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INFIDÈLES


Loc. cit. « La vérité donnée par la foi, ajoute-t-il, est nécessaire à la vie de l’âme comme le pain à la vie du corps ; la préparation philosophique n’est qu’un assaisonnement et une friandise. » Ibid., col. 817.

d) Mais n’a-t-il pas dit : « De même que Dieu a voulu sauver les juifs en leur donnant des prophètes, de même il a distingué du vulgaire les plus vertueux des grecs, los constituant prophètes dans leur propre langue, suivant qu’ils étaient capables de participer au bienfait céleste. » Strom., VI, c. v, P. G., t. ix, col. 261, 264. Le parallélisme peut-il être plus complet ? Dans sa pensée la philosophie sauve donc aussi bien que la révélation. — Béponse. — Clément ne parle pas dans cette phrase de la philosophie seulement, ni même principalement. Il cite comme exemples « la Sibylle et Hystaspe », c’est-à-dire non pas des philosophes, mais des païens qui auraient reçu de véritables révdations surnaturelles et immédiates comme les prophètes juifs, des révélations que les philosophes pouvaient connaître et qui pouvaient servir de base à la foi stricte, que notre apologiste suppose donc, loin de l’exclure. Sans doute il se fie trop, comme l’avait déjà fait saint Justin avant lui, soit aux alfirmalions des juifs hellénistes d’Alexandrie, soit à des écrils apocryphes comme la » Prédication de saint Pierre. Mais ce que nous avons à examiner ici, c’est sa prétendue négation de la nécessité de la foi, et pas autre chose. Par l’autorité des mêmes juifs d’Alexandrie il est également convaincu, comme Justin, que les philosophes grecs ont fait de nombreux emprunts à la Bible ; Aristobule et Philon sont cités par lui, Strom., I, c. XV, P. G., t. VIII, col. 781 ; c. xxii, col. 893 ; V, c. XIV, t. IX, col. 145. Avec plus de vérité historique, il observe que les grands philosophes grecs, quand il s’agit des choses divines, ne s’appuyaient pas seulement sur la raison, mais parfois sur d’anciennes traditions ; il cite un passage où Platon dit que Dieu, « comme l’atteste la parole antique », contient le principe, le milieu et la fin de toutes choses, Strom., II, c. xxi, t. viii, col. 1081. Cette « parole antique » citée par Platon, c’est pour Clément quelque passage de la Bible. Voir Freppel, Clément d’Alexandrie, p. 146148.

3. Textes et idées de Clément pour la nécessité absolue de la loi stricte. — a^ Il affirme cette nécessité, et l’insuffisance de la philosophie pour le salut : « Le Seigneur a dit : Je suis la porte par où entrent les brebis. Joa., X, 7. Il faut donc avoir appris la vérité par l’intermédiaire du Christ pour être sauvé, quand même on aurait déjà la philosophie. Car ce qui était inconnu aux générations précédentes vient d’être révélé aux enfants des hommes. » Strom., V, c. xiii, P. G., t. ix, col. 128. Il s’agit clairement ici de la foi stricte, fondée sur la révélation positive et surnaturelle. Les derniers mots, il est vrai, semblent restreindre la portée du texte aux temps qui suivent la venue du Christ. Mais un autre texte, qui envisage directement les temps antérieurs, vient compléter celui-là : « Abraham n’a pas été justifié par les œuvres, mais parla foi. » Rom., iv ; Gal., m. n Inutile donc aux philosophes grecs d’avoir eu ici-bas les bonnes œuvres, s’ils n’ont eu la foi. C’est pourquoi les Écritures furent traduites en grec, pour qu’ils n’eussent pas même le prétexte de leur ignorance, étant à même de connaître nos Livres saints s’ils le voulaient. » Strom., I, c. vii, P. G., t. viii, col. 733. — b) Pour expliquer la nature de la foi, Clément cite Heb., xi, 1 ; pour expliquer sa nécessité, Heb., XI, 6. Or, le sens de ce passage est clairement en faveur de la nécessité ; bsolue de la foi stricte. Voir col. 1798 sq. — c) Une théorie singulière de Clément sur le salut des infidèles avant le Christ révèle aussi le fond de sa pensée, qui est que la foi stricte a toujours été d’une absolue nécessité de moyen. Il rap pelle d’abord que o à ceux qui étaient justes selon la philosophie il fallait encore non seulement la foi au Seigneur, mais aussi le rejet de l’idolâtrie. » Strom., VI, c. vi, P. G., t. ix, col. 265. Les « justes selon la philosophie » sont ceux qui conforment leur vie à la règle de la raison et de la loi naturelle. Mais comment ces âmes droites et exerçant des vertus naturelles, pouvaient-elles parvenir à ce qui leur manquait encore ? C’est le nœud de la difficulté. Notre apologiste en a déjà indiqué une solution au moins partielle, pour ceux des anciens qui, au sein du paganisme, ont pu connaître la révélation proprement dite, ou primitive ou mosaïque, pour ceux encore qui’ont reçu une révélation immédiate : ils ont pu faire ainsi, avec le secours de la grâce, un acte de foi stricte, fondement de leur justification. Mais si large que soit la part faite par lui à ces moyens providentiels de distribuer la vraie révélation dans le monde païen. Clément ne paraît pas pleinement satisfait de la solution. C’est alors que dans une conviction profonde de la nécessité de la foi stricte, notre apologiste a recours à une hypothèse célèbre, que nous devons exposer avec quelque développement

