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INFIDÈLES


a) L’élément risqué. — L’auteur, par des autorités et des raisonnements, attaque, seinble-t-il, l’unanimité des théologiens, la thèse commune qui exige la foi stricte pour toute justification d’adulte. Ibid., n. 19-25, p. 255-259. En terminant, il élève un doute sur la pensée d’un certain nombre de théologiens : est-ce bien la foi stricte, déterminée comme telle, qu’ils exigent en réalité ? L’unanimité est-elle certaine ? Et il note que le chancelier et le doyen de l’université de Salamanque (où il enseignait la théologie avec grand succès) ont permis à un de ses élèves de défendre son système dans une soutenance solennelle. Il montre ensuite le faible des preuves que l’on apporte pour la thèse dite « commune ». Ibid., n. 26 sq., p. 259 sq. Accordons-lui que beaucoup de théologiens, allant au plus court, n’ont pas choisi assez sévèrement, ni présenté dans toute leur force les arguments qu’ils donnaient ; tout à l’heure nous examinerons en détail les preuves principales.

b) Les correctifs. - — Ripalda les a multipliés, pour rendre plus acceptable ce que son système avait de risqué. — a. D’abord, il exige une véritable surnaturalité dans l’acte de foi large. Pour comprendre ceci, qui peut à première vue paraître contradictoire, il faut avant tout distinguer dans un acte humain, comme la foi, deux espèces de surnaturalité, qu’en termes plus modernes nous pouvons appeler, l’une objective, l’autre subjective. Sur cette distinction dans la foi, voir Foi, t. vi, col. 358, 359. Cela supposé, nous avouons que ce serait une contradiction dans les termes, une absurdité d’admettre une surnaturahté objective, un objet surnaturel, dans la « foi large » ; car on entend, par cette » foi » au sens impropre, une connaissance naturelle de Dieu ou de la loi morale, accessible à tous les hommes ; connaissance dite « naturelle à cause de son objet, lequel n’est surnaturel ni en lui-même, puisqu’il ne dépasse pas les forces de la raison, philosophique ou vulgaire, ni dans la manière dont il est supposé actuellement connu, puisque la foi large suppose précisément qu’on ne va pas à lui par la voie de la révélation. Mais ce n’est pas une absurdité de supposer dans ce même acte une surnaturalité subjective, c’est-à-dire de supposer qu’alors Dieu par sa grâce élève le sujet, la faculté, pour lui faire connaître surnaturellement cet objet naturel, en sorte que l’acte de connaissance, considéré comme modification du sujet, est alors surnaturel intrinsèquement et dans son entité même. C’est ainsi que Ripalda rend surnaturel l’acte de foi large. Dans quel but ? Pour pouvoir ensuite en faire une disposition positive, intrinsèquement proportionnée à la justification, un acte salutaire, et lui appliquer la doctrine certaine qui, pour les actes salutaires, proclame la nécessité absolue d’une élévation de la faculté par la grâce (grâce actuelle quand il s’agit d’un pécheur). Voir Grâce, t. vi, col. 1576-1578. Reste pourtant contre ce correctif la doctrine de nombreux théologiens qui réclament un parallélisme rigoureux entre les deux surnaturalilés. D’après eux, si l’objet est naturel (comme dans le cas de la foi large), la grâce n’élèvera jamais le sujet pour l’atteindre ; à l’objet naturel correspond nécessairement un ac.te naturel, à l’olijet surnaturel un acte surnatureL Mais Ripalda peut leur répondre que leur doctrine n’est pas commune, et ne passe même pas pour telle ; qu’avant lui plusieurs graves auteurs ont rejeté cette correspondance, ce parallélisme avec ses preuves ; et de fait il a déjn traité cette question subsidiaire. De ente supernaturali, t. ii, disp. XLV, p. 88 sq. Ajoutons qu’entre ces deux opinions extrêmes, on peut concevoir une via média. Ce serait de concéder à la première le parallélisme comme cas normal, et à la seconde des exceptions possibles, pour des raisons particulières et per accidens,

