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INFIDÈLES


pas : » il entend donc bien la foi actuelle, pour qui seule on peut soulever la question de « mérite. » Denzinger, n. SOI.

Une objection historique pourrait être tirée de ce fait que Vcga et Soto, cités parmi les adversaires de la thèse commune, assistaient précisément comme théologiens à cette vi= session du concile de Trente, et semblent y avoir joué un rôle important. Cela ne jette-t-il pas un doute sur la pensée du concile, quand il alTirme la nécessité de la foi ? — Réponse. — Pour André Vcga, il a collaboré avec quatre évêques à la première rédaction du Decrelum de juslificatione, projet présenté le 24 juillet 154C. Concilium Tridentinum, t. V, p. 384, note 1. Le 17 août, ce projet de décret (qui d’ailleurs ne contenait rien sur la nécessité de la foi) est blâmé par beaucoup de Pères pour sa forme, sa prolixité, etc. Ibid., p. 408 sq. On décide une nouvelle rédaction, où Véga n’a point de part. Le nouveau décret, très différent de forme, « édité par le cardinal de Sainte-Croix » qui avait surtout mis à contribution les travaux de Séripandus, général dos augustins, voir p. 391, note, 418, note 13, se rapproche beaucoup plus du décret final dont il a déjà la structure générale, et bien des parties telles quelles ; il présente déjà en substance, nous l’avons vii, le second texte de Trente, sur la nécessité de la foi, p. 423. Les théologiens furent appelés à donner leur avis sur cette nouvelle rédaction, et parmi eux Véga fit quelques remarques, mais qui ne touchent en rien au point de la nécessité de la foi, p. 431, 438. Et comment Véga pourrait-il jeter un doute sur l’intention du concile ? N’a-t-il pas au contraire attesté que le concile avait « défini » la thèse commune, et qu’aucune « évasion » n'était sérieusement possible ? Voir col. 1757.

Quant à Dominique Soto, bien qu’il ait rétracté une idée trop large sur la nécessité de la foi, on objectera peut-être qu’au moment où nous sommes il se peut qu’il l’ait eue, n’ayant encore là-dessus ni rien écrit, ni rien rétracté. Soit : mais si grande qu’ait pu être son influence sur les premiers travaux du concile, il n’en est pas de même pour la session vi sur la justification, et surtout pour le point qui nous occupe. Vers la fin de mai 1546, c’est-à-dire quand on en était encore à préparer la session v « sur le péché originel, Soto part pour Rome où il assiste au chapitre de son ordre et à l'élection d’un général ; on ne le retrouve pas à Trente dans les diaires jusqu’au 23 août, Concil. Trid. t. v, p. 332, note 7, 1069. D’ailleurs, il ne participe pas aux travaux des théologiens minores, mais siège au concile à la place de son nouveau général et en attendant sa venue, p. 442, note 3. Sa seule intervention dans les débats sur la justification a lieu le 9 octobre, p. 491 ; cf. p. 673, note 16. Il y propose quelques amendements à la seconde forme du décret, mais rien qui touclie à la nécessité de la foi, qui d’ailleurs ne fut pas discutée. Sans reprendre la parole, il remplace son général pour la dernière fois le 29 octobre, p. 634. Quand vient l’examen de la troisième forme du décret, c’est le général des dominicains que l’on entend parler, le 24 novembre, p. 660. Il n’est déjà plus question de Soto dans les diaires de Trente à partir du Il novembre ; il est probablement à Venise, et la session se clôt sans lui. Op. cil. Inlroducdon, p. liv, note 1.

La preuve tirée du concile de Trente reste donc très sérieuse. Mais peut-on garantir qu’il ait voulu définir la thèse et créer ainsi l’obligation d’y donner un assentiment intérieur et très ferme ? Sauf meilleur avis, les textes conciliaires ne nous semblent pas assez clairs pour établir une telle volonté et une telle obligation, une définition au sens rigoureux du mot, une définition certaine.

Le concile du Vatican.

On a voulu tirer une preuve de ce passage :

Quoniam vero sine fide Comme il est impossible,

impossibileest placereDeoet sans la foi, de plaire à Dieu

ad filiorum ejus consortium et d'être mis au nombre de

pervenire, ideo neniini unses enfants, personne n’a ja quam sine illa contif ; it justimais obtenu la justification

ficatio, nec ullus, nisi in ea sans la loi, et, à moins d’y

perseveraveritusqueinfinem, persévérer jusqu'à la fin,

vitam seternam assequetur. personne n’obtiendra la vie

Sess. iii, c. iii, Denzingcr- éternelle. Eannwart, n. 1793.

Le commencement de la phrase est emprunté mot pour mot aux déclarations de Trente que nous venons d’examiner : aussi est-on porté de prime abord à prendre ce texte au même sens que celui de Trente ; on aurait donc une nouvelle preuve en faveur de la thèse commune. Ainsi l’avait pris un des Pères, qui, pour plus de clarté, demanda que la phrase reçût ce léger développement : « Personne de ceux qui sont parvenus à l'âge de raison n’a jamais obtenu la justification sans la foi, » etc. Et il ajoutait en faveur de son amendement : « On excepterait par là ceux qu’il faut excepter, les enfants et les faibles d’esprit qui sont justifiés par le seul baptême sans connaître ni professer la foi. » Amendement 58^, dans la Collectio Lacensis conciliorum, t. vii, col. 160. Mais l'évêque Martin de Paderborn, donnant son avis comme rapporteur sur la longue liste des amendements proposés, pria le concile d'écarter celui-ci. Dans cet endroit de notre schéma, dit-il, « il est question de la foi comme vertu, et non pas de la foi comme acte ; or, comme nous le savons tous, la foi, vertu infuse, existe aussi dans les enfants baptisés, donnée par le sacremejit de baptême. Ibid., col. 178. Et le vote de la grande majorité du concile se conforma d’autant plus facilement à cet avis, que l'évêque de Paderborn était un des principaux auteurs du schéma, donc très compétent pour en interpréter la pensée. Il résulte de ces faits que la phrase du Vatican ne peut prouver notre thèse : elle parle d’autre chose. C’est la remarque de Vacant, loc. cit., et de Granderath, Constitutiones dogmaticœ… concilii Vaticani ex ipsis cjus Actis explicalse, Fribourg-en-Brisgau, 1892, p. 87. Le P. Pesch, qui avait paru prendre la phrase du Vatican comme preuve de notre thèse, Prœlectiones dogmaticx, 1898, t. viii, n. 432, p. 179, a retiré explicitement cette preuve dans sa 3e édit., 1910, n. 427, p. 198, ainsi que dans son Compendium. Reste à expliquer : a) comment il est arrivé qu’un texte du concile de Trente ait passé dans celui du Vatican avec un sens tout différent ; et b) comment la preuve tirée du premier concile ne périt point par le fait du second.

a) Franzelin avait préparé pour le concile un premier schéma De fide « contre les multiples erreurs dérivées du rationalisme, » travail profond et encore utile à consulter, Collectio Lacensis, ibid., col. 507 sq., mais trop long, trop chargé de matière et d' érudition pour un décret conciliaire, ce qui le fit rejeter par le concile. On nomma Mgr Martin, évêque de Paderborn, avec Mgr Pie, évêque de Poitiers, et Mgr De. champs, évêciue de Malines, pour tailler dans cette forêt touffue un nouveau schéma, que, de fait, sa brièveté substantielle et son sens pratique firent voter par les Pères, après des amendements de détail. Comme on l’avait promis, le nouveau schéma s’inspirait de l’ancien dans sa marche générale, souvent dans le détail même. C’est visible pour la question qui nous occupe. On connaît la méthode d’Hermès, chanoine de Cologne : elle veut que les catholiques instruits et capables, destinés à enseigner les autres, appliquent à tous et à chacun des dogmes un doute ayant quelque analogie avec le doute cartésien, mais pire parce qu’on n’en sortirait que par de longues études. Voir t. VI, col. 2290 sq. Franzelin, dans son schéma, rejetait