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INFIDÈLES


di/Ticile, mais facile à loua. » Mais Dieu, dirons-nous, n’itait pas tenu de le rendre également facile à tous, ni même possible à tous dés l’enfance, dans les cas extraordinaires comme celui-ci ; pourvu que la Providence veille à ce qu’il leur soit au moins possible avant leur mort, cela suffit pour une vraie possibilité de salut. « Et pourtant, continue Ripalda, cet enfant (tout en faisant un véritable acte de foi) peut légitimement douter de la crédibilité de la religion catholique, parce qu’il voit la plupart des membres de sa famille croire le contraire, et qu’il n’a point à sa portée les preuves pour -se convaincre indubitablement de la crédibilité de sa religion. » De fide, édil. Vives, disp. VI, n. 60, t. VII, p. 1 19. Comparez avec Estrix, cité tout à l’heure. De cette même doctrine, Ripalda tire ce corollaire, qu’étant donnée une proposition générale certainement révélée (comme : « Jésus-Christ est présent dans l’eucharistie », dans les hosties vraiment consacrées), on peut croire d’une foi surnaturelle, mais hésitante, infirma, les propositions particulières qui dans la générale ne sont que probablement contenues, comme : « Cette hostie est consacrée », quand le fait de la consécration n’est pour nous que probable. On pourra croire d’une semblable foi, surnaturelle et infirme, que cet enfant, probablement bien baptisé, est en état de grâce ; que cet adulte l’est aussi, ayant pour lui des probabilités ; que tel autre est en état de péché mortel, tel autre au ciel, ou y parviendra un jour, etc. Ibid., disp. VIII, n. 78, p. 155. Estrix reproduit ces corollaires. Diatriba, p. 92 sq.

Ces singulières et dangereuses conceptions, qu’il suffit, pour la justification, d’un acte de foi stricte, mais branlante, ou d’un acte de foi surnaturelle, mais large, avec le vœu implicite de ce qui peut manquer, provenaient donc de Ripalda à travers Estrix. Sans doute le zèle de plusieurs docteurs de Louvain à faire condamner cette doctrine venait, pour une bonne part, de leur jansénisme. Ils ne pardonnaient pas à Ripalda d’avoir publié, en 1645, un puissant ouvrage, Adversus Baium et Baian’-s, t. v et vi de l’édition Vives, et d’avoir ainsi peut-être contribué à la condamnation des cinq propositions de Jansénius par Innocent X en 1653. A cet ouvrage de Ripalda, Louvain avait répondu par un pamphlet mis à l’Index en 1654. Voir Batus, t. ii, col. 59. Ils ne pardonnaient pas davantage à Estrix le zèle infatigable qu’il déployait à Louvain pour réfuter les jansénistes et défendre contre eux. dans sa Diatriba elle-même, l’infaillibilité du Saint-Siège. Havermans, qui sous Innocent XI poussa le plus à Rome la condamnation des propositions laxistes, entre autres celles de Ripalda et d’Estrix, était un janséniste avancé, dont plusieurs propositions devaient plus tard être condamnées à leur tour par Alexandre VIII. Voir t. i, col. 751, 752, 755, 762. Mais tout cela ne saurait sauver ces singulières théories de Ripalda reproduites par Estrix ; un louable désir de faciliter aux infidèles la foi et le salut les excuse sans les justifier. Rome, gardienne de la vérité, frappait les opinions dangereuses dans ses défenseurs eux-mêmes, et jusqu’au bout. En 1674, on met à l’Index non seulement la Diatriba, mais encore la Dilucidatio, etc., réponse à des adversaires, où Estrix expliquait à sa manière la question de la « foi imparfaite d’une partie des hommes sans culture » Sotrmervogcl, Bi bliotliéque de la C’^ de Jésus, t. iii, col. 469, 470. En 1679, décret d’Innocent XI condamnant les propositions laxistes ; et peu après, mise à

Index d’une brochure (d’Estrix, croit-on), publiée sous le pseudonyme de « Sandœus », Refutatio anonymi, etc. ; on y soutenait, contre une brochure anonyme, qu’aucune des propositions condamnées dans le décret n’avait pour auteurs des religieux, encure moins des jésuites. Ibid., col. 471

