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INFIDÈLES


l'épicurisme grossier dont il cite les paroles. D’ailleurs cette manière de concevoir l’immortalité de l'âtne toujours au concret, et sous les espèces de la résurrection des corps, était commune chez les Hébreux, comme il ressort des paroles des sept frères martyrs, II Mac, vu ; l’auteur du même livre inspiré dit que Judas Macchabée croyait à la « résurrection autrement il aurait jugé inutile de prier pour les morts. Ibid., xii, 44. Saint Luc, compagnon de saint Paul, voulant exprimer le matérialisme des sadducéens, dit qu’ils n’admettent « ni résurreclioriy ni ange, ni esprit. » Act., xxiii, 8. Ainsi saint Paul prendIl la vie future au concret, avec les merveilleuses qualités des corps glorieux, qui ajoutent à la résurrection elle-même, I Cor., xv, 40-44 ; avec le lieu de réunion où les ressuscites jouiront de la société des autres saints et des anges, Heb., xii, 22, la « Jérusalem céleste », loc. cit., que l’Apocalypse décrira, < la cité dont Dieu est l’architecte » et qu’il a préparée dans la « patrie céleste », Heb., xi, 10, 16. En conséquence, <lans la pensée de l’apôtre, cette « grande rémunération » dont il parle, Heb., x, 35, ces « choses espérées' dont la [oi est le soutien, xi, 1, désignent un bonheur surnaturel, qui dépasse les vagues données de la raison sur la vie future, et les précise. Ajoutons que la vision intuitive de Dieu, qu’il affirme, I Cor., xiii, 12, fait sans doute partie de ces « choses espérées », toujours entendues par lui sous les mots « rémunération, rémunérateur », et qu’elle leur donne un caractère absolument transcendant ; et surtout qu’il ne fonde pas l’espérance chrétienne sur les données de la raison, mais sur une promesse gratuite de Dieu, sur un témoignage divin confirmé par serment et qui ne peut mentir, donnant par là à notre espérance et à notre foi un caractère surnaturel de fermeté. Heb., vi, 17-19.

Du reste, il n’est pas nécessaire que tout adulte, pour être justifié, ait l’idée explicite du « surnaturel » ou de la « vision intuitive », idées trop subtiles qui manquent à beaucoup de simples fidèles et par suite .ne peuvent avoir été exigées de tous, ni de nécessité de précepte, ni de nécessité de moyen. Lugo, De fide, disp. XII, n. 129, 130, Paris, t. i, p. 542. Il suffit, du moins comme minimum, que la rémunération surnaturelle soit affirmée implicitement et confusément : ce qui a lieu, par exemple, quand on croit que Dieu sera rémunérateur suivant ce qu’il a promis. Car cette promesse libre et gratuite, que nous n’avons pu recevoir que par voie de rê'y^/a/f’im, comme du reste les simples fidèles le conçoivent facilement eux-mêmes, cette promesse n’a en réalité d’autre objet que la béatitude surnaturelle : celle-ci est donc par là désignée suffisamment, bien que confusément, quand on dit : « Je crois que Dieu donnera la récompense qu’il a promise. «  Voir Pesch, Prselectiones, 3e édit., 1910, t. vrii, n. 443, p. 207 ; Schiffini, De uirt. injusis, 1904. n. 182, p. 322.

objection.

La première des deux vérités ici afïirmées comme étant de nécessité de moyen, à savoir l’existence de Dieu, ne peut, sans un acte déraisonnable, être tenue parla foi stricte, c’est-à-dire sur la parole et le témoignage de Dieu. Un témoin dont nous connaissons la véracité peut bien nous dire : « Croyezmoi, j’ai vu telle chose. » Mais il ne nous dira pas : « Croyez-moi, j’existe », parce que c’est inutile et ridicule. — Réponse. — a) C’est inutile et ridicule, parce que nous le voyons exister, et que notre nature raisonnable éprouve en elle-même une sorte d’impossibilité de s’appuyer sur un témoignage quand elle voit, d’une vraie et immédiate vision. Voir Foi, t vi, col. 452. Mais ceci n’est pas applicable à Dieu en cette vie ; nous ne voyons pas son existence, nous ne la connaissons que par des raisonnements qui peuvent nous en donner la certitude, mais non pas l'évidence immédiate ou