comme disent les scolastiques. Saint Thomas paraît souscrire à cette troisième opinion moyenne, quand il juge admissible que l’âme du Christ, par sa science infuse et surnaturelle, ait connu non seulement « tous les objets que les hommes connaissent par révélation divine, qu’ils appartiennent au don de sagesse, ou de prophétie, ou à quelque autre don du Saint-Esprit, » mais encore « tout ce qui appartient aux sciences humaines. » Sum. theol., III », q. xi, a. 1. Voilà donc un principe infus et surnaturel, destiné normalement par son caractère à faire atteindre tous les objets surnaturels (tous, excepté l’essence divine prise en elle-même comme le remarque le saint docteur), mais qui étend sa haute influence à faire atteindre secondairement des objets d’un ordre très inférieur, des objets naturels, aux dépens de la symétrie rigoureuse rêvée par la première opinion. Il n’y aurait donc pas d’absurdité à admettre avec Ripalda qu’une grâce actuelle des plus élevées (puisqu’elle remplace, dans les infidèles et les pécheurs, les vertus infuses) puisse s’employer à faire atteindre surnaturellement un objet naturel. D’ailleurs, cette corrélation rigoureuse, qu’il attaque, entre la surnaturalité du principe actif et la surnaturalité de son objet est rejetée encore de nos jours par plusieurs, à la suite du cardinal Billot, De viriutibus infusis, 2^ édit., Rome, 1905, t. I, proleg. ni, p. 62-89. Voir Foi, col. 268-271. Nous laisserons donc Ripalda soutenir en paix une opinion sufiisamment probable et autorisée. Mais il va plus loin, et c’est alors que nous ne pouvons plus le suivre. Qu’une révélation improprement dite, objet naturel, puisse sous l’influence de la grâce être affirmée par un acte surnaturel, qu’il n’y ait pas en cela d’absurdité, soit ; mais que cet acte surnaturel de « foi large » puisse remplacer la foi proprement dite pour disposer à la justification les infidèles négatifs, voilà ce que réfuteront les preuves de notre thèse.

b. Un second correctif ajouté par Ripalda le rapproche des tenants de la nécessité de la « foi stricte ». S’il n’exige pas celle-ci en elle-même pour toute justification d’adulte, du moins il en exige le vœu, et le vœu produit surnaturellement par la volonté élevée, sous l’influence de la grâce. Ce vœu peut se rencontrer sous forme explicite ou implicite. Le premier cas n’a rien d’absurde. L’infidèle négatif peut arriver, au moins avec un secours providentiel, à concevoir la possibilité de la révélation proprement dite, dont il ignore le fait et le contenu ; or connaître la simple possibilité d’une chose excellente suffit pour qu’on puisse la désirer. Ah ! si la Divinité venait nous donner les lumières qui nous manquent 1° L’infidèle peut avoir également ce qui vaut encore mieux que ce désir, le ferme propos de croire tout ce que lui afhrmcrait la Divinité, si elle lui parlait de fait (immédiatement ou médiatement). Et la grâce peut élever la faculté affective, la volonté, pour que bon désir et ferme propos soient intrinsèquement surnaturels. En exigeant tout cela pour la justification, Ripalda reconnaît à la foi proprement dite une véritable nécessité de moyen, mais seulement in re vcl in voto, telle que la nécessité du baptême. De ente supernaturali, t. i, disp. XX, n. 117, p. 265. C’est déjà une bonne concession, mais pas assez pour la thèse commune : l’acte de foi stricte est nécessaire absolute in re. Dans le second cas (forme implicite), le vœu est contenu dans l’acte de charité parfaite, que d’après lui (nous examinerons plus tard la question), ces infidèles auraient la possibilité de faire sans que l’acte de foi stricte, ait précédé. Il part de rojiinion d’un bon nombre de théologiens, que la nature Iiumaine n’est pas incapable de produire un acte naturel d’amour de Dieu, en voyant par la raison ses immenses bienfaits et ses perfections les