Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/280

Cette page n’a pas encore été corrigée
1809
1810
INFIDÈLES


Éludes, t. cxv, p. 33, 34. Justin a de même appelé Socrate « chrétien », parce que monothéiste. Quant à HéracUte, laraison de le citerest qu’il a été le premier des philosophes grecs à ébaucher une théorie du logos. Voir.J. Lebreton, op. cit., p. 41-43. — c. Un autre point de contact avec les chrétiens, alors plein d’actualité, consiste en ce que Socrate, comme les chrétiens du ne siècle, avait été traité d’impie et d' « athée », parce qu’il méprisait la mythologie du paganisme, et fut comme eux persécuté et mis à mort. Apol., I*, n. 5, p. 11 ; Apol., Il", n. 10, p. 169. Heraclite passait pour avoir subi une persécution du même genre. Que le nom de « chrétien » donné au sens large à ces philosophes par Justin vienne aussi d’une persécution à cause du vrai Dieu, courageusement supportée, nous pouvons le conclure du texte objecté ; aux noms de Socrate et d’Heraclite « ayant passé pour athées » sont accolés de préférence les noms d' « Abraham », exilé de son pays idolâtre pour pouvoir servir le vrai Dieu, d’il Elle », persécuté par des rois d’Israël déserteurs du vrai Dieu et sectateurs de Baal, enfin des trois jeunes gens jetés dans la fournaise pour avoir refusé d’adorer une statue, eux dont l’image est si souvent reproduite dans les peintures des catacombes, comme le type des persécutés et des martyrs. De là aussi cette conclusion du même texte, unissant au nom de « chrétien » l’idée d’inlrépidilé : « Ceux qui ont vécu autrefois, avant le Christ ou qui vivent maintenant (les chrétiens proprement dits) selon le Verbe, participant au Verbe à des degrés divers, sont chrétiens, intrépides et sans peur ». Apol., I », n. 46. — d. Enfin ces philosophes sont ici appelés chrétiens à un autre titre encore, parce que. dans la pensée de Justin ils connaissaient l’ancienne révélation positive, prélude du christianisme et reconnue par lui comme vraie révélation ; mais nous reviendrons là-dessus. Les diverses raisons que nous venons de développer, et qui permettaient d'étendre jusqu'à ces philosophes le nom de « chrétien » sont déjà indiquées par dom Maran, éditeur des œuvres de Justin, dans sa Préface, part. II, c. vii, n. 5, P. G., t. VI, col. 59, 60. Cf. Liese, Der heilsnolwendige Glaube, Fribourg-en-Brisgau, 1902, p. 78 sq.

3. Réponse à l’objcclion que l’on a voulu tirer du passage allégué ci-dessus contre la thèse commune. « Justin, nous dit-on, y suppose que la foi stricte n’est pas absolument nécessaire au salut ; car a) il n’en parle pas (argument négatif) ; 6 ; il semble admettre ailleurs le salut de Socrate, etc. — Nous répondons : a) Dans le passage allégué, qui traite des infidèles avant le Christ, Justin ne se propose pas d’expliquerconmientils pouvaient arriver au salut, question plus compliquée, mais comment il pouvait y en avoir de coupables. Car il pose lui-même ainsi l’objection que peuvent lui faire les païens : « On objectera que les hommes qui ont VI eu avant lui ne sont pas coupables. » Apol., I », n. 46, trad. franc., p. 95. Or la difficulté étant ainsi posée, il n'était pas même nécessaire d’aborder, pour la lésoudre, la question de la nécessité de la foi stricte. Ilsuffit à Justin de remarquer que, déjà avant la venue du Christ en ce monde, tous les hommes participaient au Logos au moins par leur raison, par la loi naturelle qu’ils n’ignoraient point. S’il en cite qui ont vécu conformément à ces lumières, il cite aussi des gens « vicieux » malheureusement trop nombreux au témoignage de l’histoire. Cette réponse suffit pleinement à expliquer ce qui était en question, comment il y a eu des coupables avant le Christ, malgré la bonne foi avec laquelle on ignorait alors ses futurs enseignements. C’est la remarque de Maran, loc. cit., col. 58. Sur la loi naturelle connue de tous, cf. Dialogue avec Tryphon, n. 93, col. 698.

