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INFIDÈLES


cette méthode au nom d’un double devoir, inaposé à tout catliolique, le devoir de recevoir la vraie foi, et celui d’y persévérer ensuite perpétuellement : à la place de cette continuité, Hermès avait introduit un hiatus, et même un long temps d’arrêt. Au parti hermésien qui répondait que ce double devoir est impossible à la raison cultivée, Franzelin répliquait que Dieu le rend possible, soit par le secours extérieur des hommes qui de sa part présentent la révélation, et des motifs de crédibilité qu’il nous a donnés, soit par le secours intérieur de sa grâce prévenante et adjuvante. Citons une plirase : Ut autem huic nccessarise cbligationi ampledendi veram fidem et in eadem conslanter pcrsevcrandi homines satisfacere valeant, Deus ipse, qui instat præcepto, etiam præcurrit auxilio. Ibid., c. IX, col. 511. Ainsi : a. Franzelin ne prend pas ici le mot « foi » au sens subjectif, acte ou vertu, le seul en question dans nos textes de Trente, mais à l’objectif, où fides signifie simplement l’objet, la matière de nos actes de foi, c’est-à-dire les dogmes, la révélation chrétienne et catholique : t embrasser la vraie foi ne peut avoir d’autre sens ; « persévérer constamment dans la foi » ne veut pas dire qu’on en fasse constamnient des acto, ce qui est impossible et n’a jamais été commandé, mais que jamais on ne renie les dogmes de foi, que jamais on ne les révoque en doute comme le faisait Hermès ; c’est l’obéissance au précepte négatif de la foi. Voir Foi, t. vi, col. 513. — b. Franzelin ne parle que de « précepte », d' « obligation » : il ne traite donc que de la nécessité de précepte, et non pas, comme nos textes de Trente, de la nécessité de moyen. — c. Il ne fait aucune allusion aux paroles du concile de Trente d’où nous tirons notre preuve. Denzinger-Bannwart, n. 799 et 801. S’il renvoie en note à ce concile, c’est à d’autres passages. S’il y relève un endroit où il est question de la vertu infuse de foi, ibid., n. 800, c’est toujours en vue du même but. Hermès exigeait des catholiques les mêmes doutes que ceux-ci permettent aux hérétiques cherchant la vérité ; il voulait les faire tous passer sous le même niveau, à la grande joie de l’indilTérentisme et du libéralisme. Franzelin établit la différence profonde des deux situations : par exemple, le catholique croyant à des dogmes vraiment révélés a dans son acte une surnaturalité intime provenant de la vertu infuse de foi, que n’a point l’hérétique, même baptisé et de bonne foi, quand il adhère aux opinions purement humaines qu’on lui a enseignées : c’est une raison de condamner le doute dans le premier cas, comme déplacé et nuisible, et de le permettre dans l’autre, où le même inconvénient ne peut pas exister.

Venons au second scliéma, et comparons-le au premier sur le chapitre de la foi. On y a conservé la marche, les idées et même beaucoup d’expressions de Franzelin. Mais à l’endroit où il parlait de la nécessité de la foi, on a cru bien faire d’insérer les textes de Trente qu’il s'était abstenu de citer, ceux qui prouvent la thèse présente où nous sommes. De là, dans le concile du Vatican, ces paroles : « Sans la foi, il est impossible… de parvenir à la participation de la <[ualité d’enfants de Dieu, » ad filiorum cjus consortium pervenire (Trente, dans Denzinger-Bannwart, n. 801) ; nemini unquam sine illa contigit justificatio (Trente, ibid., n. 799). Ces deux membres de phrase, en sortant de leur propre cadre, qu’ils avaient à Trente, pour entrer dans un cadre tout différent (Denzinger-Bannwart, n. 1793), y ont perdu leur sens propre. Il n’en est pas de même de la fin de cette phrase du Vatican : nec ullus, etc. C’est une allusion transparente à un autre passage un peu long du concile de Trente, celui que Franzelin avait cité pour prouver contre Hermès le soin jaloux avec lequel les catholiques doivent persévérer continuellement jusqu'à la fm dans leur foi