4. Son hypotlièse d’une conversion à la foi par J’évangélisation aux enfers. — L’âme du Christ, après la mort sur la croix, est descendue « aux enfers. Sur les fondements de ce dogme chrétien, voir Descente de JÉSUS AUX ENFERS, t. IV, col. 567 S ]. Sur le sns traditionnel de ce dogme défiguré par les protestants, défendu contre eux dans son vrai sens par Bellarmin, Suarez et Petau, voir ibid., col. 582 sq. Citons aussi une étude de théologie positive plus voisine de notre temps, celle que Mamachi, O. P., se proposait d’ajouter en appendice à son livre célèbre sur les antiquités chrétiennes et que, vu l’abondance des matières, il a publiée séparément en deux volumes. De animabus justorum ante Cfiristi mortem expertibus visionis Dei, Rome, 1766. D’après la doctrine traditionnelle, la descente du Christ a eu pour eft’et principal la délivrance des âmes justes de la prison où elles étaient renfermées jusqu’à l’accomplissement de la rédemption ; par une suite du premier péché, elles devaient attendre jusque-là pour recevoir leur récompense, la vision de Dieu, et entrer au ciel avec leur libérateur. Mais la descente de Jésus aux enfers n’a-t-elle pas produit d’autres effets, et sur des âmes en moins bon état ? Ici nous entrons sur un terrain plus discuté, où les Pères n’ont pas toujours été d’accord. Clément d’Alexandrie a le premier soutenu ex professa qu’une conversion a été produite dans l’Hadès par la parole du Christ. Il importe de préciser sa pensée, et d’en examiner la valeur. Strom., VI, c. vi, P. G., t. ix, col. 265 sq. — a) Clément admet-il ce qu’aujourd’hui certains protestants lui prêtent pour étaycr de son autorité leur propre théorie sur le salut universel et la restauration finale des damnés : à savoir, que le Christ aux enfers ait converti tous les damnés ? Nullement. Il est même très douteux qu’il parle de la conversion d’un scélérat quelconque. Lui-même, en effet, prend soin d’expliquer qu’il n’a en vue que les meilleurs observateurs de la loi naturelle, ceux auxquels il n’avait manqué sur terre que la grâce de la révélation positive pour obtenir d’eux la foi et le repentir : « A ceux qui étaient justes selon la pliilosophie, il fallait encore la foi au Seigneur, avec le rejet de l’idolâtrie. De tels hommes, dès que la vérité leur a été révélée, regrettent leur passé. C’est pourquoi le Christ a évangélisé aussi ceux qui étaient dans l’Hadès. » Loc. cit. Cette liaison : d c’est pourquoi », et ces paroles qui servent d’introduction à la thèse de la conversion dans l’Hadès, font assez voir quelle sorte d’âmes, d’après lui, en bénéficie. Et plus loin, il les désigne ainsi : " ceux qui ont plus excellé dans la justice et