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INFIDÈLES


saire au salut, Clément fait assez voir qu’alors il ne se contente pas d’une foi large, mais exige une foi sirictr ayant pour motif la révélation proprement dite, le tOmoignag ? divin. Voir Clément d’Alexandrie, t. iii, col. 189 ; Foi, t. vi.col. 110, 114. Cf. Le Nourry, Dissertiitiones in Clementem Alexandr., diss. II, c. xi, 2, F. G., t. IX, col. 1184 sq. ; Schwane, Histoire des dogmes, trad. franc., Paris, 1903, t. i, § 17, p. 13C sq. ; Liese, op. cit., n. 110. p. 103 sq.

b) Qu’il y ait une part d’exagération dans les éloges et le rôle que donne à la philosophie aniique cet érudit, si versé dans la philosophie et la littérature des Grecs, soit ; mais il est juste de faire à sa décharge les remarques suivantes. — a. Clément met à ses éloges des restrictions trop souvent oubliées. « Nous n’accuptons pas en bloc tous les philosophes, dit-il, mais seulement ce petit nombre d'élus… dont parle Socrate dans Platon…, ceux, dit Socrate, qui ont une philosophie saine et droite. » Strom., I, c. xix, P. G., t, viii, col. 808. Même parmi ces élus, Clément fait encor.' un choix de doctrines. « Quand je parle de la philosophie, dit-il, je n’entends pas celle des stoïciens, ni celle de Platon, ou d'Épicure, ou d’Aristote, mais tout ce qui a été dit de bon dans chacune de ces écoles, tout ce qui enseigne la justice avec une science pieuse, tout cet ensemble éclectique, voilà ce que j’appelle la philosophie. Ibid., c. vii, col. 732. Large éclectisme, guidé par la raison et la foi. « La philosophie au sens que nous lui avons donné, dit-il d’autre part, c’est ce qu’on atteint de vérité en philosophant, quand même cette vérité n’est que partielle. » Strom., VI, c. xvii, P. G., t. IX, col. 392. Cf. ibid., c. vu. Vanter la haute mission que Dieu, dans le plan de sa providence, a donnée à la pliilosophie ainsi entendue, ce n’est pas dire que les philosophes grecs se soient montrés à la hauteur de leur tâcha : au contraire. Clément ne craint pas d’affirmer qu’ils ont manqué le but. Voir Freppel, Clément d' Alexandrie, vi « leçon, Paris, 1865, p. 160-1(52. — b. Ceux qui se sont scandalisés de la mission que ce Père reconnaît à la philosophie comme préparatrice de la foi. comme auxiliaire de l’apologétique et de la théologie, nous les trouvons surtout parmi les sectaires qui s’imaginaient la raison humaine détruite par le péché originel, du moins sur le terrain moral et religieux : protestants de la vieille école, ou jansénistes, suivis par quelques catholiques fidéistes. L'Église enseignante rejette le fidcisme. Elle approuve les vues originales de Clément sur les rappors de la philosophie et de la foi ; Léon XIII en cite les formules mêmes : que la pliilosophie est « une institution préparatoire à la foi chrétienne. » Strom., I, c. xvi ; cf. VIII, c. m ; qu’elle est « le pédagogue qui conduit à l'Évangile. 'Strom., I, c. v. Voir l’encyclique JElerni Patris, dans Leonis XIII acla, Rome, 1881, t. i, p. 258. — c. La « gnose o que Clément veut voir surajouter à la loi par ceux qui en sontenpables, comme un complément et un dernier perfectionnement, n’est pas la philosophie, mais la théologie, laquelle part des vérités mêmes de la foi comme de principes inébranlables. A la philosophie il indique le rôle de servante de la théologie ou « sagesse », de même que la grammaire et les arts libéraux, la géométrie et d’autres sciences servent à la philosophie qui les domine à son tour. Strom., I, c. v, P. G., t. viii, col. 721.

