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INFIDÈLES


prend la forme : « Je crois tout ce que Dieu a révélé, tou ce que l'Église enseigne comme tel », elle peut contenir en outre un véritable assentiment de foi à l’existence d’une révélation divine, vaguement connue, et à la mission divine donnée à l'Église, voir Foi, t. VI, col. 343 sq. Le terme « implicite » est très équivoque.

Quel accueil a-t-on fait à l’opinion de D. Gutberlet ?

a) Le D Franz Schmid est le premier qui en ait publié une étude approfondie, dans son livre sur « les moyens extraordinaires de salut » Die aiisserordentUchen Heilswege fCir die gefallene Menschheii, Brixen, 1899. Dans sa critique, il reconnaît d’abord que cette conception n’implique « aucune impossibilité intrinsèque, » c’està-dire que Dieu aurait pu, dans un autre ordre de providence, établir ainsi les conditions de la justification ; ensuite, qu’elle « s’accorde avec la doctrine de l'Église sur la nécessité de la grâce », puisqu’elle exige absolument pour la justification des infidèles négatifs « le secours d’une grâce intérieure et vraiment surnaturelle, prévenante « t concomitante. » Op. cit., n. 81, p. 77. < Mais, ajoute-t-il, cette théorie s’accordet-elle avec la doctrine catliolique sur la nécessité <ie la foi ? Non ; aussi est-elle a intenable », n. 83, p. 78. « La théorie de Gutberlet, dit-il dans sa dernière conclusion, ne mérite pas, à notre avis, d'être regardée comme probable ; la science catholique n’a pas à compter sérieusement avec elle, » n. 125, p. 112. —

b) Le D"' Liese a repris l’examen de cette théorie, mais au seul point de vue de l'Écriture et des Pères, qu’il expose plus amplement quoique dans un ouvrage plus restreint : » La position de Gutberlet, dit-il également, ne peut pas être considérée comme tenable. Il ne s’appuie que sur un argument purement négatif ; il n’apporte aucune preuve positive tirée de l'Écriture, et ne s’est pas inquiété des Pères. » Der heilsnotwendige Glaube, Fribourg-en-Brisgau, 1902, p. 179.

— c) Comme Gutberlet avait prétendu s’appuyer sur saint Thomas, le R. P. Raymond Martin, O. P., sans négliger les autres considérations l’a critiqué spécialement par rapport à la pensée du docteur angélique, qu’il montre toute différente. De necessitatc credendi et crcdendorum, seu de fide salutari, Louvain, 1906. L’occasion de son opuscule est la théorie du professeur Gutberlet, dit-il dans son Introduction, p. 21, 22. Il l’expose et l’oppose à la pensée de saint Thomas, p. 57-59 ; cf., p. 74 sq. et p. 84-87 ; cꝟ. 122 sq.

— d) En dernier lieu le P. Pesch a examiné la question, et après avoir cité la conclusion sévère du D' SchmiJ sur l’improbabilité de la théorie de Gutberlet, il dit : a Je ne puis que souscrire entièrement à ce jugement. » Op. cit., p. 19.

En terminant la revue de nos plus fameux adversaires, tous d’une habileté incontestable, une pensée nous frappe. Les honnêtes scrupules qu’ils éprouvent quand, il s’agit de conclure, prêchent à leur façon la valeur de la thèse commune. Véga hésitait ; tantôt il paraissait verser dans le naturalisme, tantôt n’osant pas nier la nécessité de la foi stricte pour la justification, il semblait vouloir se contenter d’une nécessité in voio ; et le voilà qui, malgré le candide exposé de toutes les difficultés où il se dé bat depuis longtenaps, conclut en faveur d’une nécessité absolue de l’acte de foi, qu’il déclare afiirmée par les Pères de Trente. Ripalda après avoir, en théorie, attaqué la thèse tant qu’il peut, conclut que malgré tout il lui donne son adhésion, parce qu’il faut en pareille matière aller au plus sûr. Gutberlet, qui a toujours mis plus de ménagement dans son attaque, conclut également qu’en pratique la sécurité exige qu’on s’en tienne à la thèse commune. En faveur de celle-ci nous avons là, déjà, une forte présomption.

