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INFIDÈLES


donnée pour le « salut », la grâce seulement destinée à préserver l’homme du plus grand des maux, le péché mortel ; d’autant plus que ce mal, de sa nature, fait obstacle à la fin de l’homme, qu’elle soit naturelle ou surnaturelle comme dans l’ordre présent ; et lors même que cette fm serait déjà compromise par des péchés plus anciens non pardonnes, celui-ci serait toujours un obstacle de plus, et, si l’hemme se damnait, lui vaudrait un surcroît de peine. Donc la grâce surnaturelle quoad modum, qui suffit à empêcher de le commettre, est donnée elle-même en vue du « salut ». Elle ne fera pas produire au pécheur un acte « salutaire » disposant à la justification, ni ne le justifiera ; pour accomplir ces choses sublimes, il faudra une grâce d’ordre plus élevé ; et devenu juste, l’homme alors pourra mériter pour le ciel. Mais, après tout, une grâce inférieure, en préservant d’une grande chute qui orienterait vers le mal, pourra jouer un rôle plus important dans une vie humaine qu’une grâce supérieure qui fait gagner un mérite de plus, un degré de gloire de plus. Du reste l’apôtre, dans le texte que l’on cite, dit lui-même : Injelix ego homo, quis me Uberabil, etc., et laisse entendre que le propre de la grâce donnée contre la concupiscence et le péché, c’est de délivrer ou de préserver du mal, etTet plutôt négatif, mais d’un grand intérêt. Et dans les dernières demandes du Paler, Jésus insiste sur cet aspect négatif du salut. Cf. Joa., xvii, 15. Et le don si précieux de persévérance, défendu par saint Augustin contre les semipélagiens, peut consister dans une spéciale providence, empêchant un juste de vivre jusqu'à une chute prévue, effet plutôt ncgalil : Raptus est, ne malitia mularel intelleclum ejus, Sap., iv, 11. S. Augustin, De prsedeslinatione sandorum, c. xiv, P. L., t. xliv, col. 979. c. On nous fait un dilemme. Cet acte t naturel par son entité », fruit de la grâce surnaturelle quoad modum, « est-il dans l’ordre du salut…, fait-il obtenir le moyen positif de salut, c’est-à-dire la f.râci surnaturelle quoad substantiam, … est-il un commencement dans la voie qui mène à la vie éternelle, initiative se habebit in via vitæ œternie ? Ceci ne semble point conforme à la foi. » Ibid., p. 81. — Réponse. — En effet, ce serait l’erreur semi-pélagienne de dire qu’un acte naturel fait obtenir (par sa valeur méritoire ou quelque autre influence causale) la grâce qui mène à la justification et à la fin surnaturelle ; qu’il est Ytnitium dans la voie de la vie éternelle. Aussi, rejetant cette erreur, nous disons seulement que cet acte (ou omission d’acte) empêche de tomber dans le grand mal du péché mortel. — Mais alors (seconde corne du dilemme), « alors la grâce qui le fait produire ne fait rien pour le snlut, et n’est pas la grâce du Sauveur ». Réponse. — Elle ne fait rien pour le « salut pris sous son aspect positif, soit. Mais pour le « salut » considéré incomplètement, elle fait quelque chose, et c’est assez pour qu’elle relève du Sauveur. Voir la réponse à l’objection précédente. Nous ne nous appuyons pas, qu’on veuille bien le remarquer, sur la théorie de la € disposition négative », que l’on semble croire nécessaire à la défense de la grâce surnaturelle quoad modum. Ibid., p. 97. note.

Enfin ajoutons, contre le préjugé de plusieurs, que saint Augustin, quand il défend « la grâce », n’entend point, par ce substantif au singulier, une entité unique et simple, mais Venscmble de tous les divers secours niés par les pélagiens, et soutenus par lui contre les c ennemis de la grâce ». De même saint Thomas, sous ce titre : la grâce, entend souvent grâce habituelle et grâce actuelle, choses pourtant différenles. Mais quelques-uns, lorsqu’ils entendent un seul terme, irnag nent une seule chose, soit recherche exagérée de l’unité et de la simplification, soit duperie de l’imagination et " pipcrie des mots. »

3° La proposition 23' condamnée par Innocent XI.