2. Textes et idées de Clément que l’on a objectés contre la nécessité absolue de la foi stricte. — a) La pliilosophie est par lui attribuée au Verbe. On veut en conclure qu’il la regarde comme l'égale de la révélation. — Réponse. — Clément ne fait que reproduire la théorie de saint Justin sur la participation de tout homme au Verbe. Voir col. 1808. Comme.Justin, il n’accorde à la raison naturelle et à la philosophie qu’une participaI on d’ordre inférieur. « Les Grecs, dit-il, ayant reçu

quelques étincelles du Verbe divin, ont dit quelques parcelles de vérité. Par là ils tém :  ; ignent de la puissance du Verbe, et en même temps accusent leur faiblesse, puisqu’ils ont manqué le but. » Protreptic.us c. vii, P. G., t. VIII, col. 184.

b) Il semble mettre la philosophie, résultat du travail rationnel, sur la même ligne que les livres inspirés de l’AncienTestament : « La philosophie, comme un pédagogue, conduisait le monde grec vers le Christ, de même que la Loi conduisait vers lui les Hébreux (d’après Gal., iii, 24). » Strom., I, c. v, P. G., t. viii, col. 717. On veul en conclure que, comme la révélation de l’Ancien Testament, par la foi qu’on y avait, et les autres dispositions que cette foi faisait naître, conduisait à la justihcation et au salut, ainsi la philosophie d’après Clément, aurait sufii é alement à y conduire. Réponse. — Il n'établit pas l'égalité entre ces deux pédagogues, et ne concède pas à la philosophie comme telle de suffire au salut. Car à cet endroit même il fait observer que, si la philosophie vient de Dieu, c’est dans un tuut autre sens que la révélation biblique : « Dieu est eaue de tous les biens ; mais il produit les uns principalement, tels l’Ancien Testament et le nouveau, les auties indirectement comme un accessoire, telle la philosophie. » Lac. cil. Et quand il dit que la philosophie « préparait les voies au Christ », rappelonsnous que ce mot vague de préparation ou de disposition rec uvre bien des choses de nature et de valeur très différentes : ne distingue-t-on pas la disposition pu : ement néqalive, qui ne fait qu'écarter l’obstacle, et la disposition positive, telle que la foi stricte et surnatur lie qui introduit déjà dans l’orde même de la justification et proportionne le sujet à la recevoir ? La philosophie, pour Clément, n’est qu’une disposition négative à l’enseignement du Christ : elle « écarte les sophistes ; » Loc. ciV.

c) Avant la venue du Seigneur, dit-il encore, la philosophie était nécessaire aux grecs pour 'la justice ; maintenant elle reste utile à la religion, étant une propédeutique à l’usage de ceux qui reçoivent la foi par démonstration. » Loc. cit. Ne semblc-t-il pas que, dans sa pensée, la philosophie donnait alors la « justice » et par conséquent le salut, sans qu’il fût nécessaire d’y ajouter la grâce du Christ et Lt foi proprement dite ? — Réponse. — Un peu plus bas. Clément s’explique, et limite beaucoup le rôle de la philosophie. Ce n’est qu’une « coopératrice », pour la « recherche de la vérité. » Loc. cit. « Bien des choses concourent à la recherche de la vérité, mais on ne peut la trouver sans le secours du Fils. Slrom., I, c. xx, P. G., t. viii, col. 813. « Il n’y a qu’une vérité proprement dite, celle que nous enseigne le Fils de Dieu… A trouver cette vérité, la philosophie ne concourt que de loin, jr^ppoôev. C’est Dieu qui nous enseigne au moyen de livres vraiment sacrés que nous recevons de son Fils (révélation surnaturelle et foi stricte) : l’enseignement de la philosophie ne prend pas les âmes de la mêm manière. Ibtd., col. 816. Quand il dit que « la philosophie, par elle-même, a parfois rendu justes les grecs », il remarque lui-même qu’il ne se s’agit pas « de la justice supérieure et entière. » A celle-ci la philosophie pouvait contribuer seulement comme le premier et le second escalier conduisent à l'étage supérieur de la maison, comme le grammairien prépare le philosophe. Loc. cit. D’ailleurs cette préparation philosophique à la foi et à la justification proprement dites n’est pas proprement nécessaire aux croyants, et le plus souvent leur manque. « Presque tous les fidèles, dit-il. se sont passés de l’enseignement classique de la philosophie grecque et des lettres, quand, sous l’influence d’une philosophie divine et étrangère à la Grèce, aidés de la puissance (divine), enseignés par une sagesse librement agissante, ils ont reçu avec foi la parole de Dieu.