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INFIDÈLES


mieux vécu, et qui se repentent de leurs fautes, bien que ce repentir n’ait lieu que dans l’autre monde. » Jbid., col. 268. — b) Parle-t-il des païens ? — Ses paroles, que nous venons de citer, le disent clairement, et ne perdent rien de leur clarté, quand il hésite ensuite sur ce point secondaire, si peut-être le Christ n’a évangélisé en personne que les âmes juives, réservant les autres pour ses apôtres, qui à leur tour descendraient dans l’Hadès et achèveraient son œuvre : tout cela à cause d’un passage du Pasteur d’Hermas, d’ailleurs ambigu, et sans^ véritable autorité, sur lequel il veut appuyer sa thèse. Sur ce passage voir Descente de JÉSUS AUX ENFERS, t. IV, col. 579. — cj Inefficacité des preuves accumulées par Clément. Son argument capital est un passage (reconnu par tous les interprètes comme très obscur) de la première Épître de saint Pierre, III, 19. Dans cette « bonne parole » apportée par le Christ aux esprits détenus en prison. Clément voit une prédication de missionnaire, destinée à donner à certaines âmes la foi qu’elles n’auraient pas eue encore. Loc. cit. Mais on peut très bien n’y voir que la bonne nouvelle de leur prochaine entrée au ciel, apportée par le Christ aux justes. La « proclamation » de leur délivrance trouve son expression très propre dans le mot èxYjpu^e, que notre Vulgate traduit par prædicavit. Sur ce texte de saint Pierre, voir Descente DE JÉSUS AUX enfers, col. 590-592. "Voir un commentaire encore plus détaillé et discutant spécialement l’interprétation de Clément dans Stentrup, Pnelectiones de Verbo incarnato, part. II, Suteriologia, Inspruck, 1889, t. i, p. 606-622. Enfin les raisons théologiques où Clément s’attarde avec complaisance ne sont pas efficaces. Il part de principes généraux admis par tous les catholiques, mais qui sont aussi bien sauvegardés par d’autres solutions dont nous aurons à parler, que par celle qu’il préconise. La justice de Dieu, dit-il, doit mettre une différence entre bons et méchants, et ne peut les envelopper tous dans une même condamnation. Strom., VI, c. vi, col. 268. Sans doute ! Mais cela ne prouve pas qu’une conversion ait dû se faire dans les enfers ; il y a d’autres manières de vérifier ce grand principe. Nous en dirons autant de ces autres principes invoqués, que Dieu n’est pas le Dieu des seuls juifs, mais de tous les hommes, et que le Christ est assez puissant pour les sauver tous, ibid., col. 269 ; que l’ignorance de la révélation excuse le défaut de foi ; que Dieu a donné à tous des moyens de salut, même avant le Christ, col. 272 ; que la Providence s'étend à tous, et n’exclut aucune race, col. 273. — d) Inconvénients de cette hypothèse. — D’abord, ce n’est pas une solution adéquate du problème du salut des infidèles. « Elle ne s’applique, observe Freppel, qu’aux païens morts avant l’incarnation. Mais que penser de ceux qui ont vécu depuis cette époque-là, et qui se sont trouvés dans l’impossibilité de connaître l'Évangile ? Faudra-til que le Sauveur descende de nouveau dans les enfers pour y prêcher la foi ? » Clément d’Alexandrie, p. 172. Mais surtout son hypothèse a contre elle cette grande doctrine scripturaire et patristique, que l'épreuve du libre arbitre s’arrête à la mort ; que dans l’autre vie on ne peut par son repentir faire son salut, en acquérant la justice surnaturelle dont on aurait été dépourvu au moment de la mort ; que ceux-là seuls sont sauvés, qui meurent en état de grâce ; que le dernier instant de cette vie temporelle est d’une suprême importance, et décisif pour notre éternité. Voir Mort, Persévérance FINALE.

