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INFIDÈLES

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(iSTavotaç : à ceux qui étaient dans l’Hadès il fut donne par miséricorde. » C’est dire, à l’cnconlrc de Clément et d’Origène, qu’il n’y a en l’autre vie ni pénitence, ni conversion, ni justification, pour faire passer au ciel ceux qui se sont perdus en ce monde. Cette amnistie dans l’Hadès, dont parle Épiphane, doit donc s’entendre pour des fautes légères, comme l’indique son mot grec CTcpdcX ! J.aTa. l^lusieurs des anciens justes avaient à leur mort des fautes vénielles non pardonnées en ce monde, et des peines temporelles a subir ; 1' « Hadès » était le séjour de tous les morts avant la passion du Christ, et comprenait diverses catégories d'âmes séparées les unes des autres. Voir Enfer, t. v, col. 29. Il devait donc renfermer un purgatoire, ont conclu les théologiens. Que l'âme du Sauveur soit elle-même descendue ou non dans ce purgatoire, elle pouvait également y délivrer des âmes par sa pure miséricorde ; et telle doit être 1' « amnistie «  des « fautes légères » dont parle Épiphane. Quand même ce Père entendrait une libération générale de toutes ces âmes du purgatoire, il n’y aurait pas grand inconvénient : c'était une occasion exceptionnelle et unique, qui ne tirait pas à conséquence, le Christ, venant apporter aux âmes justes la vision de Dieu et les emmener dans son royaume, pouvait sans inconvénient faire un don de joyeux avènement, une indulgence plénière, à toutes celles que le purgatoire obligeait encore ; aussi quelques scolastiques l’ont admis, et après eux le vénérable Louis du Pont. Cependant les théologiens, en général, préfèrent limiter cette gracieuse concession à des âmes d'élite, à la suite de saint Thomas interprétant saint Augustin. Sum. theol., III*, q. LU, a. 8, ad lum Voir Stentrup, op. cit., thèse LI, p. 678 sq. ; Descente aux enfers, t. iv, col. 615-617. — b) Saint Athanase a été faussement cité en faveur de l’hypotlièse origéniste : il ne fait que redire le texte de la P^ Épître de saint Pierre, iii, 19, sans autre explication. Ad Epictetum, n. 5, 6, P. G., t. xxvi, col. 1060. — c) Saint Cyrille de Jérusalem ne parle point de prédication aux infidèles ni de conversion dans l’Hadès, mais seulement de la délivrance des justes par le Christ, et de son triomphe sur la mort et les démons, ces « portiers des enfers » frappés d'épouvante. Cat., XIV, n. 19, P. G., t. xxxiii, col. 848-819. Cf. Capéran, op. cit., p. 84. — d) Saint Jean Chrysostome rejette positivement l’hypothèse alexandrine. « Quand on affirme, dit-il, que le Christ a brisé les portes de l’enfer…, cela signifie qu’il a détruit la puissance de la mort, et non pas qu’il ait remis leurs péchés à ceux qui étaient morts avant sa venue. » In Matth., hom. xxxvi, n. 3, P. G., t. lvii, col. 416. Il énonce la principale raison de rejeter les conversions posthumes. « La vie présente, dit-il, est le temps de mettre ordre a ses affaires, après la mort, il n’y a plus que le jugement, et la punition. » Ibid., Cf. Capéran, p. 85. Du reste nous retrouverons Chrysostome, quand nous signalerons la meilleure solution du problème du salut des infidèles, qui l’a beaucoup préoccupé. — e) En Occident, l’hypothèse de la conversion da is l’Hadès est plus sévèrement jugée qu’en Orient. Au ive siècle, saint Philaslre, évêque de Brescia, regarde comme une hérésie de dire « que le Seigneur, descendu aux enfers, y a prêché à tous pour obtenir d’eux une confession (de foi, ou de leurs péchés ?) et les sauver. » Hæres., P. L., t. xii, col. 1250. — / ; Saint Augustin, après avoir hésité dans des ouvrages précédents, voir Augustin, t. i, col. 2451 ; cf. Capéran, op. cit., p. 106-110, écrit vers la fin de sa vie : « Une autre (hérésie) dit qu'à la descente du Christ aux enfers les incrédules ont cru, et les regarde tous comme délivrés. » De haresibus, P. L., t. xui, col. 45. — g) Saint Grégoire le Grand, écrivant à deux membres du clergé de Constantinople, qui dans un séjour à Rome avaient

