de la foi, mais « père des croyants »…, parce que sa foi et la nôtre sont une seule et même foi : il a cru à des événements à venir comme s’ils étaient déjà accomplis, à cause de la promesse de Dieu ; et il en est de même quand nous contemplons par la foi le royaume qui est notre héritage. « Op. cit., t. IV, c. XXI, col. 1044.

Les limites de cet article nous contraignent à arrêter ici notre travail sur les Pères, comme nous l’avons dit en le commençant. *

F. RÉPONSE AUX OBJECTIONS. — C’est le complément nécessaire de nos preuves. Les objections, comme on le sait, sont de deux espèces. Les unes s’attaquent aux preuves d’une thèse, veulent montrer qu’elle n’est pas prouvée ; besogne négative ; à celles-là nous avons largement répondu. Les autres, qui nous restent à voir pour la plupart, sont les arguments de l’adversaire en faveur de la thèse contradictoire ; à celles-ci nous allons répondre, prenant la besogne négative à notre tour. L’adversaire allègue la sainte Écriture, la tradition, la raison théologique.

1’É’riture.— a) Rom., i, ISsq. Ripalda argumente ainsi : D’après saint Paul, les philosophes et les païens sont inexcusables. Or nous expliquons bien ce mot en remarquant que Dieu se manifeste à eux non seulement par leur raison naturelle, mais encore par une lumière surnaturelle infuse, qui les rend capables d’atteindre la justification et le salut. C’est tout ce que nous demandons. Rappelons que dans son système, voir col. 1764. Ripalda exige absolument chez les

infidèles une lumière surnaturelle subjective, c’est-à-dire Vélévation intérieure de la faculté naturelle par la grâce, voilà dans quel sens il parle ici de « lumière infuse, mais non pas une lumière surnaturelle objective, c’est-à-dire la révélation proprement dite, objet de la foi stricte qu’il ne leur juge pas absolument nécessaire. De fide, disp. XVII, n. 70, édit. Vives, t. VIT, p. 361 ; et n. 164, p. 389. — Réponse. — La mineure du syllogisme, au lieu de suivre fidèlement le texte de saint Paul, l’arrange à sa façon. En réa-’vj lité, d’après l’apôtre, pourquoi les païens sont-ils inex-’ensables ? — Parce que a. Dieu leur avait manifesté très visiblement, par le spectacle de l’univers créé, tel qu’il apparaît à la raison, quelques-uns de ses attributs, Rom.. I, 19, 20 ; c’est en citant ce dernier verset que le concile du Vatican a défini que n la lumière naturelle de la raison peut connaître Dieu avec certitude » Denzingcr-Bannwart, n. 1785 ; cf. n. 1806. Parce que b. ayant par la raison une connaissance (confuse) de Dieu, cum cognovissent Deum, ils n’ont pas cherché une connaissance meilleure, et ne l’ont pas II glorifié comme Dieu, ni remercié de ses bienfaits, mais ont déraisonne et obscurci leur cœur, » ; ^21. Parce que c. ils ont accepté, contre la raison elle-même, une grossière idolâtrie, t 22, 23. Enfin d. parce qu’ils se sont dès lors abandonnés à leurs passions et jetés dans les crimes contre la loi naturelle, t 24-31, et que, « connaissant très bien le jugement de Dieu, à savoir, que ceux qui commettent ces crimes sont dignes de mort, non seulement ils les font, mais encore ils approuvent ceux qui les font, » f 32, imparfaitement traduit dans la Vulgate. Voir F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, t. i, p. 266-268. Mais où trouve-t-on, dans le texte, que les infidèles soient « inexcusables » parce qu’ils ont une « lumière infuse » consistant dans une élévation de leur faculté ? Et quand même on accorderait à Ripalda cette élévation qu’il imagine chez eux, longtemps avant toute connaissance de la révélation, ce n’est pas cette grâce élevante qui pourrait les rendre « inexcusables » dans leurs actes mauvais, paixe que de sa nature elle ne tombe pas sous la conscience, et qu’ils ne peuvent savoir qu’ils l’ont, ni pécher en ce qu’ils ne l’ont pas. Si Ripalda veut dire que, lors même qu’ils ne la reconnaissent pas comme telle, cette grâce élevante change leur connaissance naturelle de Dieu et leur vœu implicite de la foi en actes surnaturels par lesquels ils obtiennent la justification et le salut, et que saint Paul dit qu’ils sont inexcusables de ne pas se sauver, puisqu’ils en ont le moyen facile, alors nous répondons : ce n’est pas dans ce sens que l’apôtre prend le mot " inexcusable ». Voyons, en elTet, le contexte. Il traite de la « colère de Dieu » qui punira « l’impiété et l’injustice de ces hommes qui retiennent la vérité captive » : si la colère divine les frappe, « ils n’auront pas d’excuse « inexcusabiles, f 18-20. Saint Paul ne se propose pas de résoudre, du moins ici, notre problème, si compliqué, ni d’expliquer les moyens de salut qui sont offerts aux infidèles de bonne foi et la marche de leur conversion. Ripalda veut s’appuyer sur les versets 14-17, où l’apôtre dit qu’il est débiteur de la prédication de l’Évangile aux gens de toute race, et que l’Évangile est une force divine pour le salut de tous ceux qui le croient. Nous répondons que l’Évangile, comme chacun sait, est une révélation proprement dite, objet de foi stricte ; où l’adversaire voit-il dans saint Paul, qu’on peut en dire autant d’une révélation improprement dite, et d’une foi large ? Enfin quelques Pères, dont Ripalda cherche à s’étayer, proclament à propos de ce texte le principe certain, mais vague, que les moyens de salut ne manquent à personne ; nous devrons expliquer comment, c’est notre problème ; mais saint Paul ici ne l’aborde pas, et donc