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INFIDÈLES


lication. Voir cette rédaction, c. viii, dans la collection (jœiTes que nous continuerons à citer, t. v, p. C36. Voici quelle fut l’occasion d’y insérer notre phrase. Dans la discussion de ce chapitre, plusieurs Pères demandèrent que la foi fût énuniérée parmi les causes de la justiOcation, vu le grand rôle que lui donnç saint Paul, iiislificali ex fide, Rom., v, 1, et ailleurs. Ainsi l’évêque de Fano, O. P. : Inter causas justificationis débet addi fides. Ibid., p. 650. Ainsi l’cvêque de Terracine, p. 653, et les abbés mitréi demandent que sous la rubrique de la « cause instmmentale » on mette : fides, et fidei sacramentiim quod baptismus est. Pour répondre à leurs désirs, la" commission proposa qu’à cet endroit du décret : Inslrumentalis itim (causa est) sacramentum baplismi, on ajoutât les paroles que nous y lisons aujourd’hui : quod est sacramentum fidei, sine qua nulli unquam conligit juslificaiio, p. 700. Dans la discussion de ce nouveau texte, l’évêque de Fano se plaignit qu’on ne déterminât point la causalité de la foi, et qu’on eût l’air de la réduire à une simple condition sine qua non, p. 703 ; d’autres l’appuyèrent. Notons en passant que, si la foi est déclarée absolument nécessaire à la justificatii.n, c’est déjà beaucoup pour la question présente. Qu’elle soit de plus une vraie cause de la justification, les Ptres du concile étaient d’accord là-dessus et ce concept de cause achève et complète l’idée de la nécessité de moyen. Voir col. 1760. Une congrégation spéciale des I prélats théologiens » avait été réunie pour aider à la rédaction définitive. On leur pose, entre autres, cette question : « Faut-il donner à la foi un rang parmi les causes de la justification, et lequel ? » P. 740. j L’évêque de Bertinoro, O. P., fait remarquer que « le décret ne doit énumérer que les causes principales : or la foi n’en est pas. » D’autres sont du même avis, « parce que la foi est seulement une cause dispositive ", causalité d’espèce très inférieure qui se ramène à la cause matérielle. Voir S. Thomas, Sum. theol., II*-Ila ? , q. XXVII, a. 3. et Quæst. de veritate, q. xxviii, a. 8, ad 5um. D’autres veulent que la foi, comme le baptême, soit une cause instrumentale, se ramenant par conséquent à la cause efiiciente. Loc. cit. En face de ce dissentiment on renonça à exprimer, dans l’énumération des causes, la causalité propre de la foi, et l’on s’en tint à la phrase de la commission, affirmant seulement son absolue nécessité. Telle est l’histoire de cette phrase, acceptée ensuite par le concile tout entier, et répondant d’ailleurs à l’une des erreurs que dès le début on s’était proposé de combattre.

b) Preuve tirée de cette phrase en faveur de la thèse commune. — Le concile affirme que « sans la foi personne n’a jamais obtenu la justification. » On ne peut mieux exprimer une nécessité absolue, qui ne souffre aucune exception. Or dans les discussions personne ne réclama contre une formule aussi nette et aussi tranchante, personne ne chercha soit à l’excuser, soit à l’adoucir par une interprétation large ou mitigée : ni dans la congrégation spéciale des prélats théologiens, très attentifs à éplucher tous les mots, ni dans les séances générales. Nous devons donc la prendre dans son sens naturel. En confirmation de cette preuve très solide, ajoutons que l’un des Pères, le dominicain Stella, évêque de Salpe, fut amené par son argumentation à nier toute exception, même extraordinaire et par dérogation à la loi générale, comme est l’exception que nos adversaires voudraient voir ici. Il se proposait de montrer que la foi n’est pas une cause instrumentale ; et il supposait manifestement ce principe, que Dieu peut toujours suppléer extraordinairement, par sa toute-puissance, les instruments qu’il emploie, et se passer d’eux ; c’est le principe de saint Thomas, Dcum posse facere per seipsum omncs determinnlûs effectus qui fiunt per quamcumque causam

