Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/260

Cette page n’a pas encore été corrigée
1769
1770
INFIDÈLES


Aragon, Ruiz, Vasqucz », celle que plus récemment Lupo a défendue contre ses attaques. Et il se met à comparer les deux solutions. Ibid., n. 190-198. Notre réponse sera d’abord, qu’il nous faut pour le moment traiter la thèse vraiment fondamentale où nous sommes : la solution détaillée du problème des infidèles et la réponse aux difficultés ne peut venir que plus tard.

Ensuite, on n’est point obligé, comme Ripalda a tort de le supposer, de choisir entre deux solutions seulement : ou la sienne, ou celle de Suarez, Vasquez, Lut ; o, etc. Celle-ci n’est pas vraiment « commune », elle n’est pas la seule en dehors de la sienne. Plusieurs solutions du problème ont été proposées par des docteurs catholiques dans la suite des temps, ayant une certaine probabilité plus ou moins grande ; nous les exposerons plus tard, et l’on pourra choisir. Enfin, de toutes ses attaques contre notre thèse et ses preuves, Ripalda conclut « qu’il ne voit (théoriquement et selon les raisons intrinsèques) aucun motif d’aflirmer la nécessité de la foi stricte pour la justification, plutôt que sa non-nécessité. » Ibid., n. 203.

c) Mais alors, se plaçant finalement sur le terrain pratique, comme il l’avait déjà fait jadis en donnant sa première pensée sur la question, il ajoute : « Malgré tout, je juge absolument que la toi stricte est nécessaire à la justification, et voici pourquoi. Ni l’affirmative, ni la négative n’est convaincante par la force de ses preuves. Mais en toute matière probable et douteuse ayant la grande importance de celle-ci, il faut choisir le parti le plus sûr, même contre l’inclination de son propre jugement. Or ici le parti le plus sûr, c’est d’affirmer la nécessité de la foi stricte pour la justification, parce que cette affirmation est conforme à l’avis commun des théologiens, auquel, en pareille matière, un homme prudent doit soumettre son jugement. » Ibid., n. 204. Et la gravité des conséquences pratiques réclame ici d’aller au plus sûr, comme il l’indique : car le salut de nombreux infidèles serait mis en danger si l’on répandait avec faveur et même pratiquement l’opinion de la suffisance de la foi large ; une telle diffusion serait capable de refroidir le zèle des missionnaires pour aller porter aux nations lointaines la révélation divine, ce grand moyen de salut, ce moyen qui est très probablement le seul.

e) De là, Ripalda tire une conclusion pro domo sua : c’est à tort que certains ont voulu flétrir par une censure thèologique son opinion particulière, déjà exposée dans le De ente supernaturali avec toutes ces restrictions, et l’accuser de témérité. « Est téméraire, dit-il, celui qui se fie à son propre jugement au point d’abandonner, sans preuve nouvelle et suffisante, le sentiment commun des théologiens. Or nous sommes très loin de mépriser le jugement des autres ; bien qu’apportant des preuves nou elles, non encore examinées, nous les avons reniées (en pratique) par respect pour la pensée commune. » Ibid., n. 212 sq., p. 405.

3. Vers la fin du xixe siècle, le docteur Gutbcrlet, qui s’est fait connaître en Allemagne par de bons travaux de théologie et surtout, d’apologétique, a repris l’opinion proposée par Ripalda ; du moins, il s’en rapproche beaucoup, dans la continuation qu’il a faite de la théologie dogmatique de Heinrich. Voir Foi, t. VI, col. 460, 461. « Il n’y a pas lieu, dit-il, de refuser le caractère surnaturel à un acte de croyance ou à un acte moral quelconque, qui, produit sous l’influence d’une grâce intérieure, a pour objet les c.onnées de la raison. » Heinrich, Dogmatische Théologie, Mayence, 1897, t. viii, p. 495. On reconnaît ici le point de départ de Ripalda, cette première théorie controversée en théologie, mais suffisamment autorisée. Mais de là.