l’intuition ; il n’est donc pas contre nature de croire l’existence de Dieu sur un témoignage. — b) Sans doute cette croyance, comme toute foi stricte, présuppose avant tout une connaissance de l’existence de Dieu témoin véridique, obtenue par une preuve scientifique ou vulgaire ; supprimer ce préambule de la foi serait du fidéisme, et rendrait déraisonnable l’acte de foi Voir Foi, col. 170, 177. Mais l’existence de Dieu étant une fois connue par ce canal préalable, rien ne l’empêche d'être ensuite admise parce que Dieu l’a révélée dans son Écriture, explicitement ou implicitement. Et ce n’est pas inutile, parce que cet acte de foi, grâce à l’excellence de son motif et à sa surnaturalité intime, jouit d’une certitude spéciale. //)frf., col. 387 sq. ; cf. col. 461. — e) Il n’est même pas possible de croire Dieu comme « rémunérateur » sans le croire comme « existant ». Le rémunérateur que je crois et que j’espère n’est pas un rémunérateur possible, idéal, mais un rémunérateur réel, agissant, donc existant. Ainsi, des deux vérités nécessaires à la justification d’après Heb., xi, 6, attester la seconde est nécessairement, de la part de Dieu, attester aussi la première ; et par suite, de notre part, croire la seconde est nécessairement et implicitement croire la première, et sans aucun acte de déraison.

S objection. — Un même point ne peut pas être en même temps objet de science et objet de joi (stricte). Or le fait que « Dieu existe » devient objet de science, quand il est philosophiquement démontré. Donc l’existence de Dieu, bien qu’elle puisse être objet de joi pour qui n’en a pas la démonstration, ne peut l'être pour les autres, suivant la distinction donnée par saint Thomas. Sum. theoL, H* II », q. i, a. 5. Donc la nécessité d’atteindre par la joi cette vérité de l’existence de Dieu comporte des exceptions, et ne peut être absolue. Donc le texte, Heb., xi, 6, affirmant la nécessité de croire à l’existence de Dieu, ne peut être entendu d’une nécessité de moyen absolue de la foi stricte à cette vérité (Gutberlet). — Réponse. — Nous avons étudié et délimité ailleurs Vadage thomiste qui sert de base à toute cette argumentation. Voir Foi, t. vi, col. 450 sq. Il vaut assurément pour l’objet matériel principal de la foi, c’est-à-dire les mystères, que saint Thomas nomme par excellence « objets de foi » et qui ne peuvent être objets de science. Quant aux vérités accessibles à la raison comme l’existence de Dieu, qui n’est pas un mystère proprement dit, cet adage a été compris par plusieurs thomistes de marque dans un sens très modéré, qui réduit, à une simple question de mots la controverse entre théologiens à ce sujet. Ibid., col. 465467. Si l’on interprète saint Thomas d’après ces thomistes, son autorité ne crée aucune difficulté dans la question actuelle. Ibid., col. 468-469. Si l’on prend ses paroles, au contraire, dans le sens le plus rigide, alors il reste à choisir entre deux autres interprétations de sa pensée. — a) Ou bien il faudra admettre avec Gutberlet qu’ici le saint docteur nie la thèse commune sur l’absolue nécessité de la foi. Voir Foi, t. vi, col. 460461. Mais c’est le mettre en contradiction avec luimême : car il tient pour la thèse commune, nous le prouverons plus bas ; et la grande majorité des thomistes en est convaincue. Si l’on.voulait toutefois que sa pensée fût restée là-dessus hésitante ou contradictoire, mieux vaudrait alors opter pour la thèse traditionnelle où il est d’accord avec le grand courant théologique, et rejeter plutôt l’opinion rigide qu’il aurait peut-être admise ailleurs sur l’incompatibilité de la foi et de la science en tout point, laquelle après tout n’est qu’une opinion, et des plus controversées dans l'Église. — b) Ou bien il faudra dire que pour saint Thomas « l’existence de Dieu », Deus est, dans le texte qui nous occupe, Heb., xi, 0, n’est pas ce que tout le monde entend par ces mots, mais quelque mystère