bj Quand Justin, sinon dans ce passage, du moins ailleurs, admettrait le salut de Socrate ou d’autres

sages pareillement distingués par leur vie et leur mort, il n’y aurait rien là contre la thèse commune, puisque ces hommes ont pu recevoir, par exemple, au moment de la mort, une révélation avec la grâce de la foi. Et même sans leur supposer cette révélation immédiate, Justin a pu leur supposer la foi stricte en vertu d’une révélation médiate, parvenue jusqu'à eux. Rappelonsnous en effet une de ses idées favorites, c’est que les principaux philosophes de la Grèce connaissaient la Bible, et y avaient puisé plusieurs dogmes, entre autres ceux dont la connaissance est le plus nécessaire au salut. Il ne craint pas d’affirmer aux païens cette théorie sur l’histoire religieuse, bien qu’elle mette leurs grands philosophes dans un état d’infériorité et de dépendance. « Platon… a emprunté cette parole au prophète Moïse, car Moïse est plus ancien que tous les écrivains grecs. Tout ce que les philosophes et les poètes ont dit de l’immortalité de l'âme, des châtiments qui suivent la mort, de la contemplation des choses célestes, et des autres dogmes semblables, ils en ont reçu les principes des prophètes, et c’est ainsi qu’ils ont pu les concevoir et les énoncer. » Apol., I*, n. 44, trad. franc., p. 91. Cette théorie remonte d’ailleurs bien plus haut que saint Justin, elle est due aux juifs hellénistes d’Alexandrie. Voir un fragment d’Aristobule dans Eusèbe, Préparation évangélique, t. XIII, c. XII, P. G., t. XXI, col. 1097-1104 ; Philon en plusieurs de ses traités, Quis rerum diuinarum hasres sit, édit. Mangey, t. i, p. 503 ; Quisquis virtuti studet, ibid., t. ii, p. 454 ; Demundi incorruptibilitate, ibid., t. ii, p. 490-491 ; Josèphe, Contra Apioneni, t. I, c. XXII, édit. Niese, Berlin, 1889, t.v, p. 25 sq. ; l.II, c. XVI, ibid., p. 70 sq. Cf. Capéran, Le problème du salut des infidèles, Essai historique, -p. 55-59. Or.quelque sévère que soit le jugement que l’on porte aujourd’hui sur un tel système, saint Justin, lui, en était convaincu, au point de l’affirmer devant les païens euxmêmes, sans redouter de leur part un démenti qui eût ébranlé la valeur de l’apologie qu’il leur adressait. Puisque telle était sa pensée, il ne concevait donc pas Socrate ou Platon comme réduits à leur seule raison naturelle, mais comme aidés du secours de la révélation prophétique ; et de ce qu’il a pu admettre leur salut, on ne peut donc conclure qu’il l’ait admis en dehors de toute foi stricte. Cf. Liese, op. cit., n. 98, p. 86-88.

2 » Clément d’Alexandrie. — C’est l'écrivain ecclésiastique le plus allégué contre la thèse commune des théologiens, en faveur de celle de Ripalda. Les modernistes ont même cherché à s’en servir, ainsi que de saint Justin, à l’appui de leur thèse hétérodoxe, que toute religion est vraie, que la révélation positive n’est nécessaire au salut de personne. Voir le Programma dei modernisti, 'Rome, 1908, p. 118. Clément mérite donc aussi une spéciale attention.

1. Observations préliminaires.

a) On a voulu opposer son concept de la foi, comme extrêmement large, au concept traditionnel. Sans doute, quand il remonte en philosophe à l’idée générique de foi ou de « croyance », il donne du mot TvîaTtç, existant déjà chez les grecs de l'époque classique des définitions qui conviennent à la foi humaine ou à la croyance en général, aussi bien qu'à la foi divine. Les scolastiques eux-mêmes en font tout autant à propos du mot fuies ; et c’est un lieu commun chez les Pères de rapprocher sous un même nom, en ce qu’elles ont de commun, et d’exphquer l’une par l’autre, la foi donnée à l’homme et la foi donnée à Dieu. Voir Foi, t. VI, col. 110 sq. Cf. Lugo, De fide, disp. I, n. 147, Paris, 1891, t. i, p. 81. Tout cela ne contredit en rien le concept spécifique et théologique de la foi salutaire. Comme les autres, quand il quitte la pure philosophie pour la théologie, quand il décrit la foi divine néces-