comme Ripalda, Gutbcrlet passe à une seconde théorie qui est moins sûre, c’est qu’une connaissance purement rationnelle par son ol jet, sun atural.sée ainsi par la grâce qui la fait produire, pomra che un infidèle négatif remplacer la foi stricte comme fondement de la justification, du moins si l’on y ajoute le vœu de la foi stricte. Il reconnaît toutefois que régulièrement parlant la foi stricte est nécessaire in re, et ne suffit pas in vota : « En règle générale, dit-il, la foi proprement dite, explicite, est de nécessité de moyen, et une fides in volo ne peut suffire. Mais si l’on descend aux cas particuliers, les deux vériiés qui seules sont regardées communément et avec certitude comme étant de nécessité de moyen, à savoir l’existence de Dieu et la rémunération future, le sont en ce sens, qu’elles doivent dans tous les cas être connues explicitement, mais non pas toujours crues par une foi stricte, b ; sée sur la révélation. » Ibid., p. 493. La nécessité de moyen in re, pour la foi stricte, n’est donc pas absolue ; il y a des exceptions pour les infidèles négatifs, exceptions que rejette la thèse commune. Gutberlet a pris, d’ailleurs, les plus gr^ ndes précautions pour ne pas heurter de front cette thèse, pour s’en rapprocher le plus possible et lendre plus acceptable l’opinion qu’il s utient, comme on peut le voir encore, quand il fait les^réserves it les remarques suivantes :

i a) Il ne cherche pas, dit-il, à dt’molir la thèse commune. Son intention est ] urement apologétique. « Quand des ennemis reprochent à l'Église de condamner à l’enfer tous ceux qui ne connaissent pas la révélation, je veux leur faire remarquer que leur reproche en réalité ne tombe pas sur une définition de l'Église, mais seulement sur une thèse aujourd’hui commune en théologie. » Ibid., p. 502. Le P. Pesch fait observer qu’il ne faudrait pas dire aujourd’hui commune, mais toujours commune.

b) Bien que très probable, dit-il encore, notre théorie ne peut être démontrée comme certaine, et par suite ne doit pas aoir d’applications pratiques : car en pratique, lorsqu’il s’agit de la fin dernière à atteindre, il faut prendre le moyen le plus sûr, qui est ici la foi stricte. La théorie reste donc sans infiuence sur l’ordre pratique (évangélisalion des infidèles, etc.), et purement apologétique. Ibid., p. 503.

i c) Une évolution ultérieure de’sa pensée a fait dire à Gutberlet : « On nous a attribué de soutenir, comme suffisant à la justification, la fides improprie dicta de Ripalda… Non, elle ne peut suffire… parce que c’est une pure opération logique (Ripalda recourait cependant, comme Gutberlet, à la fides siricta in vota, laquelle n’est pas une pure opération logique). Nous, nous exigeons pour la justification un acte de foi proprement dit, que l’on définit assensus fîrmissimus super omnio propler solum Deum, prime m veritaiem. Car un païen même peut avoir ces concepts et cet assentiment, sans connaître aucun objet révélé. Revue Paslor bonus, t. xiv, p. 46 sq. Le P. Pesch répond que cet « assensus sans" aucun objet révélé » n’est pas autre chose qu’un plus cfjectus, ce n’est pas un assentiment de foi proprement dit. Un païen, sans connaître aucun objet révélé, peut bien dire : « Si Dieu révélait quelque chose, je le croirais ; » mais c’est là un acte de volonté, et non pas un acte de foi proprement dit, lequel doit être une connaissance et, comme l’indique saint Thomas, doit toujours avoir pour objet une vérité que Dieu ait révélé de fait, Sum. iheol.. Il » II æ, q. i, a. 1. Pesch, Theologische Zeitfragen, <' série, Fribourg-en-Brisgau, 1908, p 21, 22. Sur cette foi implicite qui en effet chez un infidèle négatif ne peut être qu’une volonté de croire, un désir de la foi stricte, tandis que chez un fidèle, où elle