soutenu le salut de tous dans l’Hadès, moyennant la confession de foi au Christ-Dieu, leur cite Philastre et Augustin, et ajoute : « Ne tenez que ce qu’enseigne la vraie Joi par YÉglise catholique, c’est-à-dire que le Seigneur, descendu aux enfers, a délivré de prison ceux-là seuls qui, vivant encore dans leur chair, avaient été conservés par sa grâce dans la foi et les bonnes œuvres. » Episl., t. VII, epist. xv, P. L., t. lxxvii, col. 870. Cf. Homil. in Evangelia, 1. H » hom. xxii, n. 6, P. L., t. Lxxvi, col. 1177. Voir Descente aux enfers, t. IV, col. 599, 602. — h) Saint Bède le Vénérable dit aussi : « Il est de foi catholique qu'à la descente du Christ aux enfers ce ne sont pas des incrédules qu’il est venu convertir, mais seulement ses fidèles qu’il a retirés et conduits au royaume céleste. » P. L., t. xciii, col. 59.

Saint Irénée.

Chronologiquement, nous aurions dû le faire passer avant Origène, mais nous n’avons pas voulu diviser les deux alexandrins, premiers tenants de l’hypothèse d’une conversion aux enfers.

1. Peut-on lui attribuer cette hypothèse ? — Non. On a objecté un passage où Irénée rapporte ce que lui avait dit un presbytre qui avait recueilli l’enseignement des disciples immédiats des apôtres : « que le Seigneur est descendu dans les lieux souterrains pour annoncer, là aussi, la bonne nouvelle de son avènement ; car il existe une rémission des péchés pour ceux qui croient en lui. Ont cru en lui tous ceux qui espéraient en lui, c’est-à-dire qui ont prédit son avènement et servi ses desseins, les justes, les prophètes et les patriarches ; il leur a remis les péchés comme à nous ; il ne faut donc pas les leur imputer, ce serait mépriser la grâce de Dieu. » Cont. hær., t. IV, c. xxvii, n. 2, P. G., t. vii, col. 1058. La « rémission des péchés » mentionnée ici par l'évêque de Lyon est celle qui a lieu sur la terre, non pas dans l’Hadès. En effet, comme on le voit par tout le contexte, Irénée réfute les gnostiques, ennemis de l’Ancien Testament, de ses Écritures, de ses saints, et surtout de son Dieu, qu’ils disaient différent du Dieu du Nouveau Testament. Tantôt ils reprochaient au Dieu de la Bible d’y avoir fait enregistrer tant de crimes sans les blâmer, tantôt ils reprochaient à des prophètes et à des justes, par exemple David, leurs péchés comme s’ils ne leur avaient pas été pardonnes. Irénée leur prouve que le Dieu de la Bible n’est pas distinct de celui de l'Évangile, comme le prouvent les livres mêmes du Nouveau Testament admis par eux ; que Dieu a pardonné à David, et le lui a fait savoir par son prophète Nathan (il s’agit donc bien pour Irénée de la rémission des péchés en cette vie) ; que Dieu a suffisamment blâmé les crimes des juifs et les a fait écrire dans la Bible pour notre instruction ; que nous ne devons pas reproche » aux saints leurs péchés pardonnes, de même qu’ils ne nous reprochent pas les nôtres, une fois ell’acés ; que le Christ, dont se réclament les gnostiques, est venu sauver tous les hommes, môme ces anciens juifs qu’ils détestent ; que comme le premier homme a exercé son influence fatale sur toutes les générations suivantes, ainsi le Christ, bien que venu dans les derniers temps, a purifié et vivifié par anticipation tous ceux qui depuis le commencement du monde ont réuni pour cela les conditions nécessaires, cf. ibtd., c. xxii, col. 1046, 1047 ; cequ’ilafait voir notamment quand il est descendu dans l’Hadès, pour y annoncer la bonne nouvelle de son avènement et de la délivrance. Par tout ce contexte, nous comprenons le passage objecté, et nous voyons que l’hypothèse alexandrine n’y est pas afilrmée ; nous comprenons aussi pourquoi le gnostique Marcion, ennemi du Dieu de l’Ancien Testament, et par là même ami de tous ses ennemis, est allé jusqu'à dire, au témoignage de saint Irénée : « Le Seigneur est descendu dans 'Hadès pour sauver Caïn, Coré, Dathan et Abiron,