aux dogmes révélés. Voici l’essentiel de ce texte de Trente : Dans la justification elle-même, l’homme reçoit… ces trois choses infuses ensemble, la foi, l’espérance et la charité… C’est cette foi qu’avant de recevoir le sacrement du baptême, les catéchumènes » (ayant déjà reçu le Credo et fait l’acte de foi) « demandent à l’Eglise, par une tradition qui remonte aux apôtres, quand ils demandent la foi, qui donne la vie éternelle, ce que la foi ne peut faire que dans son union avec l’espérance et la charité. » Il y a là une évidente allusion au rituel romain, où le prêtre, dans le baptême des adultes, dit aux catéchumènes : « Que venezvous demander à l'Église de Dieu ? » Réponse : « La foi I — « La foi, que vous donne-t-elle ? i — Réponse : « La vie éternelle. » Dans le baptême des nouveau-nés, mêmes questions du prêtre, mêmes réponses faites par le parrain. La foi dont il est ici question ne peut être que la vertu infuse de foi, soit parce que le concile de Trente l’explique ainsi, nous venons de le voir, soit parce qu'étant donnée par le sacrement, elle se distingue des actes de foi qui ont disposé l’adulte au sacrement, soit parce que le baptême la confère aux enfants eux-mêmes. Voir Foi, t. vx, col. 367. Reprenons notre texte de Trente ; il s’achève ainsi : « Cette justice (ou sainteté) chrétienne et véritable, rendue aux baptisés à la place de la première robe (de justice originelle) qu’Adam a perdue pour lui et pour nous, les néophytes, en qui elle est restaurée par le doir du Christ, reçoivent aussitôt l’ordre de la conserver blanche et immaculée pour la porter jusqu’au tribunal de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et avoir la vie éternelle. » Denzinger-Bannwart, n. 800. Nouvelle allusion aux cérémonies du baptême, où cette robe d’innocence et de sainteté, rendue par le Sauveur, est symbolisée non seulement par la robe blanche que l’on donne à l’adulte, mais encore par le petit linge blanc qui la remplace sur la tête de l’enfant baptisé, avec ces paroles du rituel : « Reçois ce vêtement blanc, et porte-le immaculé jusqu’au tribunal de NotreSeigneur Jésus-Christ pour avoir la vie éternelle. » C’est donc ce long passage du concile de Trente qui constitue l’idée dominante de la phrase du Vatican, dont voici le trait final : « Et personne, s’il ne persévère dans la foi (après le baptême) jusqu'à la fin, n’obtiendra la vie éternelle. » Denzinger-Bannwart n. 1793. Ce trait final, ainsi que la double source qu’il avait dans le concile de Trente et le rituel romain, autorisait l'évêque de Paderborn, rapporteur, à affirmer, comme nous l’avons vii, que dans la phrase du Vatican il n’est pas question de la foi comme acte, mais comme vertu infuse existant même dans les enfants baptisés. Et l’on comprend que le concile, par son vote, ait simplement approuvé cette manière de voir, sans se préoccuper d’examiner si le début de la phrase prenait d’autres paroles de Trente dans leur sens réel, b) Mais le doute ne retombe-t-il pas sur notre explication des premiers textes de Trente, étant donné l’emprunt qu’en a fait, à son début, la plirase du Vatican ? Non, car — a. historiquement, le sens des déclarations de Trente doit être cherché, comme nous l’avons fait, dans le contexte et les Actes de Trente, et non pas dans les Actes d’un concile postérieur. — b. Si le concile 'du Vatican, faisant appel à son magistère suprême, avait rendu un jugement solennel et obligatoire sur le vrai sens de telle assertion du concile de Trente, tout catholique devrait acquiescer à ce jugement : mais au Vatican rien de tel n’a eu lieu. — c. Un concile peut emprunter à un autre plus ancien une phrase, et l’accommoder à sa propre idée si elle en est matériellement susceptible, de même qu’il prend parfois une phrase de l'Écriture dans un sens accommodatice, et la fond dans son texte à lui, sans prétendre déclarer par là le sens lit-