Malgré tout, cette théorie de Clément a l’avantage

de nous révéler à fond sa pensée sur la nécessité de l’acte

de foi stricte, fondé sur la révélation positive. Il est

si persuadé du caractère absolu de cette nécessité,

que, plutôt que d*y admettre des exceptions, quand il

s’agit de concilier cette nécessité avec un autre principe vrai qui lui est cher, à savoirla sérieuse volonté qu’a Dieu de sauver tous les hommes, il ne craint pas de recourir à un biais singulier et difficile à défendre, faute de trouver mieux. Pour occuper dans les limbes, comme il l’a fait, l'âme du Christ lui-même, ou les âmes de ses apôtres, à obtenir des païens honnêtes un acte de foi stricte qu’innocemment ils n’avaient jamais pu faire, il fallait être bien convaincu de l’absolue nécessité de cet acte ; sans cette conviction profonde, une hypothèse beaucoup plus simple l’eût emporté, celle d’admettre des exceptions à cette nécessité dans les cas d’ignorance invincible.

Origène.

1.7/ affirme la nécessité de la foi stricte. — « L’apôtre, dit-il, déclare que la promesse (du salut) n’est pas faite à ceux qui s’inspirent seulement de la loi naturelle, mais à ceux qui auront ajouté à la loi naturelle cette foi qu’a eue Abraham notre père. Il n’a pas en vue deux groupements d’hommes, l’un selon la foi, l’autre selon la loi, mais un seul groupe qui plaise à Dieu non seulement par la loi naturelle à l’usage de tous les hommes, mais encore par la foi dont Abraham a été le modèle : afin de faire voir que, lorsqu’on aurait pour soi tout ce qu’enseigne la loi naturelle sans être accusé en rien par sa conscience, si pourtant l’on n’a pas la grâce de la foi, on ne peut être justifié. » In Rom., t. IV, n. 5, P. G., t. xiv, col. 976, 977. Il s’agit bien a) de l’acte de foi stricte, comme celui que fit Abraham quand il crut à la révélation, à la promesse divine, et b) des païens eux-mêmes. « Même parmi les païens, dit-il ailleurs, quelques-uns ont cultivé les vertus de l'âme, et la philosophie a eu chez eux quelques bons résultats ; mais Dieu ne veut pas que cela lui soit offert en prémices. Quels sont ceux dont il veut recevoir les bonnes œuvres ? Ceux dont l'âme voit Dieu, et qui lui ont été consacrés par la foi. » In Num., hom. xi, n. 7, P. G., t. xii, col. 652.

2. Sa pensée sur l'éuangélisation aux enfers. — Il était naturel qu' Origène empruntât à Clément son maître l’idée de la conversion des païens à la foi par la descente du Christ ; d’autant plus que, par l’effet d’autres influences, surtout par suite de l’idée platonicienne de la préexistence des âmes, Origène est allé bien plus loin que son maître dans les rêveries d'épreuves successives et de conversions après la mort. Contre Celse, il affirme nettement des conversions dans l’Hadès : « L'âme du Christ, dit-il, une fois séparée de son corps, a conversé avec les âmes également séparées, convertissant à soi celles qui en avaient le désir, ou celles qu’en vertu de sa propre science il voyait mieux disposées. » Cont. Celsum, t. II,

n. 43, P. G., t. XI, col. 865. Voir Descente aux M ENFERS, col. 580. ^

3. Son influence pour répandre l’hypothèse des conversions dans l’Hadès. — Sur ce point comme sur quelques autres questions connexes, le grand ne m d’Origène, qui n'était pas encore condamné par l'Église, a influencé quelques docteurs du ive siècle, surtout en Orient. Mais certains protestants modernes, tout à fait origénistes, augmentent indûment le nombre de ces Pères ou docteurs. — a) Saint Épiphane, par exemple, est revendiqué par eux pour une phrase plutôt obscure en sa brièveté : « Le Christ est venu pour (Adam) et tous ses descendants ; aux anciens qui l’avaient reconnu et ne s'étaient pas éloignés de sa divinité, mais qui, pour quelques fautes, étaient détenu.s^ dans l’Hadès, il est venu donner la grâce de l’amnistie. » Hær., XLVi, c. iv, P. G., t. xli, col. 844. Or ces protestants origénistes entendent qu’il a retiré même les plus scélérats, tandis qu'Épiphane ne parle que des âmes religieuses et justes, d’autant plus qu’il ajoute aussitôt : « A ceux qui sont en ce monde, (le pardon est donné) à cause de leur pénitence, de leur conversion.