Fides late dicta ex testimonio crcaturarum simillve motiv) ad justificationem suflicit. Denzinger, n. 1173.

La foi au sens large, fondée sur le lémoignat^e des créatures ou un semblable motif, suffit pour la justification.

Étant admis de tous, qu’une certaine « foi » est nécessaire pour la justification, il s’agit dans ce document de déterminer laquelle. Sur le sens de ces mots : « foi au sens large », « témoignage des créatures » voir ci-dessus, col. 1759. La seule question vraiment importante ici, c’est de savoir si la condamnation pontificale atteint cette proposition jusque dans le sens mitigé que lui donne Ripalda, voir col. 1768. A cette question il est aujourd’hui deux réponses opposées :

1. Réponse négative ; sa preuve. — Toutes les propositions énumérées par ce décret du 2 mars 1679 sont condamnées en bloc sous cette rubrique : Sicut jacent, ut minimum tanquam scandalusæ et in praxi perniciosse. Denzinger-Bannwart, n. 1215 (ou dans le prologue du décret). Vu ce mode de condamnation, toute proposition de la liste peut ne mérter que ce minimum de censure, par exemple, la 23'. Or elle a très bien pu le mériter par le seul fait que sous la forme qu’elle a, sicut jaret, elle est trop générale et trop ambiguë, ce qui la rend scandaleuse et dangereuse en pratique. La foi large, dites-vous, suffît pour la justification. » Voulez-vous dire qu’elle suffise par exception, aux seuls infidèles qui ignorent la révélation sans qu’il y ait de leur faute, ou qu’elle suffise aux chrétiens mêmes, et normalement ? Sicut jacel, votre proposition ne le dit pas ; or, si on l’entend au second sens, c’est le mépris et le renversement de toute révélation proprement dite, à la façon des rationalistes : une proposition aussi ambiguë est donc scandaleuse et pernicieuse. Et puis, qu’entendez-vous par la foi large ? Celle qui procéderait de la grâce (d’un principe surnaturel), bien que l’objet n’en fût pas révélé, ou celle qui serait purement naturelle ? Le second sens est pélagien, et rend scandaleuse et pernicieuse en pratique une proposition assez imprécise pour l’accueillir. Mais s’ensuitil que l’on condamnerait la proposition autrement conçue, qui, mettant toutes les précisions désirables, dirait avec Ripalda : « La foi, large du côté de sop motif, mais cependant surnaturelle par son principe, et accompagnée d’un vœu surnaturel de la foi stricte, suffit pour la justification des infidèles de bonne foi, et cela par exception, et sans empêcher que la foi stricte reste un précepte et même un moyen nécessaire in re vcl in voto ? » La condamnation des propositions doit s’interpréter avec plus de modération que de rigueur. Ainsi raisonne Schiffini sur la proposition de Ripalda, bien qu’il ne l’admette pas d’ailleurs. De virtutibus infusis, Fribourg-en-Brisgau, 1904, n. 168, p. 292, note. Gutberlet a fait valoir pour lui-même une raison semblable ; il ajoute que sa doctrine ne saurait en aucune façon devenir perniciosa in praxi, puisqu’il déclare expressément qu’elle n’a qu’une portée théorique et apologétique, et qu’on ne doit pas en tenir compte dans la pratique. Voir col. 1770.

2. Réponse affirmative ; sa preuve. — Le décret d’Innocent XI vise des propositions laxistes qui avaient cours en ces temps-là parmi les théologiens catholiques. Or, personne alors parmi les catholiques ne défendait comme suffisante pour la justification une foi large en tout sens, purement naturelle et sans inspiration de la grâce ; et il n'était pas nécessaire de condamner plus faiblement dans cette nouvelle liste une hérésie déjà clairement anathématisée par le concile de Trente, sess. VI, can..S, Denzinger-Bannwart, n. 813, sans parler des anciennes condamnations du pélagianisme et du semi-pclagianisme alors bien connues. Au con 1

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