Concluons, de ce vaste ensemble de documents, que la condamnation de la proposilian 23 « fournit une preuve très solide contre le système de Ripalda sur les infidèles, même en le prenant avec tous ses correctifs. Elle classe ce systèiyie, non point parmi les hérésies, ou les erreurs théologiques, puisque les censures ou notes, énoncées dans le décret, n’ont qu’une application globale et indéterminée, mais au moins parmi les opinions de nature à scandaliser, et pernicieuses en pratique.

i/i. L’ÉCRITURE SiiNTE. — Voicl le texte vraiment classique en la matière : « Sans la foi il est impossible de plaire à Dieu : car il faut que celui qui s’approche de Dieu croie qu’il existe, et qu’il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent. » Heb., xi, 6 Nous donnerons : 1° le sens des termes ; 2° la preuve qu’il fournit ; 3° les objections qu’on y fait.

Sens de quelques termes non encore expliques.


1. « Plaire à Dieu », eùapsoTrioai. Et dans le contexte immédiat : « Hénoch… a reçu (de l’Écriture) ce témoignage d’avoir plu à Dieu », Cf. Gen., v, 22 ; Eccli., XI IV, 16, placuit Deo, et translatus e.< ; ^ C’est l’état de grâce et de sainteté opposé à l’état de péché. Plaire à Dieu « signifie "être ami de Dieu, être dans sa grâce, être justifié » ; et notre phrase signifie : » Sans la foi il est impossible d’obtenir l’amitié de Dieu, d’être justifié. » Même sens et même antithèse dans saint Paul : « Ceux qui vivent dans la chair (selon les alîections de la chair) ne peuvent p/a ; re d D/eu. » Rom., viii, 8. « Mais vous, vous ne vivez pas dans la chair, mais dans l’Esprit, si du moins l’Esprit de Dieu habite en vous. » Ibid., 9. « Vivre selon la chair conduit à la mort », le contraire mène à la vie. Ibid., 13. « Dieu a envoyé son Fils, afin que la justice de la loi soit accomplie en nous…, qui marchons non selon la chair, mais selon l’esprit. T Ibid., A. « Ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu, sont fils de Dieu…, ont reçu l’esprit d’adoption, sont héritiers du ciel. » Ibid., 14 sq. « Plaire à Dieu », dans saint Paul, c’est donc n’être pas en état de péché, mais en état de grâce, temple de l’Esprit-Saint, fils adoptif et héritier du ciel, juste et saint devant Dieu. Cf. Rom., xii, 1 ; xiv, 18, etc. Voir Liese, Der heilsnotwendige Glaube, 1902, p 32-34.

2. Celui qui s’approche de Dieu », T : poæpx6[Jtevov TM Osw. Notons la liaison entre ce terme et celui que nous venons d’expliquer, et rappelons-nous la synonymie entre les mots « foi » et » croire » : « Sans la foi il est impossible de plaire à Dieu, car il faut que celui qui s’approche de Dieu croie… » Cette liaison implique iciune sorte d’id.ntité entre « plaire » et « s’approcher » : avec cette sei.le ditïéience, que « plaire à Dieu » indique un état, comme nous l’avons vii, tandis que « s’approcher de Dieu » désigne naturellement le mouvement vers cet clat, la genèse de cet état o. on la considère du côté du pécheur qui se réconcilie avec Dieu. C’est le sens que ce terme a dans la même Épître, vii, 25. C’est par l’acte de foi surnaturel, don de la grâce, que les pécheurs « viennent à Jésus », Joa., vi, 64, 65 ; si toutefois l’attache ment au péché ne les empêche pas de « venir à la lumière ». Ibid., iii, 20, 21. Nous ne nions pas qu’ailleurs et dans un autre contexte accedere ad Denm puisse signifier l’acte du juste qui prie, honore, se confie, etc. Mais ici le contexte immédiat montre qu’il s’agit du pécheur, en marche vers la grâce et le pardon qui est pour lui la première condition du salut ; l’idée de « salut » est contenue dans le rémunérateur » que le pécheur doit avant tout connaître et croire. Aussi le concile de Trente, après avoir parlé de la préparation du pécheur à la justification, cite notre texte comme exprimant cette préparation. Sess. VI, c. VI, Denzinger, n. 798.

Preuve.

Si donc l’on veut bien admettre qu’il s’agit ici d’une nécessité de la foi pour passer de