II. DOCUMENTS DE L'ÉOLISE. — Nous abordons les preuves de la thèse commune, et fondamentale pour résoudre le problème du salut des infidèles. Parmi les preuves données par divers auteurs, il en est de faibles ; nous les négligerons, ou parfois nous en ferons la critique. D’autres sont bonnes, mais ont besoin d'être présentées dans toute leur force et défendues contre les objections de Ripalda ou de Gutberlet. Comme documents de l'Église, on allègue pour la thèse : 1° le concile de Trente ; 2° le concile du Vatican ; 3° la condamnation d’une proposition par Innocent XI.

1° Le concile de Trente, sas. Vi, sur la justification. — La question présente n’y fut pas l’objet d’un grand débat, comme l’a remarqué Véga. Voir col. 1751. C’est principalement contre les erreurs protestantes, que le concile se proposait d’expliquer la doctrine catholique de la justification ; or la plupart des protestants, avec Luther et Calvin, admettaient, tout comme nos théologiens, la plus absolue nécessité de la t foi », même entendue dans le sens d’un assentiment donné à la révélation chrétienne ; ils étaient même beaucoup trop durs pour les païens, qu’ils cnvoj’aient en bloc au feu éternel. Leurs erreurs sur la justification étaient d’ailleurs si profondes, si multiples, elles tenaient à tant de difficiles problèmes, que les Pères du concile eurent assez d’autres questions à débattre longuement avec eux en dehors de celle qui nous occupe. Celle-ci ne pouvait cependant être complètement omise : Zwingle l’avait soulevée dans les milieux protestants ; et, depuis Vives, l’idée de sauver les païens sans la foi faisait son chemin parmi les humanistes, et menaçait par eux les catholiques eux-mêmes. Voir col. 1732. Aussi la négation de la nécessité de la foi figure-t-elle dans le catalogue d’erreurs que, dès le début, plusieurs évêques avaient prié les légats du pape de faire dresser comme direction pour les travaux du concile, et qui fut présenté par les légats à la séance du 30 juin 1546 ; parmi les dix erreurs qui regardent le premier stade de la justification des adultes, c’est-à-dire la justification de V infidèle, figure celle-ci au n. 5 : Sola opinione de Deo, et dolore, etiam sine fide, passe hominem ad juslificationem disponi. Concilium Tridenlinum, nouvelle collection des actes et autres documents, publiée par Société de Gœrres, .Fribourg-en-Brisgau, 1911, t. V, p. 281. La « foi large t est ici exprimée par les mots : Opinio de Deo… etiam sine fide. Nous voyons aussi des Pères du concile combattre cette erreur dans leurs discours ; ainsi l'évêque de Vaison, op. cit., p. 299, 300 ; l'évêque de Fano, p. 310.

Deux passages du décret de la justification concernent la nécessité de la foi :

1. Sine (fide) nulli unquam Sans la foi personne n’a

contigU justificatio.Sess. VI, jamais obtenu la justifica c. vii, Dcnzinger-Bannwart, tion. n. 799.

a) Historique de cette phrase. — Quand une assertion d’un concile n’a qu’un sens possible, pas n’est besoin d’aller chercher dans les Acfes quelle a été l’intention du magistère ecclésiastique en l’insérant, qusl sens il avait en vue : le texte suffit à lui-même, et sa force décisive ne dépend pas de circonstances historiques ou de paroles d'évêques qui ont en elles-mêmes une bien moindre valeur. Mais il en est tout autrement quand le texte a quelque ambiguïté ; et c’est le cas présent, comme nous le verrons par les nombreuses objections. Voilà pourquoi nous avons entrepris ici un travail sur les Actes, qui n’avait pas encore été fait.

La phrase dont il s’agit ne figure pas encore à cette place dans la troisième des rédactions successives du décret De justificatione, rcdac’Aon qui pour la première fois contenait une énumération des causes de la justi-