creaiam. Sum. theoL, I », q. cv, a. 2. De là le prélat concluait : Fides non est causa instrumentons, quia sequeretur quod Deus possel justificare hominem sine fîde (par une exception extraordinaire) ; quod falsum est, quia sine fide impossibile est placere Dco, Heb., xi, 6, p. 741. Il entendait donc les paroles de l’Épître aux Hébreux de manière à rejeter toute exception, même extraordinaire. Or son interprétation et son assertion ne furent attaquées par aucun des Pères. C’est donc bien ainsi qu’ils comprenaient la nécessité de la foi, l’impossibilité d’être justifié sans elle.

c) Objections et réponses. — Véga a déjà signalé les diverses échappatoires » par lesquelles on peut chercher à esquiver la « définition de Trente. Voir col. 1757. Ce sont d’ailleurs les mêmes pour tous les arguments de la thèse. Nous allons y répondre pour la phrase citée.

l’^' objection. — « En admettant que le concile parle de la foi proprement dite, nous savons que dans sa doctrine de la justification il enseigne comment les choses se passent ordinairement. » Gutberlet, op. cit., p. 497. Donc il n’exclut pas les cas extraordinaires et exceptionnels, comme celui des infidèles négatifs. — Réponse. — Il est vrai que le concile parle quelquefois de ce qui est requis non pas absolument, mais ordinairement, normalement : par exemple, dans cette phrase même, il parle du baptême pour la justification de l’adulte infidèle, parce que c’est le moyen normal. Mais, précisément, il ne dit pas du baptême que " sans lui personne n’a jamais été justifié : il réserve cette phrase, qui signifie une nécessité absolue, à l’acte de foi ; et nous avons vu que le concile l’entendait bien ainsi.

objection.

Le concile peut parler ici de la foi large ou impropre : on ne peut donc rien conclure de certain. — Réponse. — Outre cette réponse générale, que les conciles choisissent leur langage et en bannissent l’impropriété, surtout pour des termes aussi essentiels que l’est dans la question de la justification le mot " foi », rappelons qu’au chapitre précédent, en mettant la foi en tête des dispositions à la justification, le concile s’est donné la peine de définir ce qu’il entendait par « foi : Fidem ex audifu concipienles, libère moventur in Deum, crcdenles vera esse quæ divinitus revclata et promissa sunt… Denzinger, n. 798. Or la foi large, fondée sur le spectacle de la création, n’est pas ex auditu ; elle n’a pas pour objet « les choses divinement révélées » : ou, si l’on veut équivoquer au moyen de la révélation naturelle (terme bien ignoré du concile I), la foi large ne peut du moins avoir pour objet des promesses de Dieu, divinitus promissa, car c’est par le seul canal de la révélation surnaturelle et proprement dite que Dieu peut faire des promesses, par exemple, « de pardon et de rédemption par le Christ », comme ajoute le concile. Enfin, la fo.i dont parlent les Pères dans notre phrase même, c’est celle dont le « baptême » est le signe et le sacrement, sacramentum fidei, sine qua nulli unquam, etc. Or la foi liée au baptême, et dont l’adulte fait profession au baptême en récitant le symbole, n’est certainement pas la foi large. Celle-ci est donc éhminée par tout le contexte.

objection.

Il peut se faire que le concile parle ici de la foi (stricte) in re vel in volo : la foi, ou le désir de croire ; il n’est donc pas certain qu’il prenne la foi absolule in re. — Réponse. — Prendre le mot fides pour un simple désir de croire, ce serait de nouveau un sens impropre que rien ne nous autorise à attribuer au concile, et qui va même contre la définition, qu’il vient de donner de l’acte de foi comme contenant, en plus d’un mouvement de la volonté vers un bien, un assentiment intellectuel donné au irai et au vrai connu comme révélé, credenles vera esse, etc. Voir Foi, t. vi.