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INFIDÈLES


l'état de péché à l'état de grâce, en un mot pour être tiustifié », nous pouvons en conclure que la foi n’est pas seulement de nécessité de précepte, mais de nécessité de moijen. Quand peut-on dire, en effet, qu’une chose soit de simple nécessité de précepte ? Quand elle est seulement requise pour ne pas commettre un nouveau pcché grave ; obstacle au salut. Et quand donc, au contraire, une chose est-elle de nécessité de moyen ? Quand elle est requise non pas seulement pour éviter un nouveau péché, mais pour sortir de l'état de péché où l’on est, et acquérir l'état de grâce, moyen fondamental de salut. Voir col. 1760.

Mais la « nécessité de moyen » se subdivise : elle sera, .soit in re vel in vota, soit absolute i’n re. Voir col. 1761. Et ici nous arrivons au nœud de la question. Peut-on, avec Ripalda et Gutberlet, voir dans ce passage une nécessité de la foi stricte qui soit seulement in re vel in vota ? Le texte sacré ne se prête pas à une telle interprétation et ne lui fournit aucune base sérieuse. Nous allons le montrer en parcourant les différents efforts qui ont été faits pour raccrocher cette interprétation à telle ou telle parole du texte.

1. Dlra-t-on que les mots fides, credere, peuvent signifier un simple désir, un acte purement volontaire, le « vœu de croire » non suivi d’elïet ? — Mais ce n’est point le sens propre de ces mots dans l'Écriture. Voir Foi, t. vi, col. 57 sq. Et l’on n’a pas le droit de s'écarter arbitrairement du sens propre, surtout dans un chapitre où l’apôtre parle ex professa de la foi, et dans une plirase où il emploie le verbe credere, qui n’a jamais signifié le simple vœu de croire. De plus, si ce verbe signifiait cela dans notre phrase, l’auteur sacré ne pourrait lui donner comme complément, comme objet, deux vérités particulières, l’existence de Dieu et la rémunération future ; car le vœu de croire, de sa nature, a un objet universel : il doit porter sur tout C3 que Dieu a révélé ou pourra révéler, et non pas seulement sur deux vérités ; seul l’assentiment intellectuel peut se restreindre à telle ou telle vérité.

2. Dira-t-on que, tout en laissant au verbe credere son sens propre d’assentiment intellectuel, on peut admettre des exceptions à la formule : Sine fide impossibile est, parce que dans l'Écriture le mot « impossible » est souvent pris dans un sens moral et large, et souffre des exceptions, tout comme son corrélatif, le mot « nécessaire » ? S’autorisera-t-on de la formule semblable exprimant la nécessité du baptême, Joa., III, 15? Absolue, en apparence, elle admet des exceptions comme la tradition nous l’apprend. — Nous répondrons que le contexte de notre passage repousse absolument toute exception. L’apôtre, en effet, invoquant un passage de la Bible où il est dit que « Hénoch plaisait à Dieu » en conclut qu’il a eu la foi : car, dit-il, « il est impossible » de plaire à Dieu sans la foi. Voilà le principe général sur lequel s’appuie tout son raisonnement : pour que la déduction soit juste, il faut que ce principe n’admette pas d’exception ; autrement on pourrait toujours objecter qu’Hénoch est peut-être une des exceptions à la règle. Afin donc que l'écrivain inspiré parle ici raisonnablement, il faut que le principe invoque par lui soit strictement universel, et ne puisse entre ses mailles laisser échapper personne. Et bien que ce raisonnement ne soit pas répété à l’occasion d’autres personnages cités dans ce chapitre, on doit naturdlement le sous-entendre pour tous ceux qui sont dans les mêmes conditions qu’Hénoch, c’est-à-dire qui, d’une part, sont suffisamment connus comme des saints de l’Ancien Testament, et dont la foi, d’autre part, ne reçoit pas de mention explicite dans la Bible. C’est la remarque de Suarez : « D ?ccprincipe, s(71e /(de /mpo.s-s ; 6(7e…clc., Paul conclut qu’Hénoch, ayant plu à Dieu, a eu la foi, et ainsi des autres cas particuliers : conclusion qui ne serait pas so lide, s’il était permis d’excepter quelqu’un de la règle, » De fide, disp. XII, n. G ; L xii, p. 340. Ce raisonnement de l’auteur inspiré, comme V universalité que doit avoir le principe qui lui sert de base, a été remarqué non seulement par nos théologiens cathohques et nos exégètes, comme Estius, Commentaires, Paris, 1891, t. iii, p. 272, 273, mais par des protestants, comme Westcott,

The Epistle to the Hebrews, 3e édit, Londres, 1906, p. 358. Quelques théologiens ont objecté que pour Hénoch, ou tel autre de ces anciens personnages, l’acte de foi n’est pas prouvé nécessaire comme disposition à la justification, parce que l’on peut supposer deux choses : la première, qu’ils ont été justifiés sans aucune disposition, à la manière des enfants, car leurs parents ont dû leur appliquer le remedium naturx (qu’admettent les théologiens sur l’autorité de deux ou trois Pères) ; la seconde, qu’ils n’ont jamais perdu ensuite cette première grâce par aucun péché mortel. Mais par quelle preuve peut-on nous certifier tous ces prétendus faits ? Et le nécessaire ensemble de ces hypothèses, dont quelqu’une peut être vraie, tiendrait-il devant l’affirmation contraire de l'écrivain sacré? Ajoutons, en terminant, que le concile de Trente cite notre texte à l’un des endroits où il affirme la nécessité de la foi comme absolue et sans exception. Sess. vi, c. VIII, Denzinger, n. 801.

^ 3° Objections faites à cette preuve, en dehors de celles que dans la preuve elle-même nous avons déjà résolues. — ! '<' objection. — « Dans cet axiome : Sine fide impossibile est placere Deo, fides pourrait s’entendre de Vhabitus fidei, et non pas de l’acte de foi, comme vous le supposez. » — Réponse. — C’est impossible pour les raisons que voici : a) L’axiome est expliqué et paraphrasé par les mots qui suivent : accedentem enim ad Deum oportet credere, etc. ; remarquons la liaison enim. Or credere ne peut jamais signifier qu’un acte ; et il a ici pour objet matériel deux vérités particulières, ce qui ne peut se vérifier que d’un acte particulier, et non pas de la vertu de foi, qui a pour objet matériel toutes les vérités révélées. — b) La « foi » doiit il est ici question est celle que l’apôtre vient de définir, Heb., xi, 1 ; or, ce qu’il vient de définir, c’est Yacte et non la vertu de foi. Celle-ci ne pourrait être appelée un « argument », une preuve, sXsyxoç ; et ce n’est pas la vertu, c’est l’acte de foi qui excite l’espérance en lui présentant son objet. Voir Foi, t. vi, col. 86 sq. — c) Dans tout ce chapitre, il n’est pas trace d’une théorie sur Vhabitus. Il n’est question que d’adultes, donnés comme exemples de l’acte de foi qu’ils ont fait briller en eux, et proposés à notre imitation ; d’ailleurs on ne peut donner l’exemple d’un habitus invisible. Si donc on voulait étendre cet axiome aux enfants avant l'âge de raison, aux enfants incapables de l’acte de foi, en ce sens que, s’ils meurent alors, ils ne peuvent être sauvés sans la foi-vertu, infuse au baptême, ce ne pourrait être là qu’un sens accommodatice. Sur la manière dont un pareil sens a été amené dans les débatsduconciledu Vatican, voir col. 1780 sq. — d) Le concile de Trente entend notre texte de la foi actuelle, puisqu’il s’en sert pour montrer que l’on se prépare à la justification par l’acte de foi. Sess. vi, c. vi, Denzinger, n. 798.

Véga, dans un opuscule qu’il publia à Trente en 1546, au moment où le concile abordait la matière de la justification, établit fort bien cette thèse, que lorsque l’apôtre traite de la « justification par la foi », il entend l’acte et non la vertu infuse. Voici ses raisons. — o) Saint Paul lui-même, pour que nul ne s’y trompe, explique aussitôt le mot fides par le verbe credere, qui certainement ne convient qu'à l’acte de foi, Rom., m, 22 ; de même, pour prouver que l’homme est justifié par la foi, ibid., 28, il donne l’exemple d’Abraham qui a cru à la parole de Dieu, ibid., iv